Consécration de la Sagrada Familia : Benoît XVI fait une catéchèse sur l’Église
« L’Église ne tire pas sa consistance d’elle-même ; elle est appelée à être signe
et instrument du Christ, dans une pure docilité à son autorité et entièrement au service
de son mandat ». Au cours de la célébration eucharistique que Benoît XVI préside
à Barcelone, dans l’église de la Sagrada Familia, le Pape a expliqué au cours de l’homélie
ce qu’était l’Église. Fondée sur le Christ, qui apporte Dieu au cœur de l’humanité,
elle doit permettre de donner Dieu aux hommes. Dans un monde qui se détourne son créateur,
la consécration de la Sagrada Familia est un évènement qui exprime que « Dieu est
la vraie mesure de l’homme », et que ce dernier est toujours appelé à revenir
vers son Seigneur. La foi des chrétiens, transmise par l’Église, doit les pousser
à témoigner que « Dieu est un Dieu de paix et non de violence, de liberté et non
de contrainte, de concorde et non de discorde ».
Dans cette église consacrée
à la Saint Famille, Benoît XVI à rappelé l’importance de la Famille. « L’amour
généreux et indissoluble d’un homme et d’une femme est le cadre efficace et le fondement
de la vie humaine dans sa gestation, dans sa naissance et dans sa croissance jusqu’à
son terme naturel ». Le Pape ajoutait encore : « C’est seulement là où existent
l’amour et la fidélité, que naît et perdure la vraie liberté ». Partant de ce
constat, le Saint Père a demandé « des mesures économiques et sociales appropriées
afin que la femme puisse trouver sa pleine réalisation à la maison et au travail,
afin que l’homme et la femme qui s’unissent dans le mariage et forment une famille
soient résolument soutenus par l’État, afin que soit défendue comme sacrée et inviolable
la vie des enfants depuis le moment de leur conception, afin que la natalité soit
stimulée, valorisée et soutenue sur le plan juridique, social et législatif. Pour
cela, l’Église s’oppose à toute forme de négation de la vie humaine et soutient ce
qui promeut l’ordre naturel dans le cadre de l’institution familiale ». Le fait
que l'homme soit, selon saint Paul, « temple de Dieu », permet de réunir, selon
Benoît XVI, « la vérité et la dignité de Dieu à la vérité et la dignité de l’homme
».
Enfin, le Pape a voulu faire mémoire de la figure de Gaudi, l’architecte
de ce monument encore inachevé, indiquant l’engagement de l’artiste pour « l’édification
d’une conscience humaine ancrée dans le monde, ouverte à Dieu, illuminée et sanctifiée
par le Christ ». De cette manière, « il réalisa ce qui est aujourd’hui une
des tâches les plus importantes : dépasser la scission entre conscience humaine et
conscience chrétienne, entre existence dans ce monde temporel et ouverture à la vie
éternelle, entre la beauté des choses et Dieu qui est la Beauté ».
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Sainte
Messe. Église de la Sagrada Familia de Barcelone
Homélie du Saint-Père
Dimanche
7 novembre 2010
(en catalan)
Frères et Sœurs bien-aimés dans le
Seigneur,
« Ce jour est consacré au Seigneur, votre Dieu ! Ne soyez pas tristes,
ne pleurez pas !... La joie du Seigneur est votre rempart ! » (Ne 8, 9-11). Par ces
paroles de la première lecture que nous avons proclamée, je désire vous saluer, vous
tous qui êtes ici présents pour participer à cette célébration. J’adresse mes salutations
affectueuses à Leurs Majestés le Roi et la Reine d’Espagne, qui ont voulu s’unir cordialement
à nous. Mon salut reconnaissant va à Monsieur le Cardinal Lluís Martínez Sistach,
Archevêque de Barcelone, pour ses paroles de bienvenue et pour son invitation à procéder
à la Dédicace de cette église de la Sagrada Familia, merveilleuse synthèse de technique,
d’art et de foi. Je salue aussi le Cardinal Ricardo María Carles Gordó, Archevêque
émérite de Barcelone, les autres Cardinaux et mes frères dans l’Épiscopat, en particulier
l’Évêque auxiliaire de cette Église particulière, ainsi que les nombreux prêtres,
diacres, séminaristes, religieux et fidèles qui participent à cette célébration solennelle.
En même temps, j’adresse mon salut déférent aux Autorités nationales, régionales et
locales, ainsi qu’aux membres des autres communautés chrétiennes, qui s’unissent à
notre joie et à notre action de grâce envers Dieu.
