RAPPORT AVANT LE DEBAT GENERAL DU RAPPORTEUR GENERAL, ANTONIOS NAGUIB, PATRIARCHE
D’ALEXANDRIE DES COPTES (REPUBLIQUE ARABE D'EGYPTE)
Très Saint-Père, Éminences, Béatitudes, Excellences, Frères Délégués des Églises
Sœurs et des Communautés Ecclésiales, Chers Sœurs et frères, invités et experts,
Je
remercie tout d’abord Sa Sainteté le Pape de m’avoir nommé à cette charge de Rapporteur
Général de l’Assemblée. C’est la première fois que j’assume une telle charge imposante.
Je tâcherai de l’accomplir de mon mieux, comptant sur l’aide du Seigneur et sur votre
indulgence.
Avant- Propos
Saint Luc rapporte dans les Actes que Jésus,
au moment de quitter les siens, leur donna cette consigne: «vous allez recevoir une
puissance, celle du Saint-Esprit qui viendra sur vous ; vous serez alors mes témoins
à Jérusalem, dans toute la Judée et la Samarie, et jusqu'aux extrémités de la terre»
(Ac 1, 8). Les Apôtres réalisèrent cette mission dès qu’ils reçurent le Saint-Esprit,
et se mirent à annoncer sans peur la Bonne Nouvelle de la vie, de la mort et de la
résurrection du Seigneur (cf. Ac 2, 32). Le fruit de la première annonce de Pierre
fut la conversion et le baptême d’environ trois mille personnes, de nombreux autres
suivirent. Leur vie se transforma radicalement. « La multitude des croyants n'avait
qu'un cœur et qu'une âme. Nul ne disait sien ce qui lui appartenait, mais entre eux
tout était commun. » (Ac 4, 32). Ce sont ces évènements fondateurs qui inspirèrent
le thème et les objectifs de notre Assemblée Spéciale pour le Moyen-Orient du Synode
des Évêques : Communion et témoignage, témoignage communautaire et personnel, émanant
d’une vie ancrée dans le Christ et vivifiée par l’Esprit Esprit. Cet exemple de l’Église
des Apôtres a toujours été le modèle de l’Église à travers les siècles. Notre Assemblée
synodale voudrait nous aider à revenir à cet idéal, pour une révision de vie qui nous
donne un nouvel élan et une nouvelle vitalité, qui nous purifient, nous renouvellent,
et nous fortifient. C’est de la main du Saint-Père personnellement que nous avons
reçu l’Instrumentum laboris de la présente Assemblée spéciale, au cours de sa visite
Apostolique à Chypre, exprimant par là son souci particulier pour nos Églises. La
Concélébration Eucharistique solennelle, présidée par Sa Sainteté hier matin est le
meilleur gage de la bénédiction divine de cette Assemblée. Assurés de ce soutien,
et comptant sur l’aide et l’accompagnement de la Sainte Vierge, nous entreprenons
nos travaux avec confiance.
Introduction
Nous avons tous accueilli
l’annonce de cette Assemblée Spéciale du Synode des Évêques avec beaucoup de joie,
d’enthousiasme, de gratitude et de ferveur. Nous y avons vu de la part du Saint-Père
l’accueil paternel et compréhensif d’un vœu qui nous était très cher, et le souci
particulier de l’Évêque de Rome pour nos Églises, en tant que Pasteur Suprême de l’Église
Catholique. Nous avions déjà senti cette attention spéciale dans plusieurs occasions,
et fréquemment dans les discours et les homélies de Sa Sainteté. Nous l’avons touchée
tout particulièrement dans ses Voyages Apostoliques en Turquie (2006), puis en Jordanie,
Israël et Palestine (2009), et tout récemment à Chypre (2010). Mais la présence actuelle
du Saint-Père au milieu de nous vient nous apporter l’amour, la solidarité, la prière
et le soutien du Successeur de Pierre, du Saint-Siège et de toute l’Église. Aussitôt
après que le Saint-Père annonça l’évènement, le 19 septembre 2009, la Secrétairerie
Générale du Synode des Évêques avec le Conseil pré-synodal pour le Moyen-Orient prépara
tout d’abord le texte des Lineamenta puis celui de l’Instrumentum laboris. Celui-ci
se base en premier lieu sur l’Écriture Sainte, et se réfère principalement aux documents
du Concile Œcuménique Vatican II, au Code des Canons des Églises Orientales, et au
Code de Droit Canonique. Une attention spéciale est accordée aussi aux dix Lettres
Pastorales du Conseil des Patriarches Catholiques d’Orient. Je crois que ce travail
fut mené à bonne fin, malgré la hâte imposée par le très peu de temps disponible. Je
considère utile d’indiquer les points suivants à approfondir lors de nos travaux,
en référence à l’Instrumentum laboris.
A. BUT DU SYNODE (3-6)
Le double
objectif du Synode fut bien perçu et apprécié par nos Églises :
1) Confirmer
et renforcer les chrétiens dans leur identité, grâce à la Parole de Dieu et aux Sacrements. 2)
Raviver la communion ecclésiale entre les Églises sui iuris, afin qu’elles puissent
offrir un témoignage de vie authentique et efficace. Dans notre contexte de vie, la
dimension œcuménique, le dialogue interreligieux, et l’aspect missionnaire font partie
intégrante de ce témoignage.
Le document insiste sur la nécessité et l’importance
que les Pères Synodaux fournissent aux chrétiens de nos pays les raisons de leur présence,
pour les confirmer dans leur mission d’être et de rester des témoins authentiques
du Christ ressuscité dans chacun de leurs pays. Au milieu des conditions de vie parfois
très difficiles, mais aussi promettantes, ils sont l’icône visible du Christ, l’incarnation
vivante de Son Église, et le canal actuel de l’action de l’Esprit Saint.
B.
RÉFLEXION GUIDÉE PAR l’ÉCRITURE SAINTE (7-12)
Nous nous sentons fiers d’appartenir
à des terres où des hommes inspirés par l’Esprit Saint ont écrit les Saints Livres
dans quelques-unes nos langues. Mais ceci nous impose aussi des obligations exigeantes.
L’Écriture Sainte doit être l’âme de notre vie religieuse et de notre témoignage,
et ceci communautairement ainsi qu’individuellement. La sainte Liturgie constitue
le centre et le point culminant de notre vie ecclésiale. Nous y célébrons et écoutons
régulièrement la Parole de Dieu. À la lumière de la Sainte Bible, lue, priée et méditée
en Église, en petit groupe, aussi bien que personnellement, nous devons chercher et
trouver les réponses au sens de notre présence, de notre communion et de notre témoignage,
adaptées au contexte et aux défis des circonstances toujours nouvelles.
