Vives inquiétudes au sein de la communauté internationale pour le pasteur iranien,
condamné à mort pour apostasie.
Youcef Nadarkhani, musulman iranien devenu
pasteur chrétien, est sous le coup d’une condamnation à mort depuis 2010 pour apostasie.
L’heure est à la mobilisation pour la communauté internationale, afin d’obtenir l’annulation
d’une exécution qui peut intervenir à tout moment.
La condamnation à mort avait
pourtant été annulée en juillet dernier par la Cour suprême pour vice de forme, et
l’affaire, renvoyée devant le tribunal de Rasht dans le Ghilan, province d’origine
de Youcef Nadarkhani. La Cour l’avait par ailleurs enjoint de se repentir, -comprenons
abjurer-, seule condition à une éventuelle libération. Une nouvelle audience a eu
lieu fin septembre : décision a été finalement prise de s’en référer au Guide suprême
de la Révolution islamique, l’Ayatollah Khamenei. Sa réponse se fait, à l’heure actuelle,
toujours attendre.
Youcef Nadarkhani, 32 ans, né de parents musulmans, embrasse
la foi chrétienne à 19 ans. Devenu pasteur de la petite Église évangélique d’Iran,
il se voit arrêté une première fois en 2006 pour apostasie, mais est relâché deux
semaines plus tard. En 2009, il apprend qu’une directive gouvernementale préconise
l’apprentissage du Coran à tous les écoliers, quelque soit la religion professée.
Nadarkhani proteste auprès de l’école où sont scolarisés ses deux fils, faisant valoir
l’article de la Constitution iranienne prônant la liberté de religion. Il est aussitôt
arrêté et comparait devant un tribunal pour avoir osé élever une protestation. Les
chefs d’accusation se mueront plus tard en « apostasie » et « évangélisation de musulmans
». Il sera condamné à mort en octobre 2010.
Les responsables iraniens ont cependant
tenu à réfuter la condamnation « pour apostasie », telle que mentionnée dans les rapports
initiaux, et relayée par les médias occidentaux. « La question du crime et de la peine
capitale de cet individu n'est pas une question de foi ou de religion. Dans notre
régime, personne n'est exécuté pour avoir changé de religion », a soutenu le vice-gouverneur
de la région de Ghilan. Aussi, d’autres accusations ont-elles entretemps été portées
à l’encontre du pasteur : viol et extorsion. Nadarkhani se voit également taxé de
sionisme et coupable de « crimes sécuritaires ». On n’en trouve toutefois aucune mention
dans les verdicts de la Cour suprême : Youcef Nadarkhani se voit bel et bien condamné
à la pendaison pour avoir « renié l’Islam », et « converti des musulmans au christianisme
».
Les pressions internationales s’accentuent sur le régime iranien, et nombreuses
sont les voix qui s’élèvent pour appeler à la libération de Nadarkhani. Catherine
Ashton, Haute Représentante de l'Union Européenne pour les Affaires étrangères et
la politique de sécurité appelle « la République islamique d'Iran à respecter ses
engagements en matière de droits de l'Homme, y compris en ce qui concerne la liberté
de religion ou de conviction, et l'exhorte à ne pas condamner à mort le pasteur Nadarkhani,
dont je demande la libération immédiate et sans conditions ». La secrétaire d’Etat
américaine Hilary Clinton s’est quant à elle déclaré profondément préoccupée par la
répression des minorités religieuses. « Malgré les déclarations du Guide suprême et
du président (Mahmoud Ahmadinejad) qui affirment soutenir les droits et les libertés
des citoyens iraniens et des peuples de la région, le gouvernement poursuit sa répression
contre toute forme de dissidence », a-t-elle ajouté. Le ministère français des
Affaires étrangères a également publié un communiqué, certifiant que cette condamnation
constituait, sans conteste, « une violation du pacte international sur les droits
civils et politiques auxquels l’Iran a librement souscrit, ainsi que de la Constitution
iranienne qui garantit la liberté de religion et de croyance ».
Pour Clémence
Martin, de l’ONG « Portes ouvertes », cette pression peut avoir des effets bénéfiques
; et de rappeler l’affaire de ces deux chrétiennes d’origine musulmane, arrêtées et
emprisonnées durant 259 jours, puis libérées suite aux injonctions répétées de la
communauté internationale. Clémence Martin souligne une situation de plus en plus
délicate pour les chrétiens d’Iran, -qui représentent entre 0,4 et 0,8 % de la population-,
dont beaucoup sont d’origine musulmane. Les conversions tendraient à se multiplier
depuis quelque temps, entraînant par là vexations et persécutions de plus en plus
assidues. La conversion est en effet un crime passible de mort, au regard de la Charia,
la loi islamique qui régit le pays. Pour certains dignitaires religieux, le christianisme
porterait atteinte à la sûreté de l’État et aux valeurs sacrées de l’Islam. Et les
problèmes socio-économiques auxquels l’Iran fait face, seraient clairement imputables
à la présence « nocive » de ces chrétiens au sein de la population. (M.A)
Les
propos de Clémence Martin sont recueillis par Charles Le Bourgeois