Lettre Apostolique en forme de Motu proprio Porta fidei du Souverain Pontife Benoît
XVI par laquelle est promulguée l’Année de la foi
1. « La porte de la
foi » (cf. Ac 14, 27) qui introduit à la vie de communion avec Dieu et permet l’entrée
dans son Église est toujours ouverte pour nous. Il est possible de franchir ce seuil
quand la Parole de Dieu est annoncée et que le cœur se laisse modeler par la grâce
qui transforme. Traverser cette porte implique de s’engager sur un chemin qui dure
toute la vie. Il commence par le baptême (cf. Rm 6, 4), par lequel nous pouvons appeler
Dieu du nom de Père, et s’achève par le passage de la mort à la vie éternelle, fruit
de la résurrection du Seigneur Jésus qui, par le don de l’Esprit Saint, a voulu associer
à sa gloire elle-même tous ceux qui croient en lui (cf. Jn 17, 22). Professer la foi
dans la Trinité – Père, Fils et Saint-Esprit – équivaut à croire en un seul Dieu qui
est Amour (cf. 1 Jn 4, 8) : le Père, qui dans la plénitude des temps a envoyé son
Fils pour notre salut ; Jésus-Christ, qui dans le mystère de sa mort et de sa résurrection
a racheté le monde ; le Saint-Esprit, qui conduit l’Église à travers les siècles dans
l’attente du retour glorieux du Seigneur.
2. Depuis le commencement de mon
ministère comme Successeur de Pierre, j’ai rappelé l’exigence de redécouvrir le chemin
de la foi pour mettre en lumière de façon toujours plus évidente la joie et l’enthousiasme
renouvelé de la rencontre avec le Christ. Dans l’homélie de la messe pour l’inauguration
de mon pontificat je disais : « L’Église dans son ensemble, et les pasteurs en son
sein, doivent, comme le Christ, se mettre en route, pour conduire les hommes hors
du désert, vers le lieu de la vie, vers l’amitié avec le Fils de Dieu, vers celui
qui nous donne la vie, la vie en plénitude ». Il arrive désormais fréquemment que
les chrétiens se préoccupent davantage pour les conséquences sociales, culturelles
et politiques de leur engagement, continuant à penser la foi comme un présupposé évident
du vivre en commun. En effet, ce présupposé non seulement n’est plus tel mais souvent
il est même nié. Alors que dans le passé il était possible de reconnaître un tissu
culturel unitaire, largement admis dans son renvoi aux contenus de la foi et aux valeurs
inspirées par elle, aujourd’hui il ne semble plus en être ainsi dans de grands secteurs
de la société, en raison d’une profonde crise de la foi qui a touché de nombreuses
personnes.
3. Nous ne pouvons accepter que le sel devienne insipide et que
la lumière soit tenue cachée (cf. Mt 5, 13-16). Comme la samaritaine, l’homme d’aujourd’hui
peut aussi sentir de nouveau le besoin de se rendre au puits pour écouter Jésus qui
invite à croire en lui et à puiser à sa source, jaillissante d’eau vive (cf. Jn 4,
14). Nous devons retrouver le goût de nous nourrir de la Parole de Dieu, transmise
par l’Église de façon fidèle, et du Pain de la vie, offerts en soutien de tous ceux
qui sont ses disciples (cf. Jn 6, 51). L’enseignement de Jésus, en effet, résonne
encore de nos jours avec la même force : « Travaillez non pour la nourriture qui se
perd, mais pour la nourriture qui demeure en vie éternelle » (Jn 6, 27). L’interrogation
posée par tous ceux qui l’écoutaient est la même aussi pour nous aujourd’hui : « Que
devons-nous faire pour travailler aux œuvres de Dieu ? » (Jn 6, 28). Nous connaissons
la réponse de Jésus : « L’œuvre de Dieu, c’est que vous croyiez en celui qui l’a envoyé
» (Jn 6, 29). Croire en Jésus Christ est donc le chemin pour pouvoir atteindre de
façon définitive le salut.