Le
document attire l’attention sur l’insuffisance de répondre à la grande soif qu’ont
nos fidèles de la Parole de Dieu, de sa compréhension et de son implantation dans
leurs cœurs et dans leurs vies. Des initiatives adaptées et suffisantes devraient
être pensées, lancées, encouragées et soutenues, en utilisant aussi les médias modernes.
Les personnes qui, en vertu de leur vocation, sont en contact plus direct avec la
Parole de Dieu, sont tenues à un engagement de témoignage et d’intercession pour le
peuple de Dieu. La mémorisation de textes est toujours efficace et fructueuse. «
L’histoire du Salut » est à mettre en évidence dans l’exégèse et la présentation du
sens des Écritures. Elle révèle l’unique plan divin qui se réalise dans le temps,
dans un lien étroit entre l’Ancien et le Nouveau Testament, et trouve son centre et
son sommet dans le Christ. Étant le Livre de la communauté chrétienne, le texte biblique
ne peut être correctement interprété qu’en son sein. La Tradition et l’enseignement
de l’Église, surtout dans nos pays d’Orient, sont donc une référence incontournable
de la compréhension et de l’interprétation de la Bible. La Parole de Dieu est
la source de la théologie, de la morale, de la spiritualité et de la vitalité apostolique
et missionnaire. Elle illumine la vie, la transforme, la guide et l’affermit. Quelques
personnes ignorantes ou malintentionnées utilisent la Bible comme livre de recettes
ou de pratiques superstitieuses. À nous d’éduquer nos fidèles à ne pas y donner crédit.
La Parole de Dieu illumine aussi les choix communautaires et personnels, pour répondre
aux défis de la vie, inspirer le dialogue œcuménique et interreligieux, et orienter
l’engagement politique. Elle devrait donc être la référence des chrétiens dans l’éducation
et le témoignage. Elle aidera ainsi les hommes de bonne volonté à trouver des pistes
à leur recherche de Dieu.
I. L’ÉGLISE CATHOLIQUE AU MOYEN-ORIENT
A.
SITUATION DES CHRÉTIENS AU MOYEN-ORIENT
1. Bref regard historique : unité dans
la multiplicité (13-18)
La connaissance de l’histoire du christianisme au Moyen-Orient
est importante pour nous-mêmes, ainsi que pour le reste du monde chrétien. Sur ces
terres Dieu a choisi et guidé les Patriarches, Moïse et le peuple de l’Ancienne Alliance.
Il a parlé à travers des Prophètes, des juges, des rois, et des femmes de foi. En
la plénitude des temps, Jésus-Christ, le Sauveur, s’y incarna, vécut, choisit et forma
ses disciples, et y accomplit son œuvre de salut. L’Église de Jérusalem, née le jour
de la Pentecôte, fut la source de toutes les Églises particulières, qui continuèrent
et continuent à travers le temps l’œuvre du Christ, par l’action de l’Esprit Saint,
sous la guide du Pape, successeur de Pierre. Après des petits conflits au début
de sa marche, l’Église connut des divisions successives aux Conciles d’Éphèse (431),
et de Chalcédoine (451). Ainsi naquirent l’«Église apostolique assyrienne d’Orient»,
et les «Églises orthodoxes orientales» : copte, syriaque et arménienne. Au XI ème
siècle, il y eut la grande scission entre Constantinople et Rome. Ces divisions ont
eu lieu autour de questions théologiques, mais les motifs politico-culturels ont joué
le rôle principal. Les études historiques et théologiques ont la charge de mieux illustrer
ces périodes et évènements tragiques, pour aider au dialogue œcuménique. Fruits
amers du passé, toutes ces divisions existent aujourd’hui encore dans nos pays. Grâce
à Dieu que l’Esprit travaille les Églises pour que se réalise la prière du Christ
: « Qu’ils soient un en nous, eux aussi, afin que le monde croie que tu m’as envoyé
» (Jn 17, 21).
2. Apostolicité et vocation missionnaire (19-23)
Nos
Églises, bénies par la présence du Christ et des Apôtres, ont été le berceau du christianisme
et des premières générations chrétiennes. C’est pourquoi elles ont la vocation propre
d’y maintenir vive la mémoire des origines, de renforcer la foi de ses fidèles, et
de vivifier en eux l’esprit de l’Évangile, pour qu’il guide leur vie et leurs rapports
avec les autres, chrétiens et non chrétiens. D’origine apostolique, nos Églises
ont à leur tour la mission particulière de coopérer à l’annonce de l’Évangile. L’étude
de l’histoire missionnaire de nos Églises aiderait à stimuler cet élan évangélique,
qui avait caractérisé nos origines. « L’être missionnaire » est un devoir gratuit
qui s’impose à nous, en tant qu’Églises enracinées dans les origines, et en raison
de notre patrimoine si riche et si varié. Ce que nous avons reçu, nous avons à en
faire bénéficier ceux qui en sont privés. Nos Églises doivent s’appliquer à vivifier
en elles l’élan évangélique missionnaire. Cette ouverture à l’action de l’Esprit
nous aidera à partager avec nos très nombreux concitoyens la richesse de l’amour et
la lumière de l’espérance qui sont en nous (cf. Rm 5, 5). De fait « Nous sommes, au
milieu de la société où nous vivons, un signe de la présence de Dieu dans notre monde.
Cela nous invite à être ‘avec’, ‘dans’, et ‘pour’ la société où nous vivons. C’est
une requête essentielle de notre foi, de notre vocation et de notre mission ».[1]
« L’Église ne se mesure pas statistiquement par des chiffres, mais par la conscience
vive que ses fils ont de leur vocation et de leur mission ».[2] Pour assurer l’avenir
de nos Communautés, les Pasteurs doivent accorder une attention spéciale à la pastorale
des vocations, par des moyens adaptés et efficaces, surtout auprès des jeunes et des
familles. Grâce à Dieu, nos Églises ont des vocations, mais quelques diocèses ou éparchies
en manquent sérieusement. Peut-être devons nous commencer à vivre « l’être missionnaire
» entre nos éparchies/diocèses, et entre nos Églises de la région. L’exemple de prêtres,
de religieux et de religieuses, pieux, heureux, épanouis et unis, est le meilleur
moyen d’attirer les jeunes à la consécration totale à Dieu. Ce Synode pourrait être
l’occasion de réviser le style, les méthodes et les programmes dans les séminaires
et les maisons de formation. La coordination et l’entraide entre les congrégations,
les ordres religieux et les Évêques, aide à susciter des vocations. Il faudra trouver
aussi des moyens appropriés pour soutenir et renforcer les congrégations et les instituts
de vie consacrée. La vie contemplative doit être encouragée là où elle existe. Par
la prière, nous pouvons préparer le terrain à l’action de l’Esprit pour la susciter
là où elle n’existe pas. Les Ordres existant dans nos pays pourraient prendre l’initiative
d’établir des communautés dans d’autres lieux ou pays de la région.
