Abus sexuels sur mineurs : les épiscopats ont un an pour préparer des "directives"
Le Vatican prend à bras le corps le dossier de la pédophilie. La Congrégation pour
la Doctrine de la Foi demande à toutes les Conférences épiscopales du monde de préparer,
d'ici mai 2012, des “Directives” pour traiter des cas d'abus sexuels sur des mineurs
commis par des membres du clergé, diocésain et religieux. Pour les aider dans ce travail,
la Préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, le cardinal William Levada
a rédigé une lettre circulaire. Objectif : uniformiser les comportements des autorités
ecclésiastiques des différents pays en garantissant la cohérence au niveau de l'Eglise
universelle. Le texte insiste notamment sur la coopération avec les autorités
civiles. Il rappelle que l’abus sexuel de mineurs n’est pas seulement un délit au
plan canonique. C’est aussi un crime qui fait l’objet de poursuites au plan civil.
Bien que les rapports avec les autorités civiles diffèrent selon les pays, il est
cependant important de coopérer avec elles dans le cadre des compétences respectives.
En particulier, on suivra toujours les prescriptions des lois civiles en ce qui concerne
le fait de déférer les crimes aux autorités compétentes, sans porter atteinte au for
interne sacramentel. Cette coopération ne se limite pas aux seuls cas d’abus commis
par les clercs ; elle concerne également les cas d’abus impliquant le personnel religieux
et laïc qui travaille dans les structures ecclésiastiques. Le texte rappelle par
ailleurs que la responsabilité du traitement des cas d’abus sexuels sur des mineurs
est d’abord du ressort des Évêques ou des Supérieurs majeurs. Si l’accusation paraît
vraisemblable, l’Évêque, le Supérieur majeur ou leur délégué doivent procéder à une
enquête préliminaire. Si l’accusation est jugée crédible, le cas doit être déféré
à la CDF, Congrégation pour la Doctrine de la Foi. Après l’avoir examiné, la CDF indiquera
à l’Évêque ou au Supérieur majeur les pas ultérieurs à accomplir.
Écoutez
le compte rendu d'Olivier Tosseri
**********
Présentation
de la Lettre circulaire de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi aux Conférences
épiscopales sur les Directives pour le traitement des cas d'abus sexuel commis par
des clercs à l'égard de mineurs (Note du P. F.Lombardi)
Ces derniers jours,
la Congrégation pour la Doctrine de la Foi a envoyé à toutes les Conférences épiscopales
une “Lettre circulaire pour aider les Conférences épiscopales à établir des Directives
pour le traitement des cas d'abus sexuel commis par des clercs à l'égard de mineurs”.
La
préparation du document avait été annoncée en juillet dernier à l'occasion de la publication
des nouvelles normes d'application du Motu proprio “Sacramentorum sanctitatis tutela”
(cf Note P.F.Lombardi, in ORLI, 16.7.2010, 1, et , Abus sur mineurs, la réponse de
l'Eglise). S.Em. le Card. Levada, Préfet du Dicastère, avait ensuite informé de
sa préparation à l'occasion de la réunion des cardinaux au cours du Consistoire de
novembre dernier (cf Communiqué de la Salle de Presse sur la Session de l'après-midi,
19.11.2010).
Le document est accompagné d'une Lettre de présentation, signée
par le Card. Levada, qui en illustre la nature et les finalités. Après la mise
à jour des normes sur la question des abus sexuels par des membres du clergé, approuvée
par le Pape l'an dernier, il a été retenu “opportun que chaque Conférence épiscopale
prépare des Lignes directrices”, dans le but d' “assister les Evêques pour qu'ils
suivent des procédures claires et coordonnées, quand ils doivent traiter de cas d'abus
sexuel à l'égard de mineurs ”, en tenant compte des situations des différentes régions
sur lesquelles les épiscopats exercent leurs juridictions. A cette fin, la Lettre
Circulaire “présente quelques thèmes généraux”, qui devront être nécessairement adaptés
aux diverses situations, mais qui contribueront à garantir – justement grâce aux Lignes
directrices – une orientation commune au sein d'une Conférence épiscopale et, dans
une certaine mesure aussi, de la part des différents épiscopats.
La lettre
de présentation du Card. Levada donne aussi deux indications pour la réalisation du
travail de rédaction des nouvelles Lignes directrices ou pour la révison de celles
déjà existantes: d'abord d'impliquer les Supérieurs Majeurs des instituts religieux
cléricaux (de façon à tenir compte non seulement du clergé diocésain, mais aussi du
clergé religieux), et ensuite d'envoyer une copie des Lignes directrices à la Congrégation
“d'ici la fin du mois de mai 2012”.