4. A la lumière de tout ceci j’ai décidé de promulguer
une Année de la foi. Elle commencera le 11 octobre 2012, lors du cinquantième anniversaire
de l’ouverture du Concile Vatican II, et se terminera en la solennité de Notre Seigneur
Jésus-Christ Roi de l’univers, le 24 novembre 2013. Le 11 octobre 2012, aura lieu
aussi le vingtième anniversaire de la publication du Catéchisme de l’Église catholique,
texte promulgué par mon Prédécesseur, le Bienheureux Pape Jean-Paul II, dans le but
d’exposer à tous les fidèles la force et la beauté de la foi. Ce document, fruit authentique
du Concile Vatican II, fut souhaité par le Synode extraordinaire des Évêques de 1985
comme instrument au service de la catéchèse et fut réalisé grâce à la collaboration
de tout l’épiscopat de l’Église catholique. Et j’ai précisément convoqué l’Assemblée
générale du Synode des Évêques, au mois d’octobre 2012, sur le thème de La nouvelle
évangélisation pour la transmission de la foi chrétienne. Ce sera une occasion propice
pour introduire la structure ecclésiale tout entière à un temps de réflexion particulière
et de redécouverte de la foi. Ce n’est pas la première fois que l’Église est appelée
à célébrer une Année de la foi. Mon vénéré Prédécesseur, le Serviteur de Dieu Paul
VI en avait décidée une semblable en 1967, pour faire mémoire du martyre des Apôtres
Pierre et Paul à l’occasion du dix-neuvième centenaire de leur témoignage suprême.
Il la pensa comme un moment solennel pour que dans toute l’Église il y eut « une profession
authentique et sincère de la même foi » ; en outre, il voulut que celle-ci soit confirmée
de manière « individuelle et collective, libre et consciente, intérieure et extérieure,
humble et franche ». Il pensait que de cette façon l’Église tout entière pourrait
reprendre « une conscience plus nette de sa foi, pour la raviver, la purifier, la
confirmer et la proclamer ». Les grands bouleversements qui se produiront en cette
Année, ont rendu encore plus évidente la nécessité d’une telle célébration. Elle s’est
conclue par la Profession de foi du Peuple de Dieu, pour attester combien les contenus
essentiels qui depuis des siècles constituent le patrimoine de tous les croyants ont
besoin d’être confirmés, compris et approfondis de manière toujours nouvelle afin
de donner un témoignage cohérent dans des conditions historiques différentes du passé.
5. Pour certains aspects, mon Vénéré Prédécesseur a vu cette Année comme
une « conséquence et une exigence de l’après-Concile », bien conscient des graves
difficultés du temps, surtout en ce qui concerne la profession de la vraie foi et
sa juste interprétation. J’ai considéré que faire commencer l’Année de la foi en coïncidence
avec le cinquantième anniversaire de l’ouverture du Concile Vatican II peut être une
occasion propice pour comprendre que les textes laissés en héritage par les Pères
conciliaires, selon les paroles du bienheureux Jean Paul II, « ne perdent rien de
leur valeur ni de leur éclat. Il est nécessaire qu’ils soient lus de manière appropriée,
qu’ils soient connus et assimilés, comme des textes qualifiés et normatifs du Magistère,
à l’intérieur de la Tradition de l’Église… Je sens plus que jamais le devoir d’indiquer
le Concile comme la grande grâce dont l’Église a bénéficié au vingtième siècle : il
nous offre une boussole fiable pour nous orienter sur le chemin du siècle qui commence
». Moi aussi j’entends redire avec force tout ce que j’ai eu à dire à propos du Concile
quelques mois après mon élection comme Successeur de Pierre : « Si nous le lisons
et le recevons guidés par une juste herméneutique, il peut être et devenir toujours
davantage une grande force pour le renouveau, toujours nécessaire, de l’Église ».
6.
Le renouveau de l’Église passe aussi à travers le témoignage offert par la vie des
croyants : par leur existence elle-même dans le monde les chrétiens sont en effet
appelés à faire resplendir la Parole de vérité que le Seigneur Jésus nous a laissée.
Justement le Concile, dans la Constitution dogmatique Lumen gentium affirmait : «
Tandis que le Christ, ‘saint, innocent, sans tâche’ (He 7, 26), n’a pas connu le péché
(cf. 2 Co 5, 21), venant seulement expier les péchés du peuple (cf. He 2, 17), l’Église,
elle, qui enferme des pécheurs dans son propre sein, est donc à la fois sainte et
appelée à se purifier, et poursuit constamment son effort de pénitence et de renouvellement.
