Les évêques de Madagascar alertent sur la crise politique
07/03/2011 Les évêques de Madagascar s’inquiètent de la persistance d’une crise
politique qui rend la vie des Malgaches plus dure que jamais. Monseigneur Benjamin
Ramaroson, évêque du diocèse de Farafangana, sur la côte sud-ouest de Madagascar,
explique cette inquiétude. Depuis août 2009, l’accord passé entre l’ancien président
Marc Ravalomana et son successeur par interim Andry Rajoelina n’a toujours pas débouché
sur une situation politique consensuelle.
Quelle est la situation actuelle
à Madagascar ? Nous sommes encore sur “le pont de la transition” qui dure depuis
deux ans. Plus cela dure, plus les difficultés augmentent. Les Malgaches sont fatigués
par de multiples soucis quotidiens : manque d’accès aux soins, de médicaments, d’emplois,
etc. En plus de cela, nous subissons, notamment en ce moment, les calamités naturelles.
[Dernièrement, le cyclone Bingiza a fait plus de 34 morts et 216 000 sinistrés sur
la Grande île]. Cette situation de paupérisation et d’insécurité engendre des violences.
Les gens sont débordés par cette situation et craignent un débordement de la colère.
Nous assistons dans nos diocèses à la création de chartes et de tribunaux populaires
qui ne nous conforment plus à un État de droit.
Avec l’accession au pouvoir
d’Andry Rajoelina en 2009, la communauté internationale a coupé ses aides à Madagascar
alors que le budget de l’État dépend essentiellement de l’aide internationale. Comment
la population malgache s’en sort aujourd’hui ? Ces sanctions ont des répercussions
préoccupantes sur la vie du peuple malgache. Cela envenime la vie quotidienne. Comme
toujours, c’est le peuple qui en pâti et qui paye les pots cassés. Aujourd’hui, c’est
la survie pour tous les Malgaches. En revanche si l’État ne reçoit plus d’aides internationales,
le peuple, lui, est assisté par l’aide humanitaire, qui a quadruplée depuis la crise
politique. Mais encore une fois, ce n’est pas la solution. Il faut que Madagascar
se stabilise.
2011 est, selon tous, l’année des élections à Madagascar. Comment
percevez vous les prochaines élections législatives et présidentielles ? Nous avons
encore du chemin à parcourir avant les élections. Chaque semaine, il y a des rebondissements
dans la vie politique malgache. La recherche d’un consensus et de l’union nationale
n’a pas encore abouti. Depuis le début, les évêques affirment que l’issue de la crise
politique ne pourra se faire qu’à travers des élections. Mais il faut que ce soit
des élections transparentes et justes. Or le référendum constitutionnel du 17 novembre
dernier a été entaché d’irrégularités. Il faut absolument que tout le monde accepte
de se soumettre au jeu de la transparence. Par ailleurs, beaucoup d’évêques malgaches
estiment que le Conseil électoral national indépendant (CENI) devrait être véritablement
indépendant. Aujourd’hui, il dépend du budget de l’État. Ainsi, le jeu électoral est
faussé. De plus, nous estimons qu’il est essentiel que les élections législatives
aient lieu avant les présidentielles. Madagascar compte au moins 300 partis politiques.
Des élections de proximité comme les législatives permettraient de décanter l’atmosphère
politique et de dégager de ce scrutin les principaux partis politiques. Car aujourd’hui,
aucun parti politique ne se démarque des autres, hormis celui de la majorité.
Est-ce
que l’Église jouera un rôle dans les prochaines élections présidentielles, comme elle
a joué un rôle de médiation au moment des évènements de 2009 ? Effectivement, le
Conseil œcuménique a joué un rôle de réconciliation et de médiation entre l’ancien
président, Marc Ravalomanana, et l’actuel président, Andry Rajoelina, en 2009. Mais
nous nous sommes retirés des négociations lorsque M. Ravalomanana a cédé le pouvoir
à un directoire militaire, le 17 mars 2009, qui lui même a remis le pouvoir à Andry
Rajoelina. Les Catholiques avaient été accusé d’avoir fomenté tout cela. Il y avait
donc trop de confusion. L’Église avait été utilisée à des fins politiques et cela
pouvait créer des dissensions au sein des Chrétiens. Mais cela ne signifie pas qu’elle
n’encourage pas les laïcs à prendre part à la médiation. Nous estimons que Madagascar
ne possède pas de vrais hommes politiques. Il faut une politique au service du bien
commun et non pas pour l’enrichissement personnel. C’est pour cette raison que l’Église
enseigne les sciences sociales à l’Université catholique d’Antananarivo. Par ailleurs,
nous souhaitons renforcer la présence de Justice et paix dans les diocèses, les rendre
plus fort et favoriser la diffusion de l’enseignement social de l’Église.