Le Vatican clarifie le Motu Proprio de 2007 « Summorum Pontificum »
L’Instruction « Universae Ecclesiae » a été rendue publique ce vendredi matin dans
la salle de presse du Saint-Siège. Ce texte, rédigé par la commission « Ecclesia Dei
» en charge du dialogue avec la Fraternité Saint-Pie X, vise à permettre une interprétation
correcte du Motu Proprio de juillet 2007. Dans cette lettre apostolique, intitulée
« Summorum Pontificum », Benoît XVI avait facilité alors la célébration de la messe
selon la forme dite « extraordinaire », utilisant notamment le missel de Saint Pie
V, d’avant Vatican II. Les précisions de Thomas Chabolle
Texte intégral
:
Instruction sur l’application de la Lettre apostolique « Summorum Pontificum» donnée
Motu Proprio par Sa Sainteté le Pape Benoît XVI.
I.
Introduction
1. La
Lettre apostolique Summorum Pontificum, donnée motu proprio par le Souverain Pontife
Benoît XVI le 7 juillet 2007 et entrée en vigueur le 14 septembre 2007, a rendu plus
accessible la richesse de la liturgie romaine à l’Église universelle.
2. Par
ce Motu Proprio, le Souverain Pontife Benoît XVI a promulgué une loi universelle pour
l’Église, avec l’intention de donner un nouveau cadre normatif à l’usage de la liturgie
romaine en vigueur en 1962.
3. Après avoir rappelé la sollicitude des Souverains
Pontifes pour la sainte liturgie et la révision des livres liturgiques, le Saint-Père
reprend le principe traditionnel, reconnu depuis des temps immémoriaux et à maintenir
nécessairement à l’avenir, selon lequel « chaque Église particulière doit être en
accord avec l’Église universelle, non seulement sur la doctrine de la foi et sur les
signes sacramentels, mais aussi sur les usages reçus universellement de la tradition
apostolique ininterrompue. On doit les observer non seulement pour éviter les erreurs,
mais pour transmettre l’intégrité de la foi, car la règle de la prière de l’Église
correspond à sa règle de foi ».
4. Le Souverain Pontife évoque en outre les
Pontifes romains qui se sont particulièrement donnés à cette tâche, notamment saint
Grégoire le Grand et saint Pie V. Le Pape souligne également que, parmi les livres
liturgiques sacrés, le Missale Romanum a joué un rôle particulier dans l’histoire
et qu’il a connu des mises à jour au cours des temps jusqu’au bienheureux Pape Jean
XXIII. Puis, après la réforme liturgique qui suivit le Concile Vatican II, le Pape
Paul VI approuva en 1970 pour l’Église de rite latin un nouveau Missel, qui fut ensuite
traduit en différentes langues. Le Pape Jean Paul II en promulgua une troisième édition
en l’an 2000.
5. Plusieurs fidèles, formés à l’esprit des formes liturgiques
antérieures au Concile Vatican II, ont exprimé le vif désir de conserver la tradition
ancienne. C’est pourquoi, avec l’indult spécial Quattuor abhinc annos publié en 1984
par la Sacrée Congrégation pour le Culte divin, le Pape Jean Paul II concéda sous
certaines conditions la faculté de reprendre l’usage du Missel romain promulgué par
le bienheureux Pape Jean XXIII. En outre, avec le Motu Proprio Ecclesia Dei de 1988,
le Pape Jean Paul II exhorta les Évêques à concéder généreusement cette faculté à
tous les fidèles qui le demandaient. C’est dans la même ligne que se situe le Pape
Benoît XVI avec le Motu Proprio Summorum Pontificum, où sont indiqués, pour l’usus
antiquior du rite romain, quelques critères essentiels qu’il est opportun de rappeler
ici.
6. Les textes du Missel romain du Pape Paul VI et de la dernière édition
de celui du Pape Jean XXIII sont deux formes de la liturgie romaine, respectivement
appelées ordinaire et extraordinaire : il s’agit de deux mises en œuvre juxtaposées
de l’unique rite romain. L’une et l’autre forme expriment la même lex orandi de l’Église.
En raison de son usage antique et vénérable, la forme extraordinaire doit être conservée
avec l’honneur qui lui est dû.