(en espagnol) Ce jour
est un moment significatif dans une longue histoire d’aspirations, de travail et de
générosité, qui dure depuis plus d’un siècle. Je voudrais maintenant faire mémoire
de chacune des personnes qui ont permis la joie qui domine aujourd’hui en nous tous
: des promoteurs jusqu’aux exécutants de cette œuvre ; de ses architectes et de ses
maçons, jusqu’à tous ceux qui ont offert, d’une manière ou d’une autre, leur contribution
irremplaçable pour rendre possible la construction progressive de cet édifice. Et
nous nous souvenons surtout de celui qui fut l’âme et l’artisan de ce projet : Antoni
Gaudí, architecte génial et chrétien cohérent, dont le flambeau de la foi brûla jusqu’à
la fin de son existence, vécue avec une dignité et une austérité absolue. Cet événement
est aussi, en quelque façon, le point culminant et l’aboutissement d’une histoire
de cette terre catalane qui, surtout à partir de la fin du XIXème siècle, donna une
multitude de saints et de fondateurs, de martyrs et de poètes chrétiens. Histoire
de sainteté, de créations artistiques et poétiques, nées de la foi, qu’aujourd’hui
nous recueillons et présentons en offrande à Dieu dans cette Eucharistie.
La
joie que j’éprouve de pouvoir présider cette célébration a encore grandi quand j’ai
su que cet édifice sacré, depuis ses origines, est étroitement lié à la figure de
saint Joseph. Ce qui m’a particulièrement ému, c’est l’assurance avec laquelle Gaudí,
face aux innombrables difficultés qu’il devait affronter, s’exclama plein de confiance
en la divine Providence : « Saint Joseph complètera l’église ». Par conséquent, il
n’est pas sans signification maintenant que ce soit un Pape dont le nom de baptême
est Joseph qui en fasse la dédicace.
Que signifie faire la dédicace de cette
église ? Au cœur du monde, sous le regard de Dieu et devant les hommes, dans un acte
de foi humble et joyeux, nous avons élevé une imposante masse de matière, fruit de
la nature et d’un incalculable effort de l’intelligence humaine qui a construit cette
œuvre d’art. Elle est un signe visible du Dieu invisible, à la gloire duquel s’élancent
ces tours, flèches qui indiquent l’absolu de la lumière et de celui qui est la Lumière,
la Grandeur et la Beauté mêmes.
Dans ce cadre, Gaudí a voulu unir l’inspiration
qui lui venait des trois grands livres dont il se nourrissait comme homme, comme croyant
et comme architecte : le livre de la nature, le livre de la Sainte Écriture et le
livre de la Liturgie. Ainsi il a uni la réalité du monde et l’histoire du salut, comme
elle nous est racontée dans la Bible et rendue présente dans la Liturgie. Il a introduit
dans l’édifice sacré des pierres, des arbres et la vie humaine, afin que toute la
création converge dans la louange divine, mais, en même temps, il a placé à l’extérieur
les retablos, pour mettre devant les hommes le mystère de Dieu révélé dans la naissance,
la passion, la mort et la résurrection de Jésus Christ. Il collabora ainsi de manière
géniale à l’édification d’une conscience humaine ancrée dans le monde, ouverte à Dieu,
illuminée et sanctifiée par le Christ. Et il réalisa ce qui est aujourd’hui une des
tâches les plus importantes : dépasser la scission entre conscience humaine et conscience
chrétienne, entre existence dans ce monde temporel et ouverture à la vie éternelle,
entre la beauté des choses et Dieu qui est la Beauté. Antoni Gaudí n’a pas réalisé
tout cela uniquement avec des paroles, mais avec des pierres, des lignes, des superficies
et des sommets. En réalité, la beauté est la grande nécessité de l’homme ; elle est
la racine de laquelle surgissent le tronc de notre paix et les fruits de notre espérance.
La beauté est aussi révélatrice de Dieu, parce que, comme Lui, l’œuvre belle est pure
gratuité, elle invite à la liberté et arrache à l’égoïsme.
Nous avons dédié
cet espace sacré à Dieu, qui s’est révélé et donné à nous dans le Christ pour être
définitivement Dieu parmi les hommes. La Parole révélée, l’humanité du Christ et son
Église sont les trois expressions les plus grandes de sa manifestation et de son don
aux hommes. « Que chacun prenne garde à la façon dont il construit. Les fondations,
personne ne peut en poser d’autres que celles qui existent déjà : ces fondations,
c’est Jésus Christ » (1 Co 3, 10-11), dit saint Paul dans la deuxième lecture. Le
Seigneur Jésus est la pierre qui soutient le poids du monde, qui maintient la cohésion
de l’Église et qui recueille dans une ultime unité toutes les conquêtes de l’humanité.
En lui nous avons la Parole et la Présence de Dieu, et de Lui l’Église reçoit sa vie,
sa doctrine et sa mission. L’Église ne tire pas sa consistance d’elle-même ; elle
est appelée à être signe et instrument du Christ, dans une pure docilité à son autorité
et entièrement au service de son mandat. L’unique Christ fonde l’unique Église ; il
est le rocher sur lequel se base notre foi. Fondés sur cette foi, nous cherchons ensemble
à montrer au monde le visage de Dieu, qui est amour et qui est l’unique qui peut répondre
à l’ardent désir de plénitude de l’homme. Telle est la grande tâche, montrer à tous
que Dieu est un Dieu de paix et non de violence, de liberté et non de contrainte,
de concorde et non de discorde. En ce sens, je crois que la consécration de cette
église de la Sagrada Familia, à une époque où l’homme prétend édifier sa vie en tournant
le dos à Dieu, comme s’il n’avait plus rien à lui dire, est un événement de grande
signification. Par son œuvre, Gaudí nous montre que Dieu est la vraie mesure de l’homme,
que le secret de la véritable originalité consiste, comme il le disait, à revenir
à l’origine qui est Dieu. Lui-même, ouvrant ainsi son esprit à Dieu, a été capable
de créer dans cette ville un espace de beauté, de foi et d’espérance, qui conduit
l’homme à la rencontre de Celui qui est la vérité et la beauté même. L’architecte
exprimait ainsi ses sentiments : « Une église [est] l’unique chose digne de représenter
ce que ressent un peuple, puisque la religion est ce qu’il y a de plus élevé dans
l’homme ».