3. Rôle
des chrétiens dans la société, malgré leur petit nombre (24-31)
Nos sociétés,
malgré leurs différences, ont des caractéristiques communes : l’attachement à la tradition,
le mode de vie traditionnelle, le confessionnalisme et la différentiation sur la base
de la religion. Ces facteurs peuvent rapprocher et unifier, mais aussi écarter et
diviser. Les chrétiens sont dans leurs pays des «citoyens natifs», membres de plein
droit de leur communauté civile. Ils sont chez eux, et souvent de très longue date.
Leur présence et leur participation à la vie du pays sont une richesse précieuse,
à protéger et à maintenir. Une laïcité positive permettrait à l’Église de donner un
apport efficace et fructueux, et aiderait à renforcer la citoyenneté de tous les membres
du pays, sur la base de l’égalité et de la démocratie.
Dans son action pastorale,
culturelle et sociale, l’Église a besoin de plus et de mieux utiliser la technologie
et les moyens modernes de communication. Des cadres spécialisés sont à former dans
ce but. Les chrétiens orientaux doivent s’engager pour le bien commun, dans tous ses
aspects, comme ils l’ont toujours fait. Ils peuvent aider à créer des conditions sociales
qui favorisent le développement de la personnalité et de la société, en collaboration
avec les efforts des autorités politiques. Malgré qu’ils soient des faibles minorités,
leur dynamisme est rayonnant et apprécié. Ils ont besoin d’être soutenus et encouragés
à maintenir cette attitude, même dans les circonstances difficiles. L’affermissement
de leur vie de foi, ainsi que du lien social et de la solidarité entre eux les aideraient
beaucoup, sans repli sur soi dans une attitude de ghetto. Par la présentation de
la Doctrine sociale de l’Église, nos communautés offrent un apport valable pour la
construction de la société. La promotion de la famille et la défense de la vie devraient
occuper une place principale dans l’enseignement, et la mission de nos Églises. L’éducation
est un domaine privilégié de notre action et un investissement majeur. Dans la mesure
du possible, nos écoles pourraient aider davantage les moins favorisés. Par ses activités
sociales, sanitaires, et caritatives, accessibles à tous les membres de la société,
elles collaborent visiblement au bien commun. Ceci est possible grâce à la générosité
des Églises locales, et la charité de l’Église universelle. Pour assurer sa crédibilité
évangélique, l’Église doit prendre les moyens pour garantir la transparence dans la
gestion de l’argent, en distinguant clairement ce qui lui appartient et ce qui est
propre au personnel de l’Église. Des structures appropriées sont requises en vue de
cela.
B.LES DÉFIS AUXQUELS SONT CONFRONTÉS LES CHRÉTIENS
1. Les conflits
politiques dans la région (32-35)
Les situations politico-sociales de nos pays
ont leur répercussion directe sur les chrétiens, qui en sentent plus fortement les
conséquences négatives. Dans les Territoires Palestiniens la vie est très difficile,
et parfois insoutenable. La position des chrétiens arabes est très délicate. Tout
en condamnant la violence d’où elle vient, et en appelant à une solution juste et
durable du conflit israélo-palestinien, nous exprimons notre solidarité avec le peuple
palestinien, dont la situation actuelle favorise le fondamentalisme. L’écoute de la
voix des chrétiens du lieu pourra mieux aider à comprendre la situation. Le statut
de Jérusalem devrait tenir compte de son importance pour les trois religions : chrétienne,
musulmane et juive. Il est regrettable que la politique mondiale ne tienne pas
suffisamment compte de la tragique situation des chrétiens de l’Irak, qui sont la
principale victime de la guerre et de ses suites. Au Liban, une majeure unité entre
les chrétiens aiderait à assurer une majeure stabilité dans le pays. En Égypte, les
Églises gagneraient beaucoup à coordonner leurs efforts en vue d’affermir leurs fidèles
dans la foi, et de réaliser des œuvres communes pour le bien du pays. Selon les possibilités
disponibles dans chaque pays, les chrétiens ont à favoriser la démocratie, la justice
et la paix, et la laïcité positive dans la distinction entre religion et État, et
le respect de chaque religion. Une attitude d’engagement positif dans la société est
la réponse constructive et pour la société et pour l’Église.
2. Liberté de
religion et de conscience (36-40)
Les droits humains sont la base qui garantit
le bien de la personne humaine intégrale, critère de tout système politique. Ceci
découle de l’ordre de la création elle-même. Celui qui ne respecte pas la créature
de Dieu selon l’ordre établi par Lui, ne respecte pas le Créateur. La promotion des
droits humains ont besoin de paix, justice et stabilité.
La liberté religieuse
est une composante essentielle des droits de l’homme. La liberté de culte n’est qu’un
aspect de la liberté religieuse. Dans la plupart de nos pays, elle est garantie par
les constitutions. Mais même là, dans quelques pays, certaines lois ou pratiques en
limitent l’application. L’autre aspect est la liberté de conscience, basée sur le
libre choix de la personne. Son absence entrave le choix libre de ceux qui auraient
voulu adhérer à l’Évangile, qui craignent aussi des mesures de vexation pour eux-mêmes
et pour leurs familles. Elle ne peut exister et se développer que dans la mesure de
la croissance du respect des droits de l’homme dans leur totalité et leur intégralité.
L’éducation dans ce sens est un apport précieux au progrès culturel du pays, pour
plus de justice et d’égalité devant le droit. L’Église catholique condamne fermement
tout prosélytisme. Il serait bon de discuter sereinement ces questions dans les structures
et les instances de dialogue, principalement à l’intérieur de chaque pays. Les nombreux
instituts d’éducation dont disposent nos Églises sont un moyen privilégié pour favoriser
cette éducation. Les centres hospitaliers et de services sociaux constituent eux aussi
un témoignage éloquent de l’amour du prochain, sans distinction ni discrimination
aucune. La valorisation des journées, des évènements et des célébrations locales et
internationales dédiés à ces thèmes, aident à diffuser et à renforcer cette culture.
Les mass-médias sont à utiliser pour propager cet esprit.