7. Le Motu Proprio Summorum Pontificum s’accompagne
d’une lettre du Saint-Père aux Évêques, publiée le même jour que lui (7 juillet 2007)
et offrant de plus amples éclaircissements sur l’opportunité et la nécessité du Motu
Proprio lui-même : il s’agissait effectivement de combler une lacune, en donnant un
nouveau cadre normatif à l’usage de la liturgie romaine en vigueur en 1962. Ce cadre
s’imposait particulièrement du fait qu’au moment de l’introduction du nouveau missel,
il n’avait pas semblé nécessaire de publier des dispositions destinées à régler l’usage
de la liturgie en vigueur en 1962. En raison de l’augmentation du nombre de ceux qui
demandent à pouvoir user de la forme extraordinaire, il est devenu nécessaire de donner
quelques normes à ce sujet. Le Pape Benoît XVI affirme notamment : « Il n’y a
aucune contradiction entre l’une et l’autre édition du Missale Romanum. L’histoire
de la liturgie est faite de croissance et de progrès, jamais de rupture. Ce qui était
sacré pour les générations précédentes reste grand et sacré pour nous, et ne peut
à l’improviste se retrouver totalement interdit, voire considéré comme néfaste ».
8. Le
Motu Proprio Summorum Pontificum constitue une expression remarquable du magistère
du Pontife romain et de son munus propre - régler et ordonner la sainte liturgie de
l’Église - et il manifeste sa sollicitude de Vicaire du Christ et de Pasteur de l’Église
universelle . Il se propose :
a) d’offrir à tous les fidèles la liturgie romaine
dans l’usus antiquior, comme un trésor à conserver précieusement ;
b) de garantir
et d’assurer réellement l’usage de la forme extraordinaire à tous ceux qui le demandent,
étant bien entendu que l’usage de la liturgie latine en vigueur en 1962 est une faculté
donnée pour le bien des fidèles et donc à interpréter en un sens favorable aux fidèles
qui en sont les principaux destinataires ;
c) de favoriser la réconciliation
au sein de l’Église.
II.
Les missions de la Commission pontificale
Ecclesia Dei
9. Le Souverain Pontife a doté la Commission pontificale Ecclesia
Dei d’un pouvoir ordinaire vicaire dans son domaine de compétence, en particulier
pour veiller sur l’observance et l’application des dispositions du Motu Proprio Summorum
Pontificum (cf. art. 12).
10. § 1. La Commission pontificale exerce ce pouvoir,
non seulement grâce aux facultés précédemment concédées par le Pape Jean Paul II et
confirmées par le Pape Benoît XVI (cf. Motu Proprio Summorum Pontificum, art. 11-12),
mais aussi grâce au pouvoir d’exprimer une décision, en tant que Supérieur hiérarchique,
au sujet des recours qui lui sont légitimement présentés contre un acte administratif
de l’Ordinaire qui semblerait contraire au Motu Proprio. § 2. Les décrets par
lesquels la Commission pontificale exprime sa décision au sujet des recours pourront
être attaqués ad normam iuris devant le Tribunal Suprême de la Signature Apostolique.
11. Après
approbation de la Congrégation pour le Culte divin et la Discipline des sacrements,
il revient à la Commission pontificale Ecclesia Dei de veiller à l’édition éventuelle
des textes liturgiques relatifs à la forme extraordinaire du rite romain.
III.
Normes spécifiques
12. À la suite de l’enquête réalisée auprès
des Évêques du monde entier et en vue de garantir une interprétation correcte et une
juste application du Motu Proprio Summorum Pontificum, cette Commission pontificale,
en vertu de l’autorité qui lui a été attribuée et des facultés dont elle jouit, publie
cette Instruction, conformément au canon 34 du Code de droit canonique.
La
compétence des Évêques diocésains
13. D’après le Code de droit canonique ,
les Évêques diocésains doivent veiller à garantir le bien commun en matière liturgique
et à faire en sorte que tout se déroule dignement, pacifiquement et sereinement dans
leur diocèse, toujours en accord avec la mens du Pontife romain clairement exprimée
par le Motu Proprio Summorum Pontificum . En cas de litige ou de doute fondé au sujet
de la célébration dans la forme extraordinaire, la Commission pontificale Ecclesia
Dei jugera.