‘L’Église avance dans son pèlerinage à travers les persécutions du monde et les consolations
de Dieu’, annonçant la croix et la mort du Seigneur jusqu’à ce qu’il vienne (cf. 1
Co 11, 26). La vertu du Seigneur ressuscité est sa force pour lui permettre de vaincre
dans la patience et la charité les afflictions et les difficultés qui lui viennent
à la fois du dehors et du dedans, et de révéler fidèlement au milieu du monde le mystère
du Seigneur, encore enveloppé d’ombre, jusqu’au jour où, finalement, il éclatera dans
la pleine lumière ».
Dans cette perspective, l’Année de la foi est une invitation
à une conversion authentique et renouvelée au Seigneur, unique Sauveur du monde. Dans
le mystère de sa mort et de sa résurrection, Dieu a révélé en plénitude l’Amour qui
sauve et qui appelle les hommes à convertir leur vie par la rémission des péchés (cf.
Ac 5, 31). Pour l’Apôtre Paul, cet Amour introduit l’homme à une vie nouvelle : «
Nous avons donc été ensevelis avec lui par le baptême dans la mort, afin que, comme
le Christ est ressuscité des morts par la gloire du Père, nous vivions nous aussi
dans une vie nouvelle » (Rm 6, 4). Grâce à la foi, cette vie nouvelle modèle toute
l’existence humaine sur la nouveauté radicale de la résurrection. Dans la mesure de
sa libre disponibilité, les pensées et les sentiments, la mentalité et le comportement
de l’homme sont lentement purifiés et transformés, sur un chemin jamais complètement
terminé en cette vie. La « foi opérant par la charité » (Ga 5, 6) devient un nouveau
critère d’intelligence et d’action qui change toute la vie de l’homme (cf. Rm 12,
2 ; Col 3, 9-10 ; Ep 4, 20-29 ; 2 Co 5, 17).
7. « Caritas Christi urget nos
» (2 Co 5, 14) : c’est l’amour du Christ qui remplit nos cœurs et nous pousse à évangéliser.
Aujourd’hui comme alors, il nous envoie par les routes du monde pour proclamer son
Évangile à tous les peuples de la terre (cf. Mt 28, 19). Par son amour, Jésus-Christ
attire à lui les hommes de toutes générations : en tous temps il convoque l’Église
lui confiant l’annonce de l’Évangile, avec un mandat qui est toujours nouveau. C’est
pourquoi aujourd’hui aussi un engagement ecclésial plus convaincu en faveur d’une
nouvelle évangélisation pour redécouvrir la joie de croire et retrouver l’enthousiasme
de communiquer la foi est nécessaire. L’engagement missionnaire des croyants, qui
ne peut jamais manquer, puise force et vigueur dans la redécouverte quotidienne de
son amour. En effet, la foi grandit quand elle est vécue comme expérience d’un amour
reçu et quand elle est communiquée comme expérience de grâce et de joie. Elle rend
fécond, parce qu’elle élargit le cœur dans l’espérance et permet d’offrir un témoignage
capable d’engendrer : en effet elle ouvre le cœur et l’esprit de tous ceux qui écoutent
à accueillir l’invitation du Seigneur à adhérer à sa Parole pour devenir ses disciples.
Les croyants, atteste saint Augustin, « se fortifient en croyant ». Le saint Évêque
d’Hippone avait de bonnes raisons pour s’exprimer de cette façon. Comme nous le savons,
sa vie fut une recherche continuelle de la beauté de la foi jusqu’à ce que son cœur
ne trouve le repos en Dieu. Ses nombreux écrits, dans lesquels sont expliquées l’importance
de croire et la vérité de la foi, demeurent jusqu’à nos jours comme un patrimoine
de richesse inégalable et permettent encore à de nombreuses personnes en recherche
de Dieu de trouver le juste parcours pour accéder à la « porte de la foi ».