3. Les chrétiens
et l’évolution de l’Islam contemporain (41-42)
À partir des années 1970, nous
constatons dans la région la montée de l’Islam politique, qui comprend différents
courants religieux. Il affecte la situation des chrétiens, surtout dans le monde arabe.
Il veut imposer un mode de vie islamique à tous les citoyens, quelques fois par la
violence. Il constitue donc une menace pour tous, et nous devons ensemble affronter
ces courants extrémistes.
4. L’émigration (43-48)
L’émigration au Moyen-Orient
commença vers la fin du XIXème siècle, pour des causes politiques et économiques.
Les conflits religieux ont été déterminants dans quelques périodes tragiques. Actuellement
l’émigration s’est accentuée dans nos pays. Les causes principales sont le conflit
israélo-palestinien, la guerre de l’Irak, les situations politiques et économiques,
la montée du fondamentalisme musulman, et la restriction des libertés et de l’égalité.
Les jeunes, les personnes instruites, et les gens aisés, sont les plus nombreux à
partir, privant l’Église et le pays des ressources les plus valables. Il revient
aux responsables politiques d’affermir la paix, la démocratie et le développement,
pour favoriser un climat de stabilité et de confiance. Les chrétiens, avec toutes
les personnes de bonne volonté, sont appelés à s’engager positivement à la réalisation
de cet objectif. Une plus grande sensibilisation des Instances internationales au
devoir de contribuer au développement de nos pays aiderait beaucoup dans cette ligne.
Les Églises particulières d’Occident pourraient avoir leur influence bénéfique et
efficace dans cette action. Les Pasteurs devraient rendre les fidèles plus conscients
de leur rôle historique. Ils sont porteurs du message du Christ à leur pays, même
dans les difficultés et les persécutions. Leur absence effectuerait gravement l’avenir.
Il est important d’éviter tout discours défaitiste, ou d’encourager l’émigration comme
option préférentielle. D’autre part, l’émigration constitue un soutien notable
aux pays et aux Églises. L’Église du pays d’origine doit trouver les moyens de maintenir
des liens étroits avec ses fidèles émigrés, et assurer leur assistance spirituelle.
Il est indispensable d’assurer la Liturgie, dans leur rite, aux fidèles des Églises
orientales qui se trouvent dans un territoire latin. La liquidation des propriétés
dans la patrie est fortement regrettable. La conservation ou l’acquisition de biens
fonciers encouragerait à y retourner. Les communautés de la Diaspora ont le rôle d’encourager
et de consolider la présence chrétienne en Orient, en vue de renforcer son témoignage
et de soutenir ses causes, pour le bien du pays. Une pastorale appropriée doit prendre
soin de l’émigration à l’intérieur du pays.
5. L’immigration chrétienne internationale
au Moyen-Orient (49-50)
Les pays du Moyen-Orient connaissent un nouveau phénomène
important : l’accueil de très nombreux travailleurs immigrés Africains et Asiatiques,
dont la majorité sont des femmes. Souvent ils sont affrontés à des situations d’injustice
et d’abus, et d’infractions aux lois et aux conventions internationales. Nos Églises
doivent faire un effort plus important pour les aider, par l’accueil et par l’accompagnement
religieux et social. Ils ont besoin d’une pastorale appropriée, dans une action coordonnée
entre les Évêques, les Congrégations religieuses, et les Organisations sociales et
de bienfaisance.
C. RÉPONSES DES CHRÉTIENS DANS LEUR VIE QUOTIDIENNE (51-53)
Le témoignage chrétien à tous les niveaux est la réponse principale dans les
circonstances où ils vivent. Dès les origines, la vie monastique y occupe une place
importante. La vie contemplative orante a aussi sa mission d’intercession pour l’Église
et la société. Le perfectionnement du témoignage chrétien, en suivant toujours
plus Jésus-Christ, est une exigence requise à tous les niveaux : clergé ; Ordres,
Congrégations, Instituts et Sociétés de vie apostolique ; aussi bien que laïcs, selon
la vocation propre à chacun. La formation du clergé et des fidèles, les homélies,
et la catéchèse doivent approfondir et renforcer le sens de la foi, et la conscience
du rôle et de la mission dans la société, comme traduction et témoignage de cette
foi. Un renouveau ecclésial est à réaliser : conversion et purification, approfondissement
spirituel, détermination des priorités de la vie et de la mission. Un effort spécial
doit être accordé à découvrir et à former les ‘cadres’ nécessaires à tous les niveaux.
Ils doivent être un modèle de témoignage, pour soutenir et encourager leurs frères
et sœurs surtout dans les temps difficiles. Il est opportun aussi de former des cadres
pour la présentation du Christianisme, soit aux chrétiens peu en contact avec l’Église
ou loin d’elle, soit aux non-chrétiens. La qualité des cadres est plus importante
que le nombre. La formation permanente est indispensable. Une attention particulière
doit être accordée aux jeunes, force du présent et espérance de l’avenir. Les chrétiens
doivent être encouragés à s’engager dans les institutions publiques pour la construction
de la cité.
II. LA COMMUNION ECCLÉSIALE
La diversité dans l’Église Catholique,
loin de nuire à son unité, la met en valeur. Le mystère de la Sainte Trinité est le
fondement de la communion chrétienne. L’Église est mystère et sacrement de communion.
L’amour est au centre de cette réalité : « Voici mon commandement: aimez-vous les
uns les autres comme je vous ai aimés » (Jn 15, 12). Confrontés continuellement aux
défis du pluralisme, nous sommes appelés à une conversion constante pour passer de
la mentalité du confessionnalisme à un sens authentique d’Église.
A. COMMUNION
DANS L’ÉGLISE CATHOLIQUE ET ENTRE LES DIVERSES ÉGLISES (55-56)
Les signes principaux
qui manifestent la communion dans l’Église catholique sont : le Baptême, l’Eucharistie,
et la communion avec l’Évêque de Rome, Coryphée des Apôtres (hâmat ar-Rusul). Le C.C.E.O.
réglemente les aspects canoniques de cette communion, accompagnée et assistée par
la Congrégation pour les Églises Orientales et les divers Dicastères romains.