14. Il revient à l’Évêque diocésain de prendre les mesures nécessaires
pour garantir le respect de la forme extraordinaire du rite romain, conformément au
Motu Proprio Summorum Pontificum.
Le cœtus fidelium (cf. Motu Proprio Summorum
Pontificum, art. 5 § 1)
15. Un cœtus fidelium pourra se dire stable (stabiliter
exsistens), au sens où l’entend l’art. 5 § 1 de Summorum Pontificum, s’il est constitué
de personnes issues d’une paroisse donnée qui, même après la publication du Motu Proprio,
se sont réunies à cause de leur vénération pour la liturgie célébrée dans l’usus antiquior
et qui demandent sa célébration dans l’église paroissiale, un oratoire ou une chapelle
; ce cœtus peut aussi se composer de personnes issues de paroisses ou de diocèses
différents qui se retrouvent à cette fin dans une église paroissiale donnée, un oratoire
ou une chapelle.
16. Si un prêtre se présente occasionnellement avec quelques
personnes dans une église paroissiale ou un oratoire en souhaitant célébrer dans la
forme extraordinaire, comme le prévoient les articles 2 et 4 du Motu Proprio Summorum
Pontificum, le curé, le recteur ou le prêtre responsable de l’église acceptera cette
célébration, tout en tenant compte des exigences liées aux horaires des célébrations
liturgiques de l’église elle-même.
17. § 1. Dans chaque cas, le curé, le recteur
ou le prêtre responsable de l’église prendra sa décision avec prudence, en se laissant
guider par son zèle pastoral et par un esprit d’accueil généreux. § 2. Dans le
cas de groupes numériquement moins importants, on s’adressera à l’Ordinaire du lieu
pour trouver une église où ces fidèles puissent venir assister à ces célébrations,
de manière à faciliter leur participation et une célébration plus digne de la Sainte
Messe.
18. Dans les sanctuaires et les lieux de pèlerinage, on offrira également
la possibilité de célébrer selon la forme extraordinaire aux groupes de pèlerins qui
le demanderaient (cf. Motu Proprio Summorum Pontificum, art. 5 § 3), s’il y a un prêtre
idoine.
19. Les fidèles qui demandent la célébration de la forme extraordinaire
ne doivent jamais venir en aide ou appartenir à des groupes qui nient la validité
ou la légitimité de la Sainte Messe ou des sacrements célébrés selon la forme ordinaire,
ou qui s’opposent au Pontife romain comme Pasteur suprême de l’Église universelle.
Le
sacerdos idoneus (cf. Motu Proprio Summorum Pontificum, art. 5 § 4)
20. Les
conditions requises pour considérer un prêtre comme « idoine » à la célébration dans
la forme extraordinaire s’énoncent comme suit :
a) tout prêtre qui n’est pas
empêché par le droit canonique , doit être considéré comme idoine à la célébration
de la Sainte Messe dans la forme extraordinaire ;
b) il doit avoir du latin
une connaissance de base qui lui permette de prononcer correctement les mots et d’en
comprendre le sens ;
c) la connaissance du déroulement du rite est présumée
chez les prêtres qui se présentent spontanément pour célébrer dans la forme extraordinaire
et qui l’ont déjà célébrée.
21. On demande aux Ordinaires d’offrir au clergé
la possibilité d’acquérir une préparation adéquate aux célébrations dans la forme
extraordinaire. Cela vaut également pour les séminaires, où l’on devra pourvoir à
la formation convenable des futurs prêtres par l’étude du latin , et, si les exigences
pastorales le suggèrent, offrir la possibilité d’apprendre la forme extraordinaire
du rite.
22. Dans les diocèses sans prêtre idoine, les Évêques diocésains peuvent
demander la collaboration des prêtres des Instituts érigés par la Commission pontificale
Ecclesia Dei, soit pour célébrer, soit même pour enseigner à le faire.
23. La
faculté de célébrer la Messe sine populo (ou avec la participation du seul ministre)
dans la forme extraordinaire du rite romain est donnée par le Motu Proprio à tout
prêtre séculier ou religieux (cf. Motu Proprio Summorum Pontificum, art. 2). Pour
ces célébrations, les prêtres n’ont donc besoin, selon le Motu Proprio Summorum Pontificum,
d’aucun permis spécial de leur Ordinaire ou de leur supérieur.