Donc,
la foi grandit et se renforce seulement en croyant; il n’y a pas d’autre possibilité
pour posséder une certitude sur sa propre vie sinon de s’abandonner, dans un crescendo
continu, entre les mains d’un amour qui s’expérimente toujours plus grand parce qu’il
a son origine en Dieu.
8. En cette heureuse occasion, j’entends inviter les
confrères Évêques du monde entier à s’unir au Successeur de Pierre, en ce temps de
grâce spirituelle que le Seigneur nous offre, pour faire mémoire du don précieux de
la foi. Nous voudrons célébrer cette Année de manière digne et féconde. La réflexion
sur la foi devra s’intensifier pour aider tous ceux qui croient au Christ à rendre
plus consciente et à revigorer leur adhésion à l’Évangile, surtout en un moment de
profond changement comme celui que l’humanité est en train de vivre. Nous aurons l’opportunité
de confesser la foi dans le Seigneur ressuscité dans nos cathédrales et dans les églises
du monde entier ; dans nos maisons et auprès de nos familles, pour que chacun ressente
avec force l’exigence de mieux connaître et de transmettre aux générations futures
la foi de toujours. Les communautés religieuses comme celles des paroisses, et toutes
les réalités ecclésiales anciennes et nouvelles, trouveront la façon, en cette Année,
de rendre une profession publique du Credo.
9. Nous désirons que cette Année
suscite en chaque croyant l’aspiration à confesser la foi en plénitude et avec une
conviction renouvelée, avec confiance et espérance. Ce sera aussi une occasion propice
pour intensifier la célébration de la foi dans la liturgie, et en particulier dans
l’Eucharistie, qui est « le sommet auquel tend l’action de l’Église, et en même temps
la source d’où découle toute sa force ». En même temps, nous souhaitons que le témoignage
de vie des croyants grandisse en crédibilité. Redécouvrir les contenus de la foi professée,
célébrée, vécue et priée, et réfléchir sur l’acte lui-même par lequel on croit, est
un engagement que chaque croyant doit faire sien, surtout en cette Année.
Ce
n’est pas par hasard que dans les premiers siècles les chrétiens étaient tenus d’apprendre
de mémoire le Credo. Ceci leur servait de prière quotidienne pour ne pas oublier l’engagement
pris par le baptême. Avec des paroles denses de signification saint Augustin le rappelle
quand dans une Homélie sur la redditio symboli, la remise du Credo, il dit : « Le
symbole du saint témoignage qui vous a été donné à tous ensemble et que vous avez
récité aujourd’hui chacun en particulier, est l’expression de la foi de l’Église notre
mère, foi établie solidement sur le fondement inébranlable, sur Jésus-Christ Notre
Seigneur …On vous a donc donné à apprendre et vous avez récité ce que vous devez avoir
toujours dans l’âme et dans le cœur, répéter sur votre couche, méditer sur les places
publiques, ne pas oublier en prenant votre nourriture, murmurer même intérieurement
durant votre sommeil ».
10. Je voudrais, à ce point, esquisser un parcours
qui aide à comprendre de façon plus profonde non seulement les contenus de la foi,
mais avec ceux-ci aussi l’acte par lequel nous décidons de nous en remettre totalement
à Dieu, en pleine liberté. En effet, il existe une unité profonde entre l’acte par
lequel on croit et les contenus auxquels nous donnons notre assentiment. L’Apôtre
Paul permet d’entrer à l’intérieur de cette réalité quand il écrit : « La foi du cœur
obtient la justice, et la confession des lèvres le salut » (Rm, 10, 10). Le cœur indique
que le premier acte par lequel on vient à la foi est don de Dieu et action de la grâce
qui agit et transforme la personne jusqu’au plus profond d’elle-même.
L’exemple
de Lydie est tout à fait éloquent à ce sujet. Saint Luc raconte que Paul, alors qu’il
se trouvait à Philippes, alla un samedi annoncer l’Évangile à quelques femmes ; parmi
elles se trouvait Lydie et « le Seigneur lui ouvrit le cœur, de sorte qu’elle s’attacha
aux paroles de Paul » (Ac 16, 14). Le sens renfermé dans l’expression est important.
