Audience du Pape à l'Ambassadeur de Syrie : de vraies réformes sont nécessaires
Le Pape a exhorté, ce jeudi, les autorités syriennes à reconnaître la dignité inaliénable
de la personne humaine. Benoît XVI qui recevait le nouvel ambassadeur de Syrie auprès
du Saint-Siège, Hussan Edin Aala, a évoqué les événements intervenus au cours des
derniers mois dans certains pays du pourtour de la Méditerranée, dont la Syrie. Pour
le Pape, ces événements manifestent le désir d’un avenir meilleur dans les domaines
de l’économie, de la justice, de la liberté et de la participation à la vie publique.
Ils montrent aussi l’urgente nécessité de véritables réformes dans la vie politique,
économique et sociale. Benoît XVI a souligné que la voie de l’unité et de la stabilité
de chaque nation passe par la reconnaissance de la dignité inaliénable de toute personne
humaine. Celle-ci doit être au centre des institutions, des lois et de l’action des
sociétés. Il faut donc privilégier le bien commun, laissant de côté les intérêts personnels
ou partisans ; favoriser l’écoute et le dialogue. Pour faire progresser la paix dans
la région, le Pape préconise une solution globale. Cette solution doit être le fruit
d’un compromis et non de choix unilatéraux imposés par la force. Benoît XVI a profité
de la visite du nouvel ambassadeur pour saluer la communauté chrétienne de Syrie qui
joue un rôle positif dans ce pays. Comme citoyens - a-t-il dit - les chrétiens sont
engagés dans la construction d’une société où tous doivent trouver leur place. Le
Pape a souligné une fois encore l’importance du dialogue interreligieux et du respect
de la liberté religieuse.
Marie-Leïla Coussa a recueilli la réaction de Mgr
Antoine Audo, évêque chaldéen d'Alep
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Texte
intégral du discours du Pape Monsieur l’Ambassadeur,
C’est avec plaisir
que je vous accueille ce matin au moment où vous présentez les Lettres qui vous accréditent
en qualité d'Ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire de la République Arabe
Syrienne près le Saint-Siège. Vous avez bien voulu me transmettre les salutations
de son Excellence Monsieur le Président de la République, et je vous saurais gré de
l’en remercier. A travers vous, je voudrais également saluer l’ensemble du peuple
syrien, souhaitant qu’il puisse vivre dans la paix et dans la fraternité. Comme
vous l’avez souligné, Monsieur l’Ambassadeur, la Syrie est un lieu cher et significatif
pour les chrétiens, dès les origines de l’Église. Depuis la rencontre du Christ ressuscité,
sur le chemin de Damas, avec Paul qui deviendra l’Apôtre des Nations, nombreux sont
les grands saints qui ont jalonné l’histoire religieuse de votre pays. Nombreux sont
aussi les témoignages archéologiques d’églises, de monastères, de mosaïques des premiers
siècles de l’ère chrétienne qui nous rattachent aux origines de l’Église. La Syrie
a traditionnellement été un exemple de tolérance, de convivialité et de relations
harmonieuses entre chrétiens et musulmans, et aujourd’hui les relations œcuméniques
et interreligieuses sont bonnes. Je souhaite vivement que cette convivialité entre
toutes les composantes culturelles et religieuses de la Nation se poursuive et se
développe pour le plus grand bien de tous, renforçant ainsi une unité fondée sur la
justice et la solidarité. Toutefois, une telle unité ne peut s’édifier de manière
durable que dans la reconnaissance de la centralité et de la dignité de la personne
humaine. En effet, « parce qu’il est créé à l’image de Dieu, l’individu humain a
la dignité de personne ; il n’est pas seulement quelque chose, mais quelqu’un, capable
de se connaître, de se posséder, de se donner librement et d’entrer en communion avec
d’autres personnes » (Message pour la journée mondiale de la paix, 2007, n. 2). La
voie de l’unité et de la stabilité de chaque nation passe donc par la reconnaissance
