5 juin : une journée de prière et de réflexion à l'ère numérique
Message du Pape Benoît XVI pour la Journée mondiale des communications sociales
célébrée le 5 juin. Le thème choisi cette année : "Vérité, annonce et authenticité
de vie à l'ère du numérique". Instituée à l’issue du Concile Vatican II, cette
journée est l’expression de l’intérêt de l’Église pour les médias. Elle invite à prier
pour les professionnels de la communication et à réfléchir aux enjeux d’une communication
fidèle à l’enseignement de l’Église et respectueuse de la dignité humaine.
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Texte
intégral
Chers frères et sœurs,
A l'occasion de la XLVème Journée Mondiale
des Communications Sociales, je désire partager quelques réflexions, suscitées par
un phénomène caractéristique de notre temps: l'expansion de la communication à travers
le réseau Internet. La conviction est toujours plus répandue que, comme la révolution
industrielle produisit un profond changement dans la société à travers les nouveautés
introduites dans le cycle de production et dans la vie des travailleurs, ainsi, aujourd'hui,
la profonde transformation en acte dans le champ des communications guide le flux
de grands changements culturels et sociaux. Les nouvelles technologies ne changent
pas seulement le mode de communiquer, mais la communication en elle-même. On peut
donc affirmer qu'on assiste à une vaste transformation culturelle. Avec un tel système
de diffusion des informations et des connaissances, naît une nouvelle façon d'apprendre
et de penser, avec de nouvelles opportunités inédites d'établir des relations et de
construire la communion.
On explore des objectifs auparavant inimaginables,
qui suscitent de l'étonnement à cause des possibilités offertes par les nouveaux moyens
et, en même temps, exigent toujours plus impérativement une sérieuse réflexion sur
le sens de la communication dans l'ère numérique. Cela est particulièrement évident
face aux potentialités extraordinaires du réseau Internet et la complexité de ses
applications. Comme tout autre fruit de l'ingéniosité humaine, les nouvelles technologies
de la communication doivent être mises au service du bien intégral de la personne
et de l'humanité entière. Sagement employées, elles peuvent contribuer à satisfaire
le désir de sens, de vérité et d'unité qui reste l'aspiration la plus profonde de
l'être humain.
Dans le monde numérique, transmettre des informations signifie
toujours plus souvent les introduire dans un réseau social, où la connaissance est
partagée dans le contexte d'échanges personnels. La claire distinction entre producteur
et consommateur de l'information est relativisée et la communication tendrait à être
non seulement un échange de données, mais toujours plus encore un partage. Cette dynamique
a contribué à une appréciation renouvelée de la communication, considérée avant tout
comme dialogue, échange, solidarité et création de relations positives. D'autre part,
cela se heurte à certaines limites typiques de la communication numérique : la partialité
de l'interaction, la tendance à communiquer seulement quelques aspects de son monde
intérieur, le risque de tomber dans une sorte de construction de l'image de soi qui
peut conduire à l'auto complaisance.
Les jeunes, surtout vivent ce changement
de la communication, avec toutes les angoisses, les contradictions et la créativité
propre à ceux qui s'ouvrent avec enthousiasme et curiosité aux nouvelles expériences
de la vie. L'implication toujours majeure dans l'arène numérique publique, celle créée
par ce qu'on appelle les social network, conduit à établir des nouvelles formes de
relations interpersonnelles, influence la perception de soi et pose donc, inévitablement,
la question non seulement de l'honnêteté de l'agir personnel, mais aussi de l'authenticité
de l'être. La présence dans ces espaces virtuels peut être le signe d'une recherche
authentique de rencontre personnelle avec l'autre si l'on est attentif à en éviter
les dangers, ceux de se réfugier dans une sorte de monde parallèle, ou l'addiction
au monde virtuel. Dans la recherche de partage, d'« amitiés », on se trouve face au
défi d'être authentique, fidèle à soi-même, sans céder à l'illusion de construire
artificiellement son « profil » public.
Les nouvelles technologies permettent
aux personnes de se rencontrer au-delà des frontières de l'espace et des cultures,
inaugurant ainsi un tout nouveau monde d'amitiés potentielles. Ceci est une grande
opportunité, mais comporte également une attention plus grande et une prise de conscience
par rapport aux risques possibles. Qui est mon «prochain» dans ce nouveau monde ?
N'y a-t-il pas le danger d'être moins présent à ceux que nous rencontrons dans notre
vie quotidienne ordinaire ? N'y a-t-il pas le risque d'être plus distrait, parce que
notre attention est fragmentée et absorbée dans un monde «différent» de celui dans
lequel nous vivons? Avons-nous le temps d'opérer un discernement critique sur nos
choix et de nourrir des rapports humains qui soient vraiment profonds et durables
? Il est important de se rappeler toujours que le contact virtuel ne peut pas et ne
doit pas se substituer au contact humain direct avec les personnes à tous les niveaux
de notre vie.