Saint Luc enseigne que la connaissance des contenus à croire n’est pas suffisante
si ensuite le cœur, authentique sanctuaire de la personne, n’est pas ouvert par la
grâce qui permet d’avoir des yeux pour regarder en profondeur et comprendre que ce
qui a été annoncé est la Parole de Dieu.
Professer par la bouche, à son
tour, indique que la foi implique un témoignage et un engagement publics. Le chrétien
ne peut jamais penser que croire est un fait privé. La foi, c’est décider d’être avec
le Seigneur pour vivre avec lui. Et ce « être avec lui » introduit à la compréhension
des raisons pour lesquelles on croit. La foi, parce qu’elle est vraiment un acte de
la liberté, exige aussi la responsabilité sociale de ce qui est cru. L’Église au jour
de la Pentecôte montre avec toute évidence cette dimension publique du croire et du
fait d’annoncer sans crainte sa propre foi à toute personne. C’est le don de l’Esprit
Saint qui habilite à la mission et fortifie notre témoignage, le rendant franc et
courageux.
La profession de la foi elle-même est un acte personnel et en
même temps communautaire. En effet, c’est l’Église le premier sujet de la foi. Dans
la foi de la communauté chrétienne chacun reçoit le baptême, signe efficace de l’entrée
dans le peuple des croyants pour obtenir le salut. Comme atteste le Catéchisme de
l’Église catholique : « ‘Je crois’ ; c’est la foi de l’Église professée personnellement
par chaque croyant, principalement lors du Baptême. ‘Nous croyons’ : c’est la foi
de l’Église confessée par les Évêques assemblés en Concile ou, plus généralement,
par l’assemblée liturgique des croyants. ‘Je crois’ : c’est aussi l’Église, notre
Mère, qui répond à Dieu par sa foi et qui nous apprend à dire : ‘Je crois’, ‘Nous
croyons’ ».
Comme on peut l’observer, la connaissance des contenus de foi
est essentielle pour donner son propre assentiment, c'est-à-dire pour adhérer pleinement
avec l’intelligence et la volonté à tout ce qui est proposé par l’Église. La connaissance
de la foi introduit à la totalité du mystère salvifique révélé par Dieu. L’assentiment
qui est prêté implique donc que, quand on croit, on accepte librement tout le mystère
de la foi, parce que Dieu lui-même qui se révèle et permet de connaître son mystère
d’amour, est garant de sa vérité.
D’autre part, nous ne pouvons pas oublier
que dans notre contexte culturel de nombreuses personnes, bien que ne reconnaissant
pas en soi le don de la foi, sont quand même dans une recherche sincère du sens ultime
et de la vérité définitive sur leur existence et sur le monde. Cette recherche est
un authentique « préambule » à la foi, parce qu’elle met en mouvement les personnes
sur le chemin qui conduit au mystère de Dieu. La raison de l’homme elle-même, en effet,
porte innée l’exigence de « ce qui a de la valeur et demeure toujours ». Cette exigence
constitue une invitation permanente, inscrite de façon indélébile dans le cœur humain,
à se mettre en chemin pour trouver Celui que nous ne chercherions pas s’il n’était
pas déjà venu à notre rencontre. La foi nous invite justement à cette rencontre et
nous y ouvre pleinement.
11. Pour accéder à une connaissance systématique
des contenus de la foi, tous peuvent trouver dans le Catéchisme de l’Église catholique
une aide précieuse et indispensable. Il constitue un des fruits les plus importants
du Concile Vatican II. Dans la Constitution apostolique Fidei depositum signée, et
ce n’est pas par hasard, à l’occasion du trentième anniversaire de l’ouverture du
Concile Vatican II, le Bienheureux Jean-Paul II écrivait : « Ce Catéchisme apportera
une contribution très importante à l’œuvre de renouveau de toute la vie ecclésiale…
Je le reconnais comme un instrument valable et autorisé au service de la communion
ecclésiale et comme une norme sûre pour l’enseignement de la foi ».
C’est
justement sur cet horizon que l’Année de la foi devra exprimer un engagement général
pour la redécouverte et l’étude des contenus fondamentaux de la foi qui trouvent dans
le Catéchisme de l’Église catholique leur synthèse systématique et organique. Ici,
en effet, émerge la richesse d’enseignement que l’Église a accueilli, gardé et offert
au cours de ses deux mille ans d’histoire. De la sainte Écriture aux Pères de l’Église,
des Maîtres de théologie aux Saints qui ont traversé les siècles, le Catéchisme offre
une mémoire permanente des nombreuses façons dans lesquelles l’Église a médité sur
la foi et produit un progrès dans la doctrine pour donner certitude aux croyants dans
leur vie de foi.