En conclusion, deux préoccupations apparaissent
clairement: 1. Encourager à affronter le problème efficacement et en temps utile
avec des indications claires, organiques, adaptées aux situations locales, y compris
dans les rapports avec la législation et les autorités civiles. L'indication d'une
date précise et d'un terme relativament bref avant lequel toutes les Conférences épiscopales
doivent élaborer les Lignes directrices est évidemment une indication très forte et
éloquente. 2. Respecter la compétence fondamentale des Evêques diocésains (et des
Supérieurs majeurs religieux) en la matière (la formulation de la Circulaire est très
attentive à rappeler cet aspect: les Lignes directrices servent à “aider les Evêques
diocésains et les Supérieurs majeurs”).
2
La Lettre Circulaire est brève mais très dense et s'articule en trois parties.
La
première développe une série d'indications générales, parmi lesquelles en particulier: L’attention
prioritaire aux victimes de l’abus sexuel: l’écoute et l’assistance spirituelle et
psychologique aux victimes et à leurs proches. Le développement de programmes de
prévention pour créer des environnements vraiment sûrs pour les mineurs. La formation
des futurs prêtres et religieux et l'échange d'informations sur les candidats au sacerdoce
ou à la vie religieuse qui passent d’un séminaire à un autre. L’accompagnement
des prêtres, leur formation permanente et la formation à leur responsabilité en matière
d'abus, leur suivi lorsqu'ils sont accusés, le traitement juridique des éventuels
cas d'abus, la réhabilitation de la bonne réputation de celui qui a été injustement
accusé. La coopération avec les autorités civiles dans le respect des compétences
respectives et l’observation “des prescriptions des lois civiles en ce qui concerne
le fait de déférer les crimes aux autorités compétentes, sans porter atteinte au for
interne sacramentel”. La coopération doit avoir lieu non seulement pour des abus commis
par des membres du clergé, mais aussi par le personnel œuvrant dans les structures
ecclésiastiques.
La deuxième partie rappelle les prescriptions de la législation
canonique en vigueur aujourd'hui, après sa mise à jour en 2010. La compétence des
Evêques et des Supérieurs majeurs pour l'enquête préliminaire est rappelée et, en
cas d'accusation crédible, l’obligation de déferer le cas à la Congrégation pour la
Doctrine de la Foi, qui offre les indications pour le traitement du cas. Elle évoque
les mesures de précaution à imposer et les informations à donner à l'accusé au cours
des enquêtes préliminaires. Sont rappelées les mesures canoniques et les peines
ecclésiastiques qui peuvent être appliquées aux coupables, y compris la démission
de l'état clérical. Enfin, le rapport entre la législation canonique valable pour
toute l'Eglise et les éventuelles normes spécifiques supplémentaires que les Conférences
épiscopales retiendraient opportunes ou nécessaires, est précisé ainsi que la procédure
à suivre dans de tels cas.
La troisième et dernière partie énumère une série
d'observations utiles pour formuler les orientations concrètes pour les Evêques et
Supérieurs majeurs. Elle rappelle, entre autres, la nécessité d'offrir assistance
aux victimes; de traiter avec respect le déclarant et de garantir le respect du droit
à la vie privée et la réputation des personnes; de tenir compte des lois civiles du
pays, y compris l'éventuelle obligation d'informer les autorités civiles; de garantir
à l'accusé des informations sur les accusations et la possibilité d'y répondre, et
en tous cas une subsistance juste et digne; d'exclure le retour du clerc au ministère
public en cas de danger pour les mineurs ou scandale dans la communauté. La responsabilité
première des Evêques et des Supérieurs Majeurs est rappelée encore une fois, et elle
ne peut être substituée par des organes de surveillance ou de discernement bien qu'utiles
et même nécessaires en soutien à une telle responsabilité.
La Circulaire représente
donc un nouveau pas très important pour encourager dans toute l'Eglise la conscience
de la nécessité et de l'urgence de répondre de la façon la plus efficace et clairvoyante
au fléau des abus sexuels commis par des membres du clergé, renouvelant ainsi la pleine
crédibilité du témoignage et de la mission éducative de l'Eglise, et contribuant à
créer dans la société en général ces environnements éducatifs sûrs dont il est urgemment
besoin.
Très bref communiqué:
La Congrégation
pour la Doctrine de la Foi demande à toutes les Conférences épiscopales du monde de
préparer, d'ici mai 2012, les “Directives” pour traiter des cas d'abus sexuel à l'égard
de mineurs commis par des membres du clergé, de façon adaptée aux situations concrètes
des diverses régions du monde. Par cette “Lettre circulaire” la Congrégation propose
une large série de principes et d'indications qui non seulement faciliteront la formulation
des Directives et donc l'uniformité des comportements des autorités ecclésiastiques
des différents pays, mais qui en garantiront aussi la cohérence au niveau de l'Eglise
universelle, tout en respectant les compétences des Evêques et des Supérieurs religieux. L’attention
prioritaire aux victimes, les programmes de prévention, la formation des séminaristes
et la formation permanente du clergé, la coopération avec les autorités civiles, l'application
attentive et rigoureuse des normes canoniques les plus récentes en la matière, sont
les orientations principales qui doivent articuler les Lignes directrices partout
dans le monde.