Jean-Paul II repose désormais dans la chapelle Saint-Sébastien
La dépouille du bienheureux Jean-Paul II repose désormais dans Chapelle Saint Sébastien,
située près de l'entrée de la basilique Saint-Pierre, sur la droite de la nef, près
de la célèbre Pietà de Michel-Ange. Une brève cérémonie privée s’est déroulée dans
la soirée du lundi 2 mai, vers 19h15. La basilique avait été fermée au public une
heure plus tôt. Le personnel de la Fabrique de Saint-Pierre avait été chargé de transférer
le cercueil sous l’autel de la chapelle Saint-Sébastien. Ont participé à la procession
des membres du Collège des pénitenciers et du Chapître de la basilique, ainsi que
neuf cardinaux et plusieurs archevêques et évêques au chant des litanies des saints
pontifes. Une prière a été récitée par le cardinal Angelo Comastri, archiprêtre de
la basilique. Parmi les personnes présentes se trouvaient entre autres l’ancien secrétaire
privé de Jean-Paul II, le cardinal Stanislas Dziwisz, le postulateur de la cause de
béatification Mgr Oder, et sœur Tobiana qui a longtemps prêté service dans les appartements
pontificaux. Les visites à la basilique ont repris ce mardi matin à 7h et le flux
des pèlerins a recommencé très vite. Le bureau de presse du Saint-Siège a indiqué
que 350.000 personnes ont défilé jusqu’à lundi soir devant le cercueil de Jean-Paul
II qui avait été exposé après la messe de béatification à l’autel de la confession,
devant le baldaquin du Bernin. Beaucoup n’ont pas pu entrer.
Six ans après
sa mort, Jean Paul II a été proclamé bienheureux, au cours d’une célébration présidée
sur la place Saint-Pierre par son successeur, le 1er mai, fête de la Divine
Miséricorde, 1er jour du mois de Marie, devant des centaines de milliers
de personnes joyeuses et ferventes, et sous le regard de millions de téléspectateurs.
Entouré de nombreux cardinaux, Benoît XVI a béatifié son prédécesseur en présence
de 87 délégations officielles et de centaines de milliers de fidèles du monde entier,
polonais, italiens, français, espagnols, fervents et enthousiastes. Certains avaient
convergé vers la place Saint-Pierre dès la veille au soir, des jeunes surtout, en
chantant et en répétant en chœur le nom de Jean-Paul II. Selon la préfecture de Rome,
plus d'un million de fidèles sont venus assister à cette béatification, 800 prêtres
ont été mobilisés pour distribuer la communion.La messe solennelle en plein air a
débuté par une procession à 10 heures sur la place Saint-Pierre sous un soleil radieux.
Le reportage de Thomas Chabolle
Benoît XVI
a rappelé dans son homélie que son aimé prédécesseur avait ouvert au Christ la société,
la culture, les systèmes politiques et économiques, en inversant avec une force de
géant, force qui lui venait de Dieu, une tendance qui pouvait sembler irréversible.
Au moment où sa force physique est venue à lui manquer, Jean-Paul II a continué
à guider l’Église et à donner au monde un message encore plus éloquent, a rappelé
Benoît XVI, réalisant ainsi, de manière extraordinaire, la vocation de tout prêtre
et évêque : ne plus faire qu’un avec ce Jésus, qu’il reçoit et offre chaque jour dans
l’Eucharistie. Retour sur l’homélie prononcée par Benoit XVI avec Xavier Sartre
Après la messe
de béatification, Benoît XVI s'est rendu à l'intérieur de la Basilique pour vénérer
la dépouille du nouveau bienheureux, suivi des cardinaux des 87 délégations officielles
ayant participé à la messe, et des simples fidèles . A la fin de la messe et avant
la récitation de la prière du Regina Coeli, Benoît XVI s'est adressé aux fidèles en
sept langues, dont le français
Voici le
texte en langue française :
Je salue avec joie les Délégations officielles,
les Autorités civiles et militaires des Pays francophones ainsi que les Cardinaux,
les Patriarches, les Evêques, les prêtres et les nombreux pèlerins venus à Rome pour
la Béatification. Chers amis, que la vie et l’œuvre du Bienheureux Jean-Paul II soit
source d’un engagement renouvelé au service de tous les hommes et de tout l’homme
! Je lui demande de bénir les efforts de chacun pour construire une civilisation de
l’amour, dans le respect de la dignité de chaque personne humaine, créée à l’image
de Dieu, avec une attention particulière à celle qui est plus fragile. Avec lui, marchez
sur les traces lumineuses des bienheureux et des saints de vos Pays ! Que la Vierge
Marie vous accompagne ! Avec ma bénédiction.