Dans sa structure elle-même, le Catéchisme de l’Église catholique
présente le développement de la foi jusqu’à toucher les grands thèmes de la vie quotidienne.
Page après page on découvre que tout ce qui est présenté, n’est pas une théorie, mais
la rencontre avec une Personne qui vit dans l’Église. À la profession de foi, en effet,
succède l’explication de la vie sacramentelle, dans laquelle le Christ est présent,
agissant et continue à construire son Église. Sans la liturgie et les sacrements,
la profession de foi n’aurait pas d’efficacité, parce qu’elle manquerait de la grâce
qui soutient le témoignage des chrétiens. De la même manière, l’enseignement du Catéchisme
sur la vie morale acquiert toute sa signification s’il est mis en relation avec la
foi, la liturgie et la prière.
12. En cette Année, par conséquent, le Catéchisme
de l’Église catholique, pourra être un véritable instrument pour soutenir la foi,
surtout pour tous ceux qui ont à cœur la formation des chrétiens, si déterminante
dans notre contexte culturel. Dans ce but, j’ai invité la Congrégation pour la Doctrine
de la Foi, en accord avec les Dicastères compétents du Saint-Siège, à rédiger une
Note, par laquelle offrir à l’Église et aux croyants quelques indications pour vivre
cette Année de la foi de manière plus efficace et appropriée, au service du croire
et de l’évangélisation.
En effet, la foi, se trouve être soumise plus que
dans le passé à une série d’interrogations qui proviennent d’une mentalité changée
qui, particulièrement aujourd’hui, réduit le domaine des certitudes rationnelles à
celui des conquêtes scientifiques et technologiques. Toutefois, l’Église n’a jamais
eu peur de montrer comment entre foi et science authentique il ne peut y avoir aucun
conflit parce que les deux, même si c’est par des chemins différents, tendent à la
vérité.
13. Il sera décisif au cours de cette Année de parcourir de nouveau
l’histoire de notre foi, laquelle voit le mystère insondable de l’entrelacement entre
sainteté et péché. Alors que la première met en évidence le grand apport que les hommes
et les femmes ont offert à la croissance et au développement de la communauté par
le témoignage de leur vie, le second doit provoquer en chacun une sincère et permanente
œuvre de conversion pour faire l’expérience de la miséricorde du Père qui va à la
rencontre de tous.
En ce temps nous tiendrons le regard fixé sur Jésus Christ
« à l’origine et au terme de la foi » (He 12, 2) : en lui trouve son achèvement tout
tourment et toute aspiration du cœur humain. La joie de l’amour, la réponse au drame
de la souffrance et de la douleur, la force du pardon devant l’offense reçue et la
victoire de la vie face au vide de la mort, tout trouve son achèvement dans le mystère
de son Incarnation, du fait qu’il s’est fait homme, qu’il a partagé avec nous la faiblesse
humaine pour la transformer par la puissance de sa résurrection. En lui, mort et ressuscité
pour notre salut, trouvent pleine lumière les exemples de foi qui ont marqué ces deux
mille ans de notre histoire de salut.
Par la foi, Marie a accueilli la parole
de l’Ange et elle a cru à l’annonce qu’elle serait devenue Mère de Dieu dans l’obéissance
de son dévouement (cf. Lc 1, 38). Visitant Elisabeth elle éleva son cantique de louange
vers le Très-Haut pour les merveilles qu’il accomplissait en tous ceux qui s’en remettent
à lui (cf. Lc 1, 46-55). Avec joie et anxiété elle met au jour son fils unique, maintenant
intacte sa virginité (cf. Lc 2, 6-7). Comptant sur Joseph son Époux, elle porta Jésus
en Égypte pour le sauver de la persécution d’Hérode (cf. Mt 2, 13-15). Avec la même
foi elle a suivi le Seigneur dans sa prédication et elle demeura avec lui jusque sur
le Golgotha (cf. Jn 19, 25-27). Avec foi Marie goûta les fruits de la résurrection
de Jésus et, conservant chaque souvenir dans son cœur (cf. Lc 2, 19.51), elle les
transmit aux Douze réunis avec elle au Cénacle pour recevoir l’Esprit-Saint (cf. Ac
1, 14 ; 2, 1-4).
