Inauguration d’un centre interreligieux par l'Arabie saoudite à Vienne. Entretien
avec le cardinal Tauran
Le cardinal Jean-Louis Tauran, et Monseigneur Pier Luigi Celata, Président et Secrétaire
du Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux, ont assisté ce jeudi 13 octobre
à la cérémonie de signature d’un accord concernant l’établissement d’un centre international
pour le dialogue interreligieux et interculturel, fondé par le roi Abdallah d’Arabie
Saoudite à Vienne, en Autriche. Cet accord est signé entre l’Arabie Saoudite, l’Autriche
et l’Espagne. Le Saint-Siège a demandé à participer aux futurs travaux du centre,
qui sera ouvert à toutes les religions, en qualité d’observateur. Xavier Sartre
a rencontré le cardinal Tauran à son retour
-Éminence,
vous vous êtes rendu à Vienne pour l’inauguration de ce centre d’études interreligieux,
quel est le but de ce centre et pourquoi vous étiez présent à cette inauguration?
Cette
idée du centre est née dans le fond lors de l’audience, de la conversation que le
roi d’Arabie Saoudite a eu avec le Saint-Père en novembre 2007. Le roi a voulu créer
un centre de rencontres interreligieuses au niveau des états. Donc il y a trois signataires,
l’Arabie saoudite, Vienne où le siège de l’organisation sera établi et l’Espagne.
Le Saint-Siège a été invité lui aussi, mais nous avons préféré nous réserver le rôle,
la position d’observateur, parce que évidemment pour un musulman il n’y a pas de
différence entre le politique et le religieux et par conséquent il faut être très
attentif à ce que le dialogue interreligieux ne glisse pas vers un dialogue politique.
Donc nous avons préféré adopter la position de l’observateur et je pense que les autres
partis l’ont accepté. Donc on ne peut qu’apprécier le fait que des États veulent encourager
la liberté de religion, mais je crois qu’il faudra aussi être attentif à ce que cette
liberté de religion se répercute au niveau de la base, c’est-à-dire que les problèmes
qui existent dans certains pays où il n’y a pas de liberté de religion et bien justement
puissent trouver dans cette organisation un lieu où ils peuvent faire entendre leurs
aspirations et où on peut résoudre les problèmes. Donc c’est important, c’est un canal
qui sera toujours ouvert, nous espérons, de manière à ce que les uns et les autres
puissent se faire entendre, se comprendre et se connaître.
-N’est-ce pas
un peu surprenant de la part de l’Arabie Saoudite cette position envers le dialogue
interreligieux, de la liberté de religion, alors que la situation des autres croyants
non musulmans en Arabie saoudite n’est pas des plus commodes?
Evidemment
c’est la question que tout le monde ma posée, et qu’on peut légitimement se poser.
Mais il faut dire sans être naïf on peut penser que justement cette organisation pourrait
commencer, contribuer à une évolution. Evidemment il faut être attentif à cet aspect
là.
-Tous signe positif venant de l’Arabie et de manière générale venant
des musulmans est bon à prendre je présume ?
Oui, le problème vous savez
dans le dialogue avec les religions et en particulier avec les musulmans c’est que
même si on obtient quelques petits résultats parce qu’il faut être modeste, c’est
toujours au niveau des élites, au niveau législatif rien n’est modifié sur le fond.
Donc à mon avis on ne peut remédier à cette situation que par l’école, l’enseignement,
par l’instruction, l’éducation, mais c’est un long pèlerinage.
-Ce centre
interreligieux, que va-t-il apporter de plus au dialogue que déjà vous avez entamé
avec les musulmans ?
Les buts de ce centre, c’est d’abord de favoriser
le respect et la mutuelle confiance, de faire en sorte que les religions soient au
service de la société ; et ça c’est une chose très importante, sur laquelle nous insistons
beaucoup, c’est que le dialogue interreligieux n’est pas seulement à usage interne,
c’est un dialogue entre croyants, qui voient ce qu’ils ont ensemble, les valeurs communes
qu’ils partagent, et qui essaient de voir ensemble ce qu’ils peuvent mettre à disposition
de la société. Les religions doivent favoriser l’harmonie, la paix, et non les oppositions
et les guerres. Il est prévu dans le statut de se réunir périodiquement pour faire
le point de la situation sur le dialogue interreligieux. Il y a donc un article qui
a été ajouté à la fin, l’article 16, dans lequel il est dit qu’on peut avoir des observateurs
: c’est la formule que nous avons acceptée, pour respecter notre spécificité, et comme
je le disais tout à l’heure, pour vérifier que ce soit un dialogue entre croyants
et que cela ne dégénère pas en dialogue politique.
-Qui participe concrètement
à ce centre interreligieux ? Y-a-t-il uniquement des Espagnols, des Saoudiens et des
Autrichiens, ou bien est-ce ouvert à tout le monde ?
C’est ouvert à tout
le monde, mais évidemment le bébé vient à peine de naître ! Il lui faut le temps de
grandir… Mais les Etats signataires sont trois . l’Arabie Saoudite, Vienne, et l’Espagne.
-Comment
expliquer cet intérêt aussi bien de l’Espagne que de Vienne ?
Vienne, tout
d’abord parce que c’est un carrefour en Europe, qui a toujours eu cette vocation d’accueillir
une « vie très œcuménique ». L’Espagne, parce qu'il y a d’abord l’héritage de l’Histoire.
Et aussi parce que les deux rois sont assez liés. Il ne faut pas oublier qu’après
la visite que le roi Abdallah avait faite au Pape, il avait organisé en juillet 2008
une grande conférence à Madrid, à laquelle le Saint Siège participait, -j’ai moi-même
représenté le Saint Siège-, qui a été un évènement assez significatif. Je crois que
la fondation de cette organisation à Vienne, est un moment significatif aussi. J’espère,
en tous cas, que nous ne serons pas déçus.