de la dignité inaliénable de toute personne humaine. Celle-ci doit donc être au centre
des institutions, des lois et de l’action des sociétés. En conséquence, il est aussi
d’une importance essentielle de privilégier le bien commun, laissant de côté les intérêts
personnels ou partisans. Par ailleurs, le chemin de l’écoute, du dialogue et de la
collaboration doit être reconnu comme le moyen par lequel les diverses composantes
de la société peuvent confronter leurs points de vue et réaliser un consensus autour
de la vérité concernant des valeurs ou des fins particulières. Il en ressortira de
grands bénéfices pour les personnes individuelles et les communautés (cf. Discours
à l’ONU, 18 avril 2008). Dans cette perspective, les événements intervenus au
cours des derniers mois dans certains pays du pourtour de la Méditerranée, dont la
Syrie, manifestent le désir d’un avenir meilleur dans les domaines de l’économie,
de la justice, de la liberté et de la participation à la vie publique. Ces événements
montrent aussi l’urgente nécessité de véritables réformes dans la vie politique, économique
et sociale. Toutefois, il est hautement souhaitable que ces évolutions ne se réalisent
pas en termes d’intolérance, de discrimination ou de conflit, et encore moins de violence,
mais en termes de respect absolu de la vérité, de la coexistence, des droits légitimes
des personnes et des collectivités, ainsi que de la réconciliation. De tels principes
doivent guider les Autorités, tout en tenant compte des aspirations de la société
civile ainsi que des insistances internationales. Monsieur l’Ambassadeur, il
me plaît de souligner ici le rôle positif des chrétiens dans votre pays, qui comme
citoyens sont engagés dans la construction d’une société où tous doivent trouver leur
place. Je ne puis omettre de mentionner le service rendu par l’Église catholique dans
le domaine social et éducatif, qui est apprécié par tous. Permettez-moi de saluer
tout particulièrement les fidèles des communautés catholiques, avec leurs Évêques,
et de les encourager à développer des liens de fraternité avec tous. Les relations
vécues quotidiennement avec leurs compatriotes musulmans mettent en lumière l’importance
du dialogue interreligieux et la possibilité de travailler ensemble, de bien des manières,
en vue du bien commun. Que l’élan donné par la récente Assemblée spéciale pour le
Moyen-Orient du Synode des Évêques porte un fruit abondant dans votre pays, au bénéfice
de toute la population et d’une authentique réconciliation entre les peuples ! Pour
faire progresser la paix dans la région, une solution globale doit être trouvée. Celle-ci
ne doit léser les intérêts d’aucune des parties en cause et être le fruit d’un compromis
et non de choix unilatéraux imposés par la force. Celle-ci ne résout rien, pas plus
que les solutions partielles ou unilatérales qui sont insuffisantes. Conscients des
souffrances de toutes les populations, il faut procéder par une approche délibérément
globale qui n’exclut personne de la recherche d’une solution négociée et qui tienne
compte des aspirations et des intérêts légitimes des divers peuples concernés. Ainsi,
la situation que connaît le Moyen-Orient depuis de nombreuses années vous a-t-elle
conduit à accueillir un grand nombre de réfugiés, venant surtout d’Irak, et parmi
eux de nombreux chrétiens. Je remercie vivement le peuple syrien de sa générosité. Au
moment où vous inaugurez votre noble mission de représentation auprès du Saint-Siège,
je vous adresse, Monsieur l'Ambassadeur, mes vœux les meilleurs pour le bon accomplissement
de votre mission. Soyez certain que vous trouverez toujours auprès de mes collaborateurs
l'accueil et la compréhension dont vous pourrez avoir besoin. Sur Votre Excellence,
sur votre famille et sur vos collaborateurs, ainsi que sur tous les habitants de la
Syrie, j'invoque de grand cœur l'abondance des Bénédictions divines. Au Vatican,
le 9 juin 2011.