Par la foi, les Apôtres laissèrent tout pour suivre le Maître
(cf. Mc 10, 28). Ils crurent aux paroles par lesquelles il annonçait le Royaume de
Dieu présent et réalisé dans sa personne (cf. Lc 11, 20). Ils vécurent en communion
de vie avec Jésus qui les instruisait par son enseignement, leur laissant une nouvelle
règle de vie par laquelle ils auraient été reconnus comme ses disciples après sa mort
(cf. Jn 13, 34-35). Par la foi, ils allèrent dans le monde entier, suivant le mandat
de porter l’Évangile à toute créature (cf. Mc 16, 15) et, sans aucune crainte, ils
annoncèrent à tous la joie de la résurrection dont ils furent de fidèles témoins.
Par la foi, les disciples formèrent la première communauté regroupée autour
de l’enseignement des Apôtres, dans la prière, dans la célébration de l’Eucharistie,
mettant en commun tout ce qu’ils possédaient pour subvenir aux besoins des frères
(cf. Ac 2, 42-47).
Par la foi, les martyrs donnèrent leur vie, pour témoigner
de la vérité de l’Évangile qui les avait transformés et rendus capables de parvenir
au don le plus grand de l’amour avec le pardon de leurs propres persécuteurs.
Par
la foi, des hommes et des femmes ont consacré leur vie au Christ, laissant tout pour
vivre dans la simplicité évangélique l’obéissance, la pauvreté et la chasteté, signes
concrets de l’attente du Seigneur qui ne tarde pas à venir. Par la foi, de nombreux
chrétiens ont promu une action en faveur de la justice pour rendre concrète la parole
du Seigneur venu annoncer la libération de l’oppression et une année de grâce pour
tous (cf. Lc 4, 18-19).
Par la foi, au cours des siècles, des hommes et des
femmes de tous les âges, dont le nom est inscrit au Livre de vie (cf. Ap 7, 9 ; 13,
8), ont confessé la beauté de suivre le Seigneur Jésus là où ils étaient appelés à
donner le témoignage de leur être chrétiens : dans la famille, dans la profession,
dans la vie publique, dans l’exercice des charismes et des ministères auxquels ils
furent appelés.
Par la foi, nous vivons nous aussi : par la reconnaissance
vivante du Seigneur Jésus, présent dans notre existence et dans l’histoire.
14.
L’Année de la foi sera aussi une occasion propice pour intensifier le témoignage de
la charité. Saint Paul rappelle : « Maintenant donc demeurent foi, espérance, charité,
ces trois choses, mais la plus grande d’entre elles, c’est la charité » (1 Co 13,
13). Avec des paroles encore plus fortes – qui depuis toujours engagent les chrétiens
– l’Apôtre Jacques affirmait : « A quoi cela sert-il, mes frères, que quelqu’un dise
: ‘J’ai la foi’, s’il n’a pas les œuvres ? La foi peut-elle le sauver ? Si un frère
ou une sœur sont nus, s’ils manquent de leur nourriture quotidienne, et que l’un d’entre
vous leur dise : ‘Allez en paix, chauffez-vous, rassasiez-vous’, sans leur donner
ce qui est nécessaire à leur corps, à quoi cela sert-il ? Ainsi en est-il de la foi
: si elle n’a pas les œuvres, elle est tout à fait morte. Au contraire, on dira :
‘Toi, tu as la foi, et moi, j’ai les œuvres ? Montre-moi ta foi sans les œuvres ;
moi c’est par les œuvres que je te montrerai ma foi’ » (Jc 2, 14-18).