Entre les Églises catholiques au Moyen-Orient, la communion est manifestée par
le Conseil des Patriarches Catholiques d’Orient (C.P.C.O.). Leurs lettres pastorales
sont des documents de grande valeur et de grande actualité. Dans chaque pays, la communion
est renforcée par l’Assemblée des Patriarches et des Évêques ou par la Conférence
épiscopale. Dans un esprit de fraternité et de coopération, elle étudie les problèmes
communs, donne des directives pour affermir le témoignage chrétien, et coordonne les
actions pastorales. Il est souhaitable qu’une Assemblée régionale rassemble l’Épiscopat
du Moyen-Orient, à un rythme périodique à déterminer par le Conseil des Patriarches
Catholiques d’Orient. Même si les Églises sui iuris sont ouvertes à tous les fidèles
catholiques, il faut cependant soigneusement éviter de les éloigner de leur Église
d’origine. Il est opportun de souligner aussi les relations entre nos Églises d’Orient
et l’Église de la tradition latine (« Église d’Occident »). Nous avons besoin les
uns des autres. Nous avons besoin de leur prière, de leur solidarité, et de leur longue
et riche expérience spirituelle, théologique et culturelle. Eux aussi ont besoin de
nos prières, de notre exemple de fidélité à notre riche et varié patrimoine des origines,
et à notre unité dans la variété et la multiplicité. « Le trésor antique et vivant
des traditions des Églises orientales enrichit l’Église universelle, et ne devrait
jamais être compris comme des réalités à préserver seulement »[3] La communion entre
Églises ne signifie point uniformité, mais amour réciproque et échange de dons.
B.
COMMUNION ENTRE ÉVÊQUYES, CLERGÉ ET FIDÈLES (57-62)
Dans une même Église, la
communion se réalise sur le modèle de la communion avec l’Église universelle et l’Évêque
de Rome. Dans l’Église Patriarcale, elle s’exprime par le Synode des Évêques autour
du Patriarche, Père et Chef de son Église. Dans l’Éparchie, elle se fait autour de
l’Évêque, qui doit veiller à l’harmonie de l’ensemble. Des structures de travail d’ensemble
et de coordination pastorale aideront à renforcer la communion. Elle ne peut se réaliser
que sur la base des moyens spirituels, notamment la prière, l'Eucharistie, et la Parole
de Dieu. Les Pasteurs, les personnes consacrées, les animateurs et responsables diocésains
et paroissiaux, ont la lourde responsabilité d’être exemple et modèle pour les autres.
Ce Synode nous donne l’occasion d’une sérieuse révision de vie, en vue d’une conversion
effective. Son thème est éclairé par le modèle de la communauté chrétienne primitive
: « La multitude des croyants n’avaient qu’un cœur et qu’une âme ». La participation
des fidèles laïcs à la vie et à la mission de l’Église est un postulat indispensable
de la communion. Les structures apparentes peuvent masquer une passivité, ou un rôle
purement exécutif. Les laïcs devraient effectivement participer dans la réflexion,
la décision et l’exécution. En union avec les Pasteurs, leurs initiatives pastorales
valables et positives sont à encourager, ainsi que leur engagement dans la société.
La place et le rôle de la femme, religieuse et laïque, dans l’Église sont à valoriser
et à élargir. Les Conseils pastoraux, paroissiaux, diocésains, et nationaux, doivent
être valorisés. Les Associations et Mouvements internationaux doivent davantage s’adapter
à la mentalité, aux traditions, à la culture et à la langue de l’Église et du pays
qui les accueillent, et œuvrer en étroite coordination avec l’Évêque du lieu. L’intégration
dans la tradition orientale est grandement recommandable. Ceci s’applique aussi aux
Congrégations religieuses d’origine occidentale.
III. LE TÉMOIGNAGE CHRÉTIEN
A.
TÉMOIGNER DANS L’ÉGLISE : LA CATÉCHÈSE
1. Une catéchèse pour aujourd’hui, par
des fidèles bien préparés (62-64)
Être chrétiens signifie être témoins du Christ,
vivifiés et guidés par l’Esprit Saint. L’Église existe pour rendre témoignage à son
Seigneur. C’est son annonce principale. Ce témoignage se transmet à travers l’exemple,
les œuvres, et la catéchèse, surtout l’initiation à la foi et aux sacrements. Elle
doit s’adresser à tous les groupes d’âge, les enfants, les jeunes et les adultes.
Après une bonne préparation, des jeunes peuvent être de bons catéchistes pour les
autres jeunes. Des parents bien préparés participeront à l’activité catéchétique dans
la famille et dans la paroisse. Les écoles catholiques, les associations et les mouvements
apostoliques sont des lieux privilégiés pour l’enseignement de la foi. La présence
et l’assistance d’un directeur spirituel auprès des jeunes, et des autres groupes
d’âge, sont une aide précieuse à la formation religieuse, favorisant l’application
de la foi à la vie concrète. Dans les paroisses, les institutions éducatives et culturelles,
la formation religieuse aura une place opportune, et tiendra compte des véritables
problèmes et défis actuels. Il faudra assurer une bonne formation des éducateurs de
la foi. Sans le témoignage de leur vie, l’action des catéchistes restera stérile.
Ils sont avant tout des témoins de l’Évangile. La catéchèse doit aussi promouvoir
les valeurs morales et sociales, le respect de l’autre, la culture de la paix et de
la non-violence, ainsi que l’engagement pour la justice et l’environnement. La Doctrine
Sociale de l’Église, peu présente, est partie intégrante de la formation de la foi.
2. Méthodes de catéchèse (65-69)
L’action catéchétique ne peut pas
se limiter aujourd’hui à la seule transmission orale. Les moyens actifs sont indispensables.
Les enfants et les jeunes aiment l’action en groupes : liturgiques, sportifs, chorales,
scouts, et autres. Ils seraient à former là où ils n’existent pas. Mais il faut se
garder qu’elles ne se transforment en simple activité sociale, privée d’espace pour
la formation de la foi. Les nouveaux médias sont très efficaces pour annoncer l’Évangile
et en témoigner. Nos Églises ont besoin de personnes spécialisées dans ces domaines.
Peut-être pourrions-nous aider les plus doués à s’y former, et les engager ensuite
dans ce travail. Au Liban, «La Voix de la Charité» (Sawt al-Mahabba), et surtout TéléLumière/Noursat,
rendent un grand service aux chrétiens de notre région, et arrivent aux autres continents.
D’autres pays ont entrepris des initiatives semblables. Tous ont besoin de soutien
et d’encouragement. La catéchèse doit prendre en considération le contexte conflictuel
des pays de la région. Elle doit affermir les fidèles dans la foi, et les former à
vivre le commandement de l’amour, et à être artisans de paix, de justice et de pardon.
L’engagement dans la vie publique est un devoir qu’imposent le témoignage et la mission
d’édifier le Royaume de Dieu. Tout ceci requiert la formation à dépasser le confessionnalisme,
le sectarisme, et les hostilités internes, pour voir le visage de Dieu dans chaque
personne, et collaborer ensemble à construire un avenir de paix, de stabilité et de
bien-être.