La discipline
liturgique et ecclésiastique
24. Les livres liturgiques de la forme extraordinaire
seront utilisés tels qu’ils sont. Tous ceux qui désirent célébrer selon la forme extraordinaire
du rite romain doivent connaître les rubriques prévues et les suivre fidèlement dans
les célébrations.
25. De nouveaux saints et certaines des nouvelles préfaces
pourront et devront être insérés dans le Missel de 1962 , selon les normes qui seront
indiquées plus tard.
26. Comme le prévoit le Motu Proprio Summorum Pontificum
à l’article 6, les lectures de la Sainte Messe du Missel de 1962 peuvent être proclamées
soit seulement en latin, soit en latin puis dans la langue du pays, soit même, dans
le cas des Messes lues, seulement dans la langue du pays.
27. En ce qui concerne
les normes disciplinaires liées à la célébration, on appliquera la discipline ecclésiastique
définie dans le Code de droit canonique de 1983.
28. De plus, en vertu de son
caractère de loi spéciale, le Motu Proprio Summorum Pontificum déroge, dans son domaine
propre, aux mesures législatives sur les rites sacrés prises depuis 1962 et incompatibles
avec les rubriques des livres liturgiques en vigueur en 1962.
La Confirmation
et l’Ordre sacré
29. La permission d’utiliser la formule ancienne pour le rite
de la confirmation a été reprise par le Motu Proprio Summorum Pontificum (cf. art.
9 § 2). Dans la forme extraordinaire, il n’est donc pas nécessaire d’utiliser la formule
rénovée du Rituel de la confirmation promulgué par le Pape Paul VI.
30. Pour
la tonsure, les ordres mineurs et le sous-diaconat, le Motu Proprio Summorum Pontificum
n’introduit aucun changement dans la discipline du Code de droit canonique de 1983
; par conséquent, dans les Instituts de vie consacrée et les Sociétés de vie apostolique
qui dépendent de la Commission pontificale Ecclesia Dei, le profès de vœux perpétuels
ou celui qui a été définitivement incorporé dans une société cléricale de vie apostolique
est, par l’ordination diaconale, incardiné comme clerc dans l’Institut ou dans la
Société, conformément au canon 266 § 2 du Code de droit canonique.
31. Seuls
les Instituts de vie consacrée et les Sociétés de vie apostolique qui dépendent de
la Commission pontificale Ecclesia Dei ainsi que ceux dans lesquels se maintient l’usage
des livres liturgiques de la forme extraordinaire peuvent utiliser le Pontifical romain
en vigueur en 1962 pour conférer les ordres mineurs et majeurs.
Le Bréviaire
romain
32. Les clercs ont la faculté d’utiliser le Bréviaire romain en vigueur
en 1962 dont il est question à l’article 9 § 3 du Motu Proprio Summorum Pontificum.
Celui-ci doit être récité intégralement et en latin.
Le Triduum sacré
33. S’il
y a un prêtre idoine, le cœtus fidelium qui adhère à la tradition liturgique précédente
peut aussi célébrer le Triduum sacré dans la forme extraordinaire. Au cas où il n’y
aurait pas d’église ou d’oratoire exclusivement prévu pour ces célébrations, le curé
ou l’Ordinaire prendront les mesures les plus favorables au bien des âmes, en accord
avec le prêtre, sans exclure la possibilité d’une répétition des célébrations du Triduum
sacré dans la même église.
Les rites des Ordres religieux
34. Il
est permis d’utiliser les livres liturgiques propres aux Ordres religieux et en vigueur
en 1962.
Pontifical romain et Rituel romain
35. Conformément au
n. 28 de cette Instruction et restant sauf ce qui est prescrit par le n. 31, l’usage
du Pontifical romain et du Rituel romain, ainsi que celui du Cérémonial des Évêques
en vigueur en 1962 sont permis.
Au cours de l’audience du 8 avril
2011 accordée au Cardinal Président de la Commission pontificale Ecclesia Dei, le
Souverain Pontife Benoît XVI a approuvé la présente Instruction et en a ordonné la
publication.
Donné à Rome, au siège de la Commission pontificale Ecclesia
Dei, le 30 avril 2011, en la mémoire de saint Pie V.