Mme Romilda Ferrauto promue chevalier de l'Ordre National du Mérite
Ce mardi soir, à 18h30, la rédaction française de Radio Vatican était présente au
complet à l’Ambassade de France près le Saint-Siège pour la remise des insignes de
Chevalier de l’Ordre National du Mérite à Mme Romilda Ferrauto, rédactrice en chef
de la section de langue française de Radio Vatican. C’est Mr Stanislas de Laboulaye,
l’Ambassadeur de France près le Saint-Siège, qui lui a remis cette médaille, en présence
du cardinal Poupard, ainsi que du père Lombardi, directeur général de Radio Vatican,
et su père Andrzej Koprowski, directeur des programmes de la radio.
Écoutez
une partie de cette cérémonie.
Nous publions
ci-dessous les discours de l’Ambassadeur et de Mme Ferrauto. ___
Discours
de Mr Stanislas de Laboulaye, Ambassadeur de France près le Saint-Siège :
Madame,
Dans
cette Ambassade habituée à saluer de leurs titres les prélats et les Ambassadeurs,
c’est un plaisir pour moi de saluer tout simplement ce soir, chère Romilda Ferrauto,
une femme et une laïque. Car, Madame Ferrauto, vous êtes une femme d’exception : première
femme à accompagner le pape Jean-Paul II dans ses déplacements officiels à l’étranger,
vous êtes également l’une des rares femmes, responsable de section, à Radio Vatican.
La présence parmi nous ce soir du Cardinal Poupard, que je salue chaleureusement,
et du Père Lombardi, ainsi que de l’ensemble de vos collaborateurs de la section française
de Radio Vatican témoigne, si besoin était, de l’estime dont vous jouissez dans votre
travail. Je suis également heureux d’accueillir des membres de votre famille et plusieurs
de vos amis.
Vous me pardonnerez, j’espère, de mettre à mal votre modestie
et de retracer devant eux les grandes étapes de votre carrière.
Vous êtes née
le 8 septembre 1954 à Tunis où vous passerez toutes vos jeunes années, avant d’obtenir
en 1971 votre baccalauréat au Lycée Carnot de Tunis. Vous partez alors pour Rome,
pour entreprendre des études de médecine. Mais la vie est parfois l’occasion de profonds
retournements. Vous auriez pu devenir médecin mais ce sera finalement le journalisme
qui vous retiendra. Vous entrez en 1981 comme rédactrice à Radio Vatican, dans la
section française. Vous vous faites peu à peu remarquer et l’on vous confie des responsabilités
de plus en plus importantes. Journaliste, vous devenez en 1991 responsable des journaux
d’actualité internationale diffusés en français sur Radio Vatican par de nombreuses
radios diocésaines, tant en France qu’à travers le monde. Enfin, depuis 2005, vous
êtes responsable de la Rédaction française de Radio Vatican, cumulant la lourde charge
des journaux quotidiens et hebdomadaires en langue françaises ainsi que celle des
différents magazines francophones.
Votre voix, votre nom sont ainsi connus
sur les ondes. On apprécie vos reportages. On apprécie la justesse de vos analyses.
On apprécie l’équilibre et le professionnalisme dont vous faites preuve. Mais de vous,
l’on ne sait pas plus. Et vous m’avez confié, ce que de nombreux autres journalistes
de radio m’avaient déjà indiqué, que le fait de demeurer cachée, inconnue du grand
public, permettait d’avoir une parole beaucoup plus libre et plus engagée. Permettez-moi
cependant de mettre entre parenthèse, quelques instants au moins, cette discrétion
qui vous caractérise.
Je voudrais, en effet, saluer en vous une grande professionnelle
de la radio. Avec des moyens qui ne sont pas ceux des agences de presse internationales,
vous parvenez à produire des journaux et des magazines de grande qualité. Et le diplomate
que je suis écoute toujours avec un vif intérêt les informations qui sont diffusées
par vous. Rigueur, précision, concision, fidélité sont vos maîtres-mots. A juste titre,
vous estimez que le fait d’être la Radio du Pape s’accompagne d’exigences de professionnalisme.
En vous écoutant jours après jours, je puis témoigner de la mesure et de l’équilibre
dont vous faites preuve dans les dossiers les plus compliqués, et parfois les plus
polémiques, témoignant d’une double fidélité au Magistère et au métier de journaliste.