Traduction intégrale de l’homélie
de Benoît XVI :
Chers frères et sœurs!
Il y a six ans désormais,
nous nous trouvions sur cette place pour célébrer les funérailles du Pape Jean-Paul
II. La douleur causée par sa mort était profonde, mais supérieur était le sentiment
qu’une immense grâce enveloppait Rome et le monde entier: la grâce qui était en quelque
sorte le fruit de toute la vie de mon aimé Prédécesseur et, en particulier, de son
témoignage dans la souffrance. Ce jour-là, nous sentions déjà flotter le parfum de
sa sainteté, et le Peuple de Dieu a manifesté de nombreuses manières sa vénération
pour lui. C’est pourquoi j’ai voulu, tout en respectant la réglementation en vigueur
de l’Église, que sa cause de béatification puisse avancer avec une certaine célérité.
Et voici que le jour tant attendu est arrivé! Il est vite arrivé, car il en a plu
ainsi au Seigneur: Jean-Paul II est bienheureux!
Je désire adresser mes cordiales
salutations à vous tous qui, pour cette heureuse circonstance, êtes venus si nombreux
à Rome de toutes les régions du monde, Messieurs les Cardinaux, Patriarches des Églises
Orientales Catholiques, Confrères dans l’Épiscopat et dans le sacerdoce, Délégations
officielles, Ambassadeurs et Autorités, personnes consacrées et fidèles laïcs, ainsi
qu’à tous ceux qui nous sont unis à travers la radio et la télévision.
Ce dimanche
est le deuxième dimanche de Pâques, que le bienheureux Jean-Paul II a dédié à la Divine
Miséricorde. C’est pourquoi ce jour a été choisi pour la célébration d’aujourd’hui,
car, par un dessein providentiel, mon prédécesseur a rendu l’esprit justement la veille
au soir de cette fête. Aujourd’hui, de plus, c’est le premier jour du mois de mai,
le mois de Marie, et c’est aussi la mémoire de saint Joseph travailleur. Ces éléments
contribuent à enrichir notre prière et ils nous aident, nous qui sommes encore pèlerins
dans le temps et dans l’espace, tandis qu’au Ciel, la fête parmi les Anges et les
Saints est bien différente! Toutefois unique est Dieu, et unique est le Christ Seigneur
qui, comme un pont, relie la terre et le Ciel, et nous, en ce moment, nous nous sentons
plus que jamais proches, presque participants de la Liturgie céleste.
«Heureux
ceux qui n’ont pas vu et qui ont cru.» (Jn 20,29). Dans l’Évangile d’aujourd’hui,
Jésus prononce cette béatitude : la béatitude de la foi. Elle nous frappe de façon
particulière parce que nous sommes justement réunis pour célébrer une béatification,
et plus encore parce qu’aujourd’hui a été proclamé bienheureux un Pape, un Successeur
de Pierre, appelé à confirmer ses frères dans la foi. Jean-Paul II est bienheureux
pour sa foi, forte et généreuse, apostolique. Et, tout de suite, nous vient à l’esprit
cette autre béatitude : «Tu es heureux, Simon fils de Jonas, car cette révélation
t’est venue, non de la chair et du sang, mais de mon Père qui est dans les cieux»
(Mt 16, 17). Qu’a donc révélé le Père céleste à Simon? Que Jésus est le Christ, le
Fils du Dieu vivant. Grâce à cette foi, Simon devient «Pierre», le rocher sur lequel
Jésus peut bâtir son Église. La béatitude éternelle de Jean-Paul II, qu’aujourd’hui
l’Église a la joie de proclamer, réside entièrement dans ces paroles du Christ: «Tu
es heureux, Simon» et «Heureux ceux qui n’ont pas vu et qui ont cru.». La béatitude
de la foi, que Jean-Paul II aussi a reçue en don de Dieu le Père, pour l’édification
de l’Église du Christ.