B. UNE LITURGIE RENOUVELÉE ET FIDÈLE À LA TRADITION (70-75)
La
liturgie « est le sommet vers lequel tend l’action de l’Église, et en même temps la
source d’où découle toute sa vertu ».[4] Dans nos Églises orientales, la Divine Liturgie
est au centre de la vie religieuse. Elle joue un rôle important à garder l’identité
chrétienne, à renforcer l’appartenance à l’Église, à vivifier la vie de foi, et à
susciter l’attention de ceux qui sont loin, et même de ceux qui ne croient pas. Elle
constitue donc une annonce et un témoignage importants d’une Église qui prie, et non
seulement qui agit. Le renouvellement de la liturgie est beaucoup désiré. Tout
en restant enraciné dans la tradition, il tiendra compte de la sensibilité moderne,
et des besoins spirituels et pastoraux actuels. Une commission d’experts est nécessaire
pour un travail de réforme liturgique. Il s’avère aussi nécessaire d’adapter les textes
liturgiques dans les célébrations des enfants et des jeunes, en s’inspirant toujours
du patrimoine propre. Un groupe interdisciplinaire d’experts est nécessaire pour ce
travail. Le renouvellement liturgique est demandé aussi pour les prières dévotionnelles.
Dans tout ce travail d’adaptation et de réforme, il faudra tenir compte de la dimension
œcuménique. L’épineux problème de la communicatio in sacris nécessite une étude spéciale.
C. L’ŒCUMÉNISME (76-84)
« Qu’ils soient un afin que le monde croit
» (Jn 17, 21). Cette prière du Christ doit être continuée par Ses disciples en tout
temps. La division des chrétiens s’oppose à la volonté du Christ, constitue un scandale,
et fait obstacle à l’annonce et au témoignage. La mission et l’œcuménisme sont étroitement
liés. Les Églises catholiques et orthodoxes ont beaucoup en commun, au point que les
Papes Paul VI, Jean-Paul II et Benoît XVI parlent de ‘communion à peu près complète’.
Ceci est à mettre en relief plus que les différences. Le Baptême est le fondement
des rapports avec les autres Églises et Communautés ecclésiales, rendant possibles
et nécessaires de nombreuses actions et initiatives communes. L’enseignement religieux
doit englober expressément l’œcuménisme. Toute action ou publication offensive ou
troublante devrait être soigneusement évitée. Un effort sincère est nécessaire
pour surmonter les préjugés, mieux se comprendre, et viser la plénitude de communion
dans la foi, les sacrements et le service hiérarchique. Ce dialogue se déroule à plusieurs
niveaux. Au niveau officiel, le Saint-Siège entreprend des initiatives avec toutes
les Églises d’Orient. Les Églises orientales catholiques y sont représentées. Une
forme nouvelle d’exercice de la primauté, sans renoncement à l’essentiel de la mission
de l’Évêque de Rome, est à trouver.[5] Il est souhaitable d’établir des commissions
locales de dialogue œcuménique. L’étude de l’histoire des Églises orientales catholiques,
tout comme celle de l’Église de tradition latine, permettrait de clarifier le contexte,
la mentalité, et les perspectives liées à leur naissance. L’action œcuménique nécessite
des comportements adéquats : la prière, la conversion, la sanctification, et l’échange
réciproque des dons, dans un esprit de respect, d’amitié, de charité mutuelle, de
solidarité et de collaboration. Ces attitudes sont à cultiver et à encourager, par
l’enseignement et les différents médias. Le dialogue est un moyen essentiel de l’œcuménisme.
Il requiert une attitude positive de compréhension, d’écoute, et d’ouverture à l’autre.
Ceci aidera à surmonter les méfiances, et à travailler ensemble pour développer les
valeurs religieuses, et collaborer aux projets d’utilité sociale. Les problèmes communs
doivent être abordés ensemble.
Nous avons à renforcer aussi les initiatives
et les structures qui expriment et soutiennent l’unité, comme le Conseil des Églises
du Moyen-Orient, et la Semaine de prière pour l’unité des chrétien. La ‘purification
de la mémoire’ est un pas important dans la recherche de la pleine unité. La collaboration
et la coopération dans les études bibliques, théologiques, patristiques et culturelles,
favorisent l’esprit de dialogue. Une action commune pourrait avoir lieu pour la formation
d’experts en médias dans les langues locales. Dans l’annonce et la mission, on évitera
soigneusement tout prosélytisme, et tout moyen opposé à l’Évangile. Un effort est
à faire pour l’unification des fêtes de Noël et de Pâques.
D. RAPPORTS AVEC
LE JUDAÏSME
1. Vatican II : Fondement théologique du lien avec le judaïsme
(85-87)
La déclaration ‘Nostra aetate’ du Concile Vatican II traite spécifiquement
du rapport entre l’Église et les religions non chrétiennes. Le judaïsme y occupe une
place de choix. Ce document s’inscrit dans le contexte de deux constitutions dogmatiques
: la ‘Lumen gentium’ sur l’Église, et la ‘Dei Verbum’ sur la révélation. La première
affirme que le Peuple de l’Ancien Testament reçut les alliances et les promesses,
et que le Christ est issu, selon la chair, de ce peuple, qui continue dans celui de
la Nouvelle Alliance, et énonce les préfigurations vétérotestamentaires de l’Église.
La seconde constitution considère l’Ancien Testament comme une préparation à l’Évangile,
et une partie intégrante de l’histoire du Salut.
2. Magistère actuel de l’Église
(88-89)
Sur la base de ces principes théologiques, des initiatives de dialogue
ont eu lieu, au niveau du Saint-Siège et des Églises locales. Le conflit israélo-palestinien
a ses répercussions sur les rapports entre Chrétiens et Juifs. A plusieurs reprises,
le Saint-Siège a clairement exprimé sa position, surtout à l’occasion de la visite
de S.S. le Pape Benoît XVI en Terre Sainte en 2009. Aux Palestiniens, Il affirmé
leur droit à une patrie souveraine, sûre et en paix avec ses voisins, à l’intérieur
de frontières reconnues internationalement.[6] Puis à Jérusalem , on a même déclaré
« La ville est appelée la mère de tous les hommes. Une mère peut avoir de nombreux
enfants, qu’elle doit rassembler et non pas diviser ».[7] Aux Israéliens, il a souhaité
que les deux peuples puissent vivre en paix, chacun dans sa patrie, avec des frontières
sûres, internationalement reconnues.[8] Au chef de l’État d’Israël, il a dit « la
question de la sécurité durable repose sur la confiance, elle s’alimente aux sources
de la justice et de la probité, et elle est scellée par la conversion des cœurs ».[9]
3.