Même dans l'ère numérique, chacun est placé face à la nécessité
d'être une personne sincère et réfléchie. Du reste, les dynamiques des social network
montrent qu'une personne est toujours impliquée dans ce qu'elle communique. Lorsque
les personnes s'échangent des informations, déjà elles partagent d'elles-mêmes, leur
vision du monde, leurs espoirs, leurs idéaux. Il en résulte qu'il existe un style
chrétien de présence également dans le monde numérique : il se concrétise dans une
forme de communication honnête et ouverte, responsable et respectueuse de l'autre.
Communiquer l'Évangile à travers les nouveaux media signifie non seulement insérer
des contenus ouvertement religieux dans les plates-formes des divers moyens, mais
aussi témoigner avec cohérence, dans son profil numérique et dans la manière de communiquer,
choix, préférences, jugements qui soient profondément cohérents avec l'Évangile, même
lorsqu'on n'en parle pas explicitement. Du reste, même dans le monde numérique il
ne peut y avoir d'annonce d'un message sans un cohérent témoignage de la part de qui
l'annonce. Dans les nouveaux contextes et avec les nouvelles formes d'expression,
le chrétien est encore une fois appelé à offrir une réponse à qui demande raison de
l'espoir qui est en lui (cf. 1P 3,15).
L'engagement pour un témoignage de l'Évangile
dans l'ère numérique demande à tous d'être particulièrement attentif aux aspects de
ce message qui peuvent défier quelques-unes des logiques typiques du web. Avant tout,
nous devons être conscients que la vérité que nous cherchons à partager ne tire pas
sa valeur de sa «popularité» ou de la quantité d'attention reçue. Nous devons la faire
connaître dans son intégrité, plutôt que chercher à la rendre acceptable, peut-être
«en l'édulcorant». Elle doit devenir un aliment quotidien et non pas une attraction
d'un instant. La vérité de l'Évangile n'est pas quelque chose qui puisse être objet
de consommation, ou d'une jouissance superficielle, mais un don qui requiert une libre
réponse. Même proclamée dans l'espace virtuel du réseau, elle exige toujours de s'incarner
dans le monde réel et en relation avec les visages concrets des frères et soeurs avec
qui nous partageons la vie quotidienne. Pour cela les relations humaines directes
restent toujours fondamentales dans la transmission de la foi!
Je voudrais
inviter, de toute façon, les chrétiens à s'unir avec confiance et avec une créativité
consciente et responsable dans le réseau de relations que l'ère numérique a rendu
possible. Non pas simplement pour satisfaire le désir d'être présent, mais parce que
ce réseau est une partie intégrante de la vie humaine. Le web contribue au développement
de nouvelles et plus complexes formes de conscience intellectuelle et spirituelle,
de conviction partagée. Même dans ce champ, nous sommes appelés à annoncer notre foi
que le Christ est Dieu, le Sauveur de l'homme et de l'histoire, Celui dans lequel
toutes choses trouvent leur accomplissement (cf. Ep. 1, 10). La proclamation de l'Évangile
demande une forme respectueuse et discrète de communication, qui stimule le coeur
et interpelle la conscience; une forme qui rappelle le style de Jésus Ressuscité lorsqu'il
se fit compagnon sur le chemin des d'Emmaüs (cf. Lc 24,13-35), qui furent conduits
graduellement à la compréhension du à travers la proximité et le dialogue avec eux,
pour faire émerger avec délicatesse ce qu'il y avait dans leur coeur.
La vérité
qui est le Christ, en dernière analyse, est la réponse pleine et authentique à ce
désir humain de relation, de communion et de sens qui émerge même dans la participation
massive aux divers réseaux sociaux - social network. Les croyants, en témoignant leurs
plus profondes convictions, offrent une précieuse contribution pour que le web ne
devienne pas un instrument qui réduise les personnes à des catégories, qui cherche
à les manipuler émotivement ou qui permette à qui est puissant de monopoliser les
opinions des autres. Au contraire, les croyants encouragent tous à maintenir vivantes
les questions éternelles de l'homme, qui témoignent de son désir de transcendance
et de sa nostalgie pour des formes de vie authentique, digne d'être vécue. C'est sûrement
cette tension spirituelle profondément humaine qui est derrière notre soif de vérité
et de communion et qui nous pousse à communiquer avec intégrité et honnêteté.
J'invite
surtout les jeunes à faire bon usage de leur présence dans l'arène numérique. Je leurs
renouvelle mon rendez-vous à la prochaine Journée Mondiale de la Jeunesse de Madrid
dont la préparation doit beaucoup aux avantages des nouvelles technologies. Pour les
opérateurs de la communication j'invoque de Dieu, par l'intercession de leur saint
Patron François de Sales, la capacité d'effectuer toujours leur travail avec grande
conscience et avec un sens professionnel scrupuleux. J'adresse à tous ma Bénédiction
Apostolique.
Du Vatican le 24 janvier 2011, fête de saint François de Sales.