Cependant notre pensée va à une autre béatitude qui,
dans l’Évangile, précède toutes les autres. C’est celle de la Vierge Marie, la Mère
du Rédempteur. C’est à elle, qui vient à peine de concevoir Jésus dans son sein, que
Sainte Élisabeth dit: «Bienheureuse celle qui a cru en l’accomplissement de ce qui
lui a été dit de la part du Seigneur!» (Lc 1, 45). La béatitude de la foi a son modèle
en Marie et nous sommes tous heureux que la béatification de Jean-Paul II advienne
le premier jour du mois marial, sous le regard maternel de Celle qui, par sa foi,
soutient la foi des Apôtres et soutient sans cesse la foi de leurs successeurs, spécialement
de ceux qui sont appelés à siéger sur la chaire de Pierre. Marie n’apparaît pas dans
les récits de la résurrection du Christ, mais sa présence est comme cachée partout:
elle est la Mère, à qui Jésus a confié chacun des disciples et la communauté tout
entière. En particulier, nous notons que la présence effective et maternelle de Marie
est signalée par saint Jean et par saint Luc dans des contextes qui précèdent ceux
de l’Évangile d’aujourd’hui et de la première Lecture: dans le récit de la mort de
Jésus, où Marie apparaît au pied de la croix (Jn 19, 25); et au début des Actes des
Apôtres, qui la montrent au milieu des disciples réunis en prière au Cénacle (Ac 1,
14).
La deuxième Lecture d’aujourd’hui nous parle aussi de la foi, et c’est
justement saint Pierre qui écrit, plein d’enthousiasme spirituel, indiquant aux nouveaux
baptisés les raisons de leur espérance et de leur joie. J’aime observer que dans ce
passage, au début de sa Première Lettre, Pierre n’emploie pas le mode exhortatif,
mais indicatif pour s’exprimer; il écrit en effet: «Vous en tressaillez de joie»,
et il ajoute: «Sans l’avoir vu vous l’aimez; sans le voir encore, mais en croyant,
vous tressaillez d’une joie indicible et pleine de gloire, sûrs d’obtenir l’objet
de votre foi: le salut des âmes.» (1 P 1, 6. 8-9). Tout est à l’indicatif, parce qu’existe
une nouvelle réalité, engendrée par la résurrection du Christ, une réalité accessible
à la foi. «C’est là l’œuvre du Seigneur – dit le Psaume (118, 23) – ce fut une merveille
à nos yeux», les yeux de la foi.
Chers frères et sœurs, aujourd’hui, resplendit
à nos yeux, dans la pleine lumière spirituelle du Christ Ressuscité, la figure aimée
et vénérée de Jean-Paul II. Aujourd’hui, son nom s’ajoute à la foule des saints et
bienheureux qu’il a proclamés durant les presque 27 ans de son pontificat, rappelant
avec force la vocation universelle à la dimension élevée de la vie chrétienne, à la
sainteté, comme l’affirme la Constitution conciliaire Lumen gentium sur l’Église.
Tous les membres du Peuple de Dieu – évêques, prêtres, diacres, fidèles laïcs, religieux,
religieuses –, nous sommes en marche vers la patrie céleste, où nous a précédé la
Vierge Marie, associée de manière particulière et parfaite au mystère du Christ et
de l’Église. Karol Wojtyła, d’abord comme Évêque Auxiliaire puis comme Archevêque
de Cracovie, a participé au Concile Vatican II et il savait bien que consacrer à Marie
le dernier chapitre du Document sur l’Église signifiait placer la Mère du Rédempteur
comme image et modèle de sainteté pour chaque chrétien et pour l’Église entière. Cette
vision théologique est celle que le bienheureux Jean-Paul II a découverte quand il
était jeune et qu’il a ensuite conservée et approfondie toute sa vie. C’est une vision
qui est synthétisée dans l’icône biblique du Christ sur la croix ayant auprès de lui
Marie, sa mère. Icône qui se trouve dans l’Évangile de Jean (19, 25-27) et qui est
résumée dans les armoiries épiscopales puis papales de Karol Wojtyła: une croix d’or,
un «M» en bas à droite, et la devise «Totus tuus», qui correspond à la célèbre expression
de saint Louis Marie Grignion de Montfort, en laquelle Karol Wojtyła a trouvé un principe
fondamental pour sa vie: «Totus tuus ego sum et omnia mea tua sunt. Accipio Te in
mea omnia. Praebe mihi cor tuum, Maria – Je suis tout à toi et tout ce que j’ai est
à toi. Sois mon guide en tout. Donnes-moi ton cœur, O Marie» (Traité de la vraie dévotion
à Marie, nn. 233 et 266).