Cette affirmation de Dieu porte en soi la suprême affirmation et
sauvegarde de la dignité de tout homme et de tous les hommes : « N’oubliez pas que
vous êtes le temple de Dieu… Le temple de Dieu est sacré, et ce temple, c’est vous
» (1 Co 3, 16-17). Ici sont unies la vérité et la dignité de Dieu à la vérité et la
dignité de l’homme. Par la consécration de l’autel de cette église, gardant présent
à l’esprit que le Christ est son fondement, nous présentons au monde Dieu qui est
l’ami des hommes, et nous invitons les hommes à être amis de Dieu. Comme l’enseigne
l’épisode de Zachée, dont parle l’évangile d’aujourd’hui (cf. Lc 19, 1-10), si l’homme
laisse entrer Dieu dans sa vie et dans son monde, s’il laisse le Christ vivre dans
son cœur, il ne le regrettera pas, mais au contraire il fera l’expérience de la joie
de partager sa vie même, étant destinataire de son amour infini.
L’initiative
de la construction de cette église est due à l’Association des Amis de saint Joseph,
qui voulut la dédier à la Sainte Famille de Nazareth. Depuis toujours, le foyer formé
par Jésus, Marie et Joseph a été considéré comme une école d’amour, de prière et de
travail. Les promoteurs de cette église voulaient montrer au monde l’amour, le travail
et le service réalisés devant Dieu, comme les vécut la Sainte Famille de Nazareth.
Les conditions de vie ont profondément changés et avec elles on a progressé énormément
dans les domaines techniques, sociaux et culturels. Nous ne pouvons pas nous contenter
de ces progrès. Ils doivent toujours être accompagnés des progrès moraux, comme l’attention,
la protection et l’aide à la famille, puisque l’amour généreux et indissoluble d’un
homme et d’une femme est le cadre efficace et le fondement de la vie humaine dans
sa gestation, dans sa naissance et dans sa croissance jusqu’à son terme naturel. C’est
seulement là où existent l’amour et la fidélité, que naît et perdure la vraie liberté.
L’Église demande donc des mesures économiques et sociales appropriées afin que la
femme puisse trouver sa pleine réalisation à la maison et au travail, afin que l’homme
et la femme qui s’unissent dans le mariage et forment une famille soient résolument
soutenus par l’État, afin que soit défendue comme sacrée et inviolable la vie des
enfants depuis le moment de leur conception, afin que la natalité soit stimulée, valorisée
et soutenue sur le plan juridique, social et législatif. Pour cela, l’Église s’oppose
à toute forme de négation de la vie humaine et soutient ce qui promeut l’ordre naturel
dans le cadre de l’institution familiale.
Contemplant avec admiration ce saint
espace d’une beauté fascinante, avec tant d’histoire de foi, je demande à Dieu qu’en
cette terre catalane se multiplient et se fortifient de nouveaux témoins de sainteté,
qui offrent au monde le grand service que l’Église peut et doit rendre à l’humanité
: être une image de la beauté divine, une flamme ardente de charité, un canal pour
que le monde croie en Celui que Dieu a envoyé (cf. Jn 6, 29).
Chers frères,
en consacrant cette splendide église, je supplie en même temps le Seigneur de nos
vies qu’à partir de cet autel, qui va maintenant être oint avec l’huile sainte et
sur lequel se consumera le sacrifice d’amour du Christ, jaillisse un fleuve incessant
de grâce et de charité sur cette ville de Barcelone et sur ses habitants, ainsi que
sur le monde entier. Que ces eaux fécondes remplissent de foi et de vitalité apostolique
cette Église archidiocésaine, ses Pasteurs et ses fidèles.
(en catalan) Je
désire enfin confier à la protection aimante de la Mère de Dieu, Marie la Très Sainte,
Rosa d’abril, Mare de la Mercè, vous tous qui êtes ici présents et toutes les personnes
qui en paroles et en actes, dans le silence ou la prière, ont rendu possible ce miracle
architectural. Qu’elle présente aussi à son divin Fils les joies et les souffrances
de ceux qui viendront à l’avenir dans ce lieu sacré, pour que, selon la Liturgie de
la dédicace des églises, les pauvres puissent trouver miséricorde, les opprimés obtenir
la vraie liberté et tous les hommes se revêtir de la dignité d’enfants de Dieu. Amen.