Pour la première fois, une chrétienne a été condamnée à mort pour blasphème au Pakistan.
Retour sur les faits : Asia Bibi, 45 ans, est une mère de famille ; en juin
2009, des femmes musulmanes qui travaillaient avec elle l’ont accusée auprès d’un
mollah d’avoir blasphémé contre Mahomet.
L’évêque auxiliaire de Lahore a demandé
au Pape d’intervenir pour la sauver. Pour le prélat, cette sentence est un outrage
à la dignité humaine et à la vérité. Dans un appel pressant, il invite Benoît XVI
à prendre la parole en faveur de cette innocente. Mgr Shaw s’adresse par ailleurs
à la communauté internationale pour l’exhorter à exercer des pressions sur le Pakistan.
Il compte sur la mobilisation de l’opinion publique et de la société civile pour lutter
contre le fanatisme religieux et les tensions intercommunautaires.
Jusqu’ici
aucun condamné à mort pour blasphème n’a jamais été exécuté au Pakistan, mais cette
nouvelle affaire rappelle le danger que représente celle législation, souvent exploitée
à des fins personnelles, qui pénalise les minorités et encourage l’extrémisme islamiste.
En juillet dernier, deux frères chrétiens, accusés d'avoir écrit un pamphlet critique
pour le prophète Mahomet, avaient été tués devant un tribunal dans le Pendjab, où
des centaines de manifestants réclamaient leur condamnation à mort. Nous avons
joint une chrétienne dans cette même province du Pendjab. Elle témoigne sous anonymat,
et pour cette raison, nous vous proposons de lire la transcription de l'entretien
qu'elle nous a accordé. ____
“Ça c’est vraiment très très triste. Mais
j’espère vraiment que ca ne se fera pas, qu’il va y avoir assez de réactions pour
empêcher. Donc c’est sûr qu’il faudrait que ca réagisse un peu partout de l’extérieur,
spécialement les pays étrangers qui ont souvent plus de pouvoir que nous sur place.
Mais ce qui m’étonne, c’est que ni les journaux n’en parlent. Voyez, nous sommes ici
au Pendjab et on n’a rien entendu.”
“Alors est-ce que vous pensez que c’est
une volonté du gouvernement d’étouffer cette affaire ?”
“Je ne sais pas,
je ne sais pas quoi dire. Je suis très étonnée, parce qu’en général, il y a une très
forte réaction des chrétiens. , et on n’a rien entendu.”
“De plus en plus
de voix s’élèvent dans les milieux chrétiens mais pas seulement, pour évoquer une
situation difficile, très dangereuse pour les chrétiens, soulignant que les lois anti
blasphème sont de plus en plus invoquées contre les minorités et en particulier dans
la province du Pendjab où vous vous trouvez.”
“Oui, on entend des cas un
peu partout dans la Pakistan et c’est vrai que les minorités sont de plus en plus
menacées. Et ce n’est pas que les chrétiens, c’est les chiites, c’est les ahmadis
: tous ceux qui ne sont pas de la ligne dure de l’islam. Et c’est vrai qu’il y a un
vrai durcissement. Et en même temps, il ya toute une opinion qui parle de plus en
plus contre. C'est-à-dire qu’ils prennent la défense des chrétiens, des chiites. Et
ça c’est l’autre aspect. Il y a beaucoup de gens aussi qui n’ont pas peur de parler,
de parler pour la justice, pour le droit. Et ca, c’est aussi, je pense, une réalité.”
“Comment
expliquez-vous que ces lois anti-blasphème ne soient pas abrogées ? Et comment le
gouvernement abord-t-il cette question, ce lourd dossier ?”
“C’est très
très très compliqué parce que c’est un sujet que le gouvernement lui-même ne peut
pas aborder. Parce que ca touche tellement la personne du prophète, que même ceux
qui sont tout-à-fait contre, c’est très difficile de pouvoir s’opposer. Parce qu’il
y a toutes les questions religieuses, politiques des extrémistes. Les extrémistes
sont là dedans. Et puis dans la plupart de ces cas de blasphème, c’est des ennemis
personnels, c’est une excuse. C'est-à-dire que si quelqu’un a quelque chose contre
son voisin, si quelqu’un veut prendre le travail de quelqu’un, ou si quelqu’un veut
prendre les champs de quelqu'un, il est sûr d’être écouté s’il parle de blasphème.
C’est un fait parce que dans les histoires de blasphèmes, presque toujours ça a été
pour avoir un avantage sur quelqu’un. Donc on se sert du côté religieux parce qu’on
sait que personne ne s’y opposera. Mais en fait c’est ou des querelles personnelles,
ou des injustices. Beaucoup sont contre cette loi de blasphème. Et puis l’Église demande
tout le temps, les gens honnêtes aussi, mais c’est très difficile à faire tomber.” ____
il
existe d'autres conséquence éloquente de la discrimination dont les chrétiens sont
victimes au Pakistan : Après les inondations en septembre dernier, 20 000 familles
chrétiennes déplacées ont été totalement abandonnées par le gouvernement et par les
autorités locales, souvent corrompues. Une situation dénoncée par le directeur des
Œuvres pontificales missionnaires au Pakistan, dont les propos sont rapportés par
l’Agence Fides. Pauvres parmi les plus pauvres, les chrétiens sont négligés et marginalisés
surtout au Pendjab. Caritas Pakistan a lancé un appel aux donateurs du monde entier
pour assurer la reconstruction des maisons des familles chrétiennes et pour bonifier
les terres et pouvoir à nouveau y pratiquer de l’agriculture.