Désir et difficulté du dialogue avec le judaïsme (90-94)
Nos Églises refusent
l’antisémitisme et l’antijudaïsme. Les difficultés des rapports entre les peuples
arabes et le peuple juif sont plutôt dues à la situation politique conflictuelle.
Nous distinguons entre la réalité religieuse et la réalité politique. Les chrétiens
ont la mission d’être des artisans de réconciliation et de paix, basées sur la justice
pour les deux parties. Des initiatives pastorales locales de dialogue avec le judaïsme
ont lieu, par exemple la prière en commun principalement à partir des Psaumes, et
la lecture et la méditation de textes bibliques.
Ceci crée de bonnes dispositions,
pour invoquer ensemble la paix, la réconciliation, le pardon mutuel, et les bons rapports.
Un problème surgit quand on soumet certains versets de la Bible à des interprétations
tendancieuses, justifiant ou favorisant la violence. La lecture de l’Ancien Testament,
et l’approfondissement des traditions du judaïsme aident à mieux connaître la religion
juive. Elles offrent un terrain commun d’études sérieuses, et aident à mieux connaître
le Nouveau Testament et les Traditions orientales. D’autres possibilités de collaboration
se présentent dans la réalité actuelle.
E. RAPPORTS AVEC LES MUSULMANS (95-99)
La
Déclaration ‘Nostra aetate’ du Concile Vatican II pose aussi le fondement des rapports
de l’Église catholique avec les musulmans. On y lit : « L’Église regarde aussi avec
estime les musulmans qui adorent le Dieu un, vivant et subsistant, miséricordieux
et tout-puissant, créateur du ciel et de la terre, qui a parlé aux hommes ».[10] Après
le Concile, de nombreuses rencontres ont eu lieu entre les représentants des deux
religions. Au début de son pontificat, le Pape Benoît XVI déclara : « Le dialogue
interreligieux et interculturel entre chrétiens et musulmans ne peut pas se réduire
à un choix passager. C'est en effet une nécessité vitale, dont dépend en grande partie
notre avenir ».[11] Plus tard le Saint-Père visita la Mosquée Bleue d’Istanbul,
Turquie (30.05.2006), et celle de Al-Hussein Bin Talal à Amman, Jordanie (11.05.2009).
Le Conseil Pontifical pour le Dialogue Interreligieux entretient des rencontres de
dialogue d’importance capitale. On recommande la création de commissions locales de
dialogue interreligieux. Il est nécessaire de donner la première place au dialogue
de vie, qui offre l’exemple d’un témoignage silencieux éloquent, et qui parfois est
l’unique moyen de proclamer le Royaume de Dieu. Seuls les chrétiens qui offrent un
témoignage de foi authentique, sont qualifiés pour un dialogue interreligieux crédible.
Nous avons besoin d’éduquer nos fidèles au dialogue. Les raisons de tisser des
rapports entre chrétiens et musulmans sont multiples. Tous sont concitoyens, partagent
la même langue et la même culture, ainsi que les joies et les souffrances. En outre,
les chrétiens ont la mission de vivre comme témoins du Christ dans leurs sociétés.
Dès sa naissance, l’Islam trouva des racines communes avec le Christianisme et le
Judaïsme, comme le Saint-Père le mentionna.[12] La littérature arabo-chrétienne doit
être mise davantage en valeur. L’Islam n’est pas uniforme, il présente une diversité
confessionnelle, culturelle et idéologique. Des difficultés dans les relations entre
chrétiens et musulmans surgissent du fait qu’en général les musulmans ne distinguent
pas entre religion et politique. D’où le malaise des chrétiens de se sentir en situation
de non-citoyens, bien qu’ils soient chez eux dans leurs pays bien avant l’Islam. Nous
avons besoin d’une reconnaissance, qui passe de la tolérance à la justice et à l’égalité,
basées sur la citoyenneté, la liberté religieuse et les droits de l’homme. C’est la
base et le garant d’une bonne coexistence. Les chrétiens tiendront à s’enraciner
toujours mieux dans leurs sociétés, et à ne pas céder à la tentation du repli sur
soi en tant que minorité. Ils ont à travailler ensemble pour la promotion de la justice,
la paix, la liberté, les droits de l’homme, l’environnement, et les valeurs de la
vie et de la famille. Les problématiques socio-politiques sont à aborder, non comme
des droits à réclamer pour les chrétiens, mais comme des droits universels, que les
chrétiens et les musulmans défendent ensemble pour le bien de tous. Nous avons à sortir
de la logique de défense des droits des chrétiens, pour nous engager pour le bien
de tous. Les jeunes auront à cœur d’entreprendre des actions communes dans ces perspectives.
Il est nécessaire de purifier les livres scolaires de tout préjugé sur l’autre,
et de toute offense ou défiguration. On cherchera plutôt de comprendre le point de
vue de l’autre, tout en respectant les croyances et les pratiques différentes. On
mettra en valeur les espaces communs, notamment au niveau spirituel et moral. La Sainte
Vierge Marie est un point de rencontre de grande importance. La récente déclaration
de l’Annonciation comme fête nationale au Liban est un exemple encourageant. La religion
est constructrice d’unité et d’harmonie, et une expression de communion entre les
personnes et avec Dieu.
F. LE TÉMOIGNAGE DANS LA CITÉ (100-117)
Tous
les citoyens de nos pays doivent affronter ensemble deux défis principaux : la paix
et la violence. Les situations de guerres et de conflits que nous vivons génèrent
la violence et sont exploitées par le terrorisme mondial. L’Occident est identifié
avec le Christianisme, et on attribue les choix de ses États à l’Église. Tandis qu’aujourd’hui
ses gouvernements sont laïcs, et de plus en plus opposés aux principes de la foi chrétienne.
Il est important d’expliquer cette réalité, et le sens d’une laïcité positive, qui
distingue le politique du religieux. Dans ce contexte, le chrétien a le devoir
et la mission de présenter et de vivre les valeurs évangéliques. Il doit aussi apporter
la parole de vérité (qawl al-haqq) devant les injustices et la violence. La pédagogie
de la paix est la seule réaliste, car la violence n’a porté qu’échecs et désastres.
Être artisans de paix exige beaucoup de courage. La prière pour la paix est indispensable,
car elle est avant tout un don de Dieu.