Vos
responsabilités vous placent à un poste privilégié d’observation de la vie de l’Eglise
et de la vie du monde. Vous suivez l’actualité et le développement des crises à travers
le monde. Vous rendez compte des grandes orientations de l’Eglise et je pense en particulier
au travail remarquable que vous avez accompli lors du Synode des Évêques pour le Moyen-Orient.
Vos fonctions vous donnent également l’occasion de rencontrer et de dialoguer avec
d’éminentes personnalités. Me viennent notamment en mémoire les interviews que vous
avez faites de plusieurs personnalités comme le Cardinal Ratzinger, le Secrétaire
général des Nations-Unies, M. Boutros Boutros-Ghali ou bien encore le Président Nicolas
Sarkozy lors de sa visite au Vatican en 2007.
Vous n’en oubliez pas pour autant
les informations plus discrètes, ces drames lointains oubliés par le monde occidental.
Il est frappant pour moi de voir combien le statut de Radio du Pape, indépendante
des grands groupes de presse, vous donne cette liberté de pouvoir interpeller la conscience
de nos contemporains sur des situations et des drames que, sans vous, nous aurions
tendance à oublier ou à méconnaître.
Même si le journalisme est votre premier
métier, vos fonctions sont cependant plus vastes. Je voudrais, en particulier, saluer
le formidable travail d’équipe que vous parvenez à faire. Vous avez une équipe jeune,
dynamique, intelligente, curieuse du monde et de l’Eglise. Je suis heureux de la voir
réunie autour de vous. Sa présence témoigne, si besoin était, de l’esprit que vous
avez été capable de leur insuffler et de l’estime qu’elle a pour vous. Je sais, pour
en avoir parlé avec plusieurs des membres de votre équipe, combien leur expérience
à Radio Vatican est formatrice. Elle sera, pour leur carrière à venir, déterminante.
Madame,
A
travers ses 47 langues, ses 200 journalistes répartis dans 61 pays, ses 42.000 heures
de production radiophonique par an, Radio Vatican est un monde en miniature. Comme
Ambassadeur de France, je suis heureux de voir la place que la langue française y
occupe. Nous le devons, pour une large part, à votre action déterminée et à la qualité
des programmes produits par votre équipe. Vous avez, en effet, un rôle déterminant
à jouer en faveur de la francophonie et de la diversité culturelle.
Dans ce
monde multiculturel voire universel de Radio Vatican, vous témoignez avec brio d’une
certaine idée de la France dont vous illustrez, par votre action et votre comportement,
les hautes vertus de générosité et d’intelligence.
C’est sa profonde reconnaissance
que la République tient à vous témoigner par mon intermédiaire. Voilà pourquoi je
suis heureux de remettre en présence des personnalités réunies autours de vous, de
votre famille, de vos collègues journalistes et de la rédaction française de Radio
Vatican dont vous avez la charge, les insignes de l’Ordre national du Mérite.
Romilda
Ferrauto, au nom du Président de la République, nous vous faisons Chevalier de l’Ordre
National du Mérite.
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Discours de Mme Romilda Ferrauto, chevalier
de l’Ordre National du Mérite :
Je voudrais vous dire tout d’abord combien
je suis heureuse de vous voir tous ici rassemblés ce soir. Votre présence me touche
profondément et m’honore.
Je voudrais vous remercier, monsieur l’Ambassadeur,
des aimables paroles que vous m’avez adressées, et vous avouer que je suis très émue,
un peu intimidée aussi, mais très fière, d’autant que cette cérémonie se déroule quarante
ans après la mort, le 9 novembre 1970, du général de Gaulle, qui a institué l’Ordre
du Mérite. J’y vois une heureuse coïncidence,
Les journalistes ont l’habitude
d’analyser les événements, de tenter de les décrypter. Je n’ai donc pas pu m’empêcher
d’essayer de comprendre pourquoi je reçois une telle décoration, alors que je n’ai
accompli aucun geste héroïque, aucune mission périlleuse, alors que je n’ai rien publié,
que je ne parcours pas le monde pour donner des cours ou des conférences, etc….
Alors,
si vous me demandez ce que j’ai bien pu faire pour mériter une telle décoration, je
vous répondrai : « pas grand-chose, mais longtemps ». Cette formule, je l’ai empruntée
à un comédien bien connu car elle convient tout à fait à mon parcours. Un parcours
atypique.