La
foi sans la charité ne porte pas de fruit et la charité sans la foi serait un sentiment
à la merci constante du doute. Foi et charité se réclament réciproquement, si bien
que l’une permet à l’autre de réaliser son chemin. En effet de nombreux chrétiens
consacrent leur vie avec amour à celui qui est seul, marginal ou exclus comme à celui
qui est le premier vers qui aller et le plus important à soutenir, parce que justement
en lui se reflète le visage même du Christ. Grâce à la foi nous pouvons reconnaître
en tous ceux qui demandent notre amour, le visage du Seigneur ressuscité. « Dans la
mesure où vous l’avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que
vous l’avez fait » (Mt 25, 40) : ces paroles du Seigneur sont un avertissement à ne
pas oublier et une invitation permanente à redonner cet amour par lequel il prend
soin de nous. C’est la foi qui permet de reconnaître le Christ et c’est son amour
lui-même qui pousse à le secourir chaque fois qu’il se fait notre prochain sur le
chemin de la vie. Soutenus par la foi, regardons avec espérance notre engagement dans
le monde, en attente « d’un ciel nouveau et d’une terre nouvelle où résidera la justice
» (2 Pi 3, 13 ; cf. Ap 21, 1).
15. Parvenu désormais au terme de sa vie, l’Apôtre
Paul demande à son disciple Timothée de « rechercher la foi » (2 Tm 2, 22) avec la
même constance que lorsqu’il était jeune (cf. 2 Tm 3, 15). Entendons cette invitation
adressée à chacun de nous, pour que personne ne devienne paresseux dans la foi. Elle
est une compagne de vie qui permet de percevoir avec un regard toujours nouveau les
merveilles que Dieu réalise pour nous. Engagée à saisir les signes des temps dans
l’aujourd’hui de l’histoire, la foi incite chacun de nous à devenir signe vivant de
la présence du Ressuscité dans le monde. Ce dont le monde aujourd’hui a particulièrement
besoin c’est du témoignage crédible de tous ceux qui, éclairés dans l’esprit et dans
le cœur par la Parole du Seigneur, sont capables d’ouvrir le cœur et l’esprit de beaucoup
au désir de Dieu et de la vraie vie, celle qui n’a pas de fin.
« Que la Parole
du Seigneur accomplisse sa course et soit glorifiée » (2 Th 3, 1) : puisse cette Année
de la foi rendre toujours plus solide la relation avec le Christ Seigneur, puisque
seulement en lui se trouve la certitude pour regarder vers l’avenir et la garantie
d’un amour authentique et durable. Les paroles de l’Apôtre Pierre jettent un dernier
rayon de lumière sur la foi : « Vous en tressaillez de joie, bien qu’il vous faille
encore quelque temps être affligés par diverses épreuves, afin que, bien éprouvée,
votre foi, plus précieuse que l’or périssable que l’on vérifie par le feu, devienne
un sujet de louange, de gloire et d’honneur, lors de la Révélation de Jésus Christ.
Sans l’avoir vu vous l’aimez ; sans le voir encore, mais en croyant, vous tressaillez
d’une joie indicible et pleine de gloire, sûrs d’obtenir l’objet de votre foi : le
salut des âmes » (1 Pi 1, 6-9). La vie des chrétiens connaît l’expérience de la joie
et celle de la souffrance. Combien de saints ont vécu la solitude ! Combien de croyants,
même de nos jours, sont éprouvés par le silence de Dieu alors qu’ils voudraient écouter
sa voix consolante ! Les épreuves de la vie, alors qu’elles permettent de comprendre
le mystère de la croix et de participer aux souffrances du Christ (cf. Col 1, 24),
sont un prélude à la joie et à l’espérance où conduit la foi : « Lorsque je suis faible,
c’est alors que je suis fort » (2 Co 12, 10). Nous croyons avec une ferme certitude
que le Seigneur Jésus a vaincu le mal et la mort. Avec cette confiance assurée nous
nous en remettons à lui : présent au milieu de nous, il vainc le pouvoir du malin
(cf. Lc 11, 20) et l’Église, communauté visible de sa miséricorde, subsiste en lui
comme signe de la réconciliation définitive avec le Père.
Confions à la Mère
de Dieu, proclamée « bienheureuse parce qu’elle a cru » (Lc 1, 45), ce temps de grâce.
Donné
à Rome, près de Saint-Pierre, le 11 octobre 2011, en la septième année de mon Pontificat.