Dans son Testament, le nouveau bienheureux écrivait:
«Lorsque, le jour du 16 octobre 1978, le conclave des Cardinaux choisit Jean-Paul
II, le Primat de la Pologne, le Card. Stefan Wyszyński, me dit: "Le devoir du nouveau
Pape sera d’introduire l’Église dans le Troisième Millénaire". Et il ajoutait: «Je
désire encore une fois exprimer ma gratitude à l’Esprit Saint pour le grand don du
Concile Vatican II, envers lequel je me sens débiteur avec l’Église tout entière –
et surtout avec l’épiscopat tout entier –. Je suis convaincu qu’il sera encore donné
aux nouvelles générations de puiser pendant longtemps aux richesses que ce Concile
du XXème siècle nous a offertes. En tant qu’évêque qui a participé à l’événement conciliaire
du premier au dernier jour, je désire confier ce grand patrimoine à tous ceux qui
sont et qui seront appelés à le réaliser à l’avenir. Pour ma part, je rends grâce
au Pasteur éternel qui m’a permis de servir cette très grande cause au cours de toutes
les années de mon pontificat». Et quelle est cette «cause»? Celle-là même que Jean-Paul
II a formulée au cours de sa première Messe solennelle sur la place Saint-Pierre,
par ces paroles mémorables: «N’ayez pas peur! Ouvrez, ouvrez toutes grandes les portes
au Christ!». Ce que le Pape nouvellement élu demandait à tous, il l’a fait lui-même
le premier: il a ouvert au Christ la société, la culture, les systèmes politiques
et économiques, en inversant avec une force de géant – force qui lui venait de Dieu
– une tendance qui pouvait sembler irréversible. Par son témoignage de foi, d’amour
et de courage apostolique, accompagné d’une grande charge humaine, ce fils exemplaire
de la nation polonaise a aidé les chrétiens du monde entier à ne pas avoir peur de
se dire chrétiens, d’appartenir à l’Église, de parler de l’Évangile. En un mot: il
nous a aidés à ne pas avoir peur de la vérité, car la vérité est garantie de liberté.
De façon plus synthétique encore: il nous a redonné la force de croire au Christ,
car le Christ est Redemptor hominis, le Rédempteur de l’homme: thème de sa première
Encyclique et fil conducteur de toutes les autres.
Karol Wojtyła est monté
sur le siège de Pierre, apportant avec lui sa profonde réflexion sur la confrontation,
centrée sur l’homme, entre le marxisme et le christianisme. Son message a été celui-ci:
l’homme est le chemin de l’Église, et Christ est le chemin de l’homme. Par ce message,
qui est le grand héritage du Concile Vatican II et de son «timonier», le Serviteur
de Dieu le Pape Paul VI, Jean-Paul II a conduit le Peuple de Dieu pour qu’il franchisse
le seuil du Troisième Millénaire, qu’il a pu appeler, précisément grâce au Christ,
le «seuil de l’espérance». Oui, à travers le long chemin de préparation au Grand Jubilé,
il a donné au Christianisme une orientation renouvelée vers l’avenir, l’avenir de
Dieu, transcendant quant à l’histoire, mais qui, quoi qu’il en soit, a une influence
sur l’histoire. Cette charge d’espérance qui avait été cédée en quelque sorte au marxisme
et à l’idéologie du progrès, il l’a légitimement revendiquée pour le Christianisme,
en lui restituant la physionomie authentique de l’espérance, à vivre dans l’histoire
avec un esprit d’«avent», dans une existence personnelle et communautaire orientée
vers le Christ, plénitude de l’homme et accomplissement de ses attentes de justice
et de paix. Je voudrais enfin rendre grâce à Dieu pour l’expérience personnelle
qu’il m’a accordée, en collaborant pendant une longue période avec le bienheureux
Pape Jean-Paul II. Auparavant, j’avais déjà eu la possibilité de le connaître et de
l’estimer, mais à partir de 1982, quand il m’a appelé à Rome comme Préfet de la Congrégation
pour la Doctrine de la Foi, j’ai pu lui être proche et vénérer toujours plus sa personne
pendant 23 ans. Mon service a été soutenu par sa profondeur spirituelle, par la richesse
de ses intuitions. L’exemple de sa prière m’a toujours frappé et édifié: il s’immergeait
dans la rencontre avec Dieu, même au milieu des multiples obligations de son ministère.
Et puis son témoignage dans la souffrance: le Seigneur l’a dépouillé petit à petit
de tout, mais il est resté toujours un «rocher», comme le Christ l’a voulu. Sa profonde
humilité, enracinée dans son union intime au Christ, lui a permis de continuer à guider
l’Église et à donner au monde un message encore plus éloquent précisément au moment
où les forces physiques lui venaient à manquer. Il a réalisé ainsi, de manière extraordinaire,
la vocation de tout prêtre et évêque: ne plus faire qu’un avec ce Jésus, qu’il reçoit
et offre chaque jour dans l’Église.
Bienheureux es-tu, bien aimé Pape Jean-Paul
II, parce que tu as cru ! Continue – nous t’en prions – de soutenir du Ciel la foi
du Peuple de Dieu. Tant de fois il nous a béni sur cette place du Palais Apostolique.
Aujourd‘hui, nous te prions : Saint Père bénis nous. Amen.