En effet, cela fait plus de 30 ans que tous les jours, ou presque,
je franchis le seuil du Palazzo Pio, le siège de Radio Vatican, que je le fais souvent
avec plaisir, et que je repars avec un sentiment de plénitude, le sentiment d’avoir
appris quelque chose, d’être plus riche, plus sage en quelque sorte. Pour les raisons
que voici :
Sans renier mes origines italiennes, je tiens à souligner que la
langue et la culture françaises, qui m’ont façonnée, la culture dans son sens le plus
large, occupent une place importante, vitale presque, dans ma vie, dans mes gouts,
dans mes choix… Si les circonstances de la vie m’ont amenée à m’installer à Rome,
ma vie professionnelle m’a permis non seulement de ne pas être amputée de cette composante
essentielle, mais aussi de l’entretenir, de la développer et surtout de contribuer
modestement à la promotion et au rayonnement de cette langue et de cette culture qui
me sont si chères. C’est donc en premier lieu à ce titre, si vous le permettez,
que je souhaite accueillir l’honneur qui m’est fait ce soir
30 ans à Radio
Vatican : Je profite de cette occasion pour expliquer pourquoi (j’allais dire pour
« me justifier »). Il arrive souvent, à ceux qui « restent » à Radio Vatican, de
croiser, à l’extérieur de nos murs, des regards incrédules, compatissants, ironiques.
A Radio Vatican nous travaillons, tous les jours, sur des textes exigeants, comme
les discours du Pape, notamment, sur des sujets complexes d’actualité internationale
et religieuse. D’autres, ailleurs, le font aussi, c’est vrai. Mais chez nous il
s’agit de porter un regard autre, différent, sur les événements ; il nous est demandé
de choisir en fonction de critères qui ne sont pas forcément ceux des autres médias
; d’avoir le courage d’aller à contre-courant, au risque de ne pas être entendus,
de nous émanciper, de nous démarquer même, des idées dominantes, de la pensée unique. Ce
n’est pas simple, mais on y acquiert, je vous assure, une liberté intellectuelle enviable,
qu’il est peut-être plus difficile de garder dans d’autres milieux. On y acquiert
aussi la sérénité de ceux qui travaillent un peu dans l’ombre, « en marge ». Car les
retours sont rares, nous avons parfois l’impression de naviguer à vue, de parler dans
le vide. C’est très formateur. C’est donc en 2° lieu au nom de Radio Vatican que
je souhaite, si vous le permettez, accueillir cette décoration.
Enfin.
Le 3° point. Je pense que la Direction de Radio Vatican a fait preuve d’audace quand
elle m’a nommé au poste que j’occupe actuellement. La rédaction française (ou
francophone) de Radio Vatican a toujours joui d’un prestige qui dépasse largement
le cadre de sa production radiophonique quotidienne. Il y un coté institutionnel parfois
lourd à assumer pour de simples journalistes. Car si la France est connue dans
le monde pour son modèle de laïcité, elle reste, malgré tout, la fille ainée de l’Eglise.
Parmi les chrétiens dans le monde, bien des regards, des espoirs, des attentes,
continuent de se tourner vers la France. Nous l’avons encore constaté récemment au
Synode des évêques pour le Moyen-Orient, et ces jours-ci après l’attaque contre une
église à Bagdad. Par ailleurs je ne pense pas me tromper en affirmant que le Saint-Siège
entretient avec la France des rapports privilégiés. Alors, confier la responsabilité
d’une telle rédaction à une femme, au Vatican : il fallait le faire ! Car il n’est
pas toujours facile d’être une femme au Vatican. Il leur arrive, parfois, souvent,
d’avoir la désagréable impression d’être transparentes, insignifiantes, lorsque les
regards les effleurent et s’échappent promptement avec embarras ou irritation. Mais
les choses sont entrain de changer et j’en suis un exemple parmi d’autres. Quelques
autres peu nombreux. C’est donc enfin au nom du génie féminin que je souhaite,
si vous le permettez, accueillir cette décoration, le génie féminin qui se fraye un
chemin dans des lieux où il a, je crois, une contribution importante à offrir.
Voilà
ce que je souhaitais dire. Je veux encore remercier ceux qui m’ont fait confiance.
Il y en a quelques uns ici. Je ne les citerai pas mais ils se reconnaitront.