1. Ambiguïté de la modernité (103-105)
Dans
nos sociétés, l’influence de la modernisation, de la globalisation et du laïcisme
ont leur répercussion sur nos chrétiens. Toutes nos sociétés sont envahies par la
modernité, surtout par les chaînes mondiales de la TV et l’internet. Elle apporte
de nouvelles valeurs, mais en fait perdre d’autres. Elle est une réalité ambiguë.
D’une part, elle attire par ses promesses du bien-être, de la libération des traditions,
de l’égalité, de la défense des droits de l’homme, et de la protection des faibles.
D’autre part, beaucoup de musulmans y voient un visage athée et immoral, une invasion
de cultures troublantes et menaçantes, à tel point que certains la combattent de toutes
leurs forces. Pour les chrétiens aussi, la modernité constitue un risque, et apporte
la menace du matérialisme, de l’athéisme pratique, du relativisme et de l’indifférentisme,
menaçant nos familles, nos sociétés, et nos Églises. Dans nos instituts d’éducation,
ainsi que par les médias, nous avons à former des personnes capables de discernement,
pour ne choisir que le meilleur. Il nous faut rappeler la place de Dieu dans la vie
personnelle, familiale, ecclésiale et civile, et prier davantage.
2. Musulmans
et chrétiens doivent parcourir ensemble le chemin commun (106-110)
De là le
devoir que nous avons tous, musulmans et chrétiens, comme citoyens, d’agir ensemble
pour le bien commun. En outre, les chrétiens sont motivés aussi par leur mission de
contribuer à édifier une société plus conforme aux valeurs de l’Évangile, surtout
la justice, la paix et l’amour. En cela nous suivront l’exemple et les traces des
générations de chrétiens, qui ont joué un rôle essentiel dans la construction de leurs
sociétés. Beaucoup ont été des pionniers de la renaissance de la culture et de la
nation arabe. Aujourd’hui aussi, malgré leur nombre limité, leur rôle est reconnu
et apprécié, surtout dans les domaines de l’éducation, la culture, et la promotion
sociale. Il faudra encourager nos laïcs à s’engager toujours plus dans la société.
L’égalité des citoyens est affirmée dans toutes les Constitutions. Mais, dans
les États à majorité musulmane, à part quelques exceptions, l’Islam est la religion
d’État, et la sharia est la source principale de la législation. Dans quelques pays
ou parties de pays, elle est appliquée à tous les citoyens. Pour le statut personnel,
quelques pays accordent aux non musulmans des statuts particuliers, et reconnaissent
leurs tribunaux dans ce domaine. D’autres confient aux tribunaux ordinaires l’application
des statuts particuliers des non musulmans. La liberté de culte est reconnue, mais
pas la liberté de conscience. Avec l’intégrisme montant, les attaques contre les chrétiens
augmentent.
G. CONTRIBUTION SPÉCIFIQUE ET IRREMPLAÇABLE DU CHRÉTIEN (111-117)
La contribution spécifique du chrétien à sa société est irremplaçable. Par
son témoignage et son action, il l’enrichit des valeurs que le Christ a apportées
à l’humanité. Beaucoup de ces valeurs sont communs avec ceux des musulmans, d’où la
possibilité et l’intérêt de les promouvoir ensemble. La catéchèse doit former des
croyants qui soient des citoyens actifs. L’engagement social et politique dépourvu
des valeurs de l’Évangile est un contre-témoignage. Au milieu du conflit israélo-palestinien,
le chrétien peut et doit apporter sa contribution spécifique pour la justice et la
paix, dénonçant toute violence, encouragent le dialogue, et appelant à la réconciliation,
basée sur le pardon réciproque par la force de l’Esprit Saint. C’est l’unique voie
pour créer une réalité nouvelle. L’apport chrétien peut encourager les responsables
politiques à s’y décider. Le chrétien a aussi la mission de soutenir ceux qui souffrent
à cause des situations conflictuelles, et les aider à ouvrir leur cœur à l’action
de l’Esprit. L’application de ces principes varie selon la situation de chaque
pays. Il est primordial d’éduquer les chrétiens à contribuer au bien commun, comme
un devoir sacré. Ils travailleront avec les autres pour la paix, le développement,
et l’harmonie des relations. Ils s’efforceront de promouvoir la liberté, la responsabilité,
et la citoyenneté, pour que le sujet soit respecté pour lui-même, et non en fonction
de son appartenance confessionnelle ou sociale. Ils exigeront aussi, avec des moyens
pacifiques, la reconnaissance et le respect de leurs droits. L’amour gratuit pour
l’homme est notre plus important témoignage dans la société. Nous l’exprimons et le
vivons dans nos instituts éducatifs, médicaux, sociaux, et caritatifs, par l’accueil
et le service accordés à tout le monde sans distinction. Le service des autres est
l’élément marqueur de notre identité de chrétiens, et non l’appartenance confessionnelle.
Notre tâche primordiale est de vivre la foi, laisser parler nos actions, vivre la
vérité, et la proclamer dans la charité, avec courage, et pratiquer la solidarité
dans nos institutions. Nous devons vivre une foi adulte, non superficielle, soutenue
et vivifiée par la prière. Notre crédibilité exige la concorde au sein de l’Église,
la promotion de l’unité parmi les chrétiens, une vie religieuse convaincue et traduite
dans la vie. Ce témoignage éloquent demande une éducation et un accompagnement permanents,
avec les enfants, les jeunes, et les adultes.
CONCLUSION
QUEL AVENIR
POUR LES CHRÉTIENS DU MOYEN-ORIENT ? « NE CRAINS PAS, PETIT TROUPEAU! »
A.
QUEL AVENIR POUR LES CHRÉTIENS DU MOYEN-ORIENT ? (118-119)
Les contextes actuels
sont source de difficultés et de soucis. Animés par l’Esprit Saint et guidés par l’Évangile,
nous les affrontons dans l’espérance, et la confiance filiale dans la Divine Providence.
Nous sommes aujourd’hui un ‘petit reste’, mais notre comportement et notre témoignage
peuvent faire de nous une présence qui compte. Les conflits et les problèmes locaux,
ainsi que la politique internationale, ont généré dans la région le déséquilibre,
la violence, et la fuite vers d’autres terres. C’est un motif majeur d’assumer notre
vocation et notre mission de témoignage, au service de la société. Face à la tentation
du découragement, nous devons nous souvenir que nous sommes des disciples du Christ
ressuscité, vainqueur du péché et de la mort. Il nous répète : « Ne crains pas petit
troupeau » (Lc 12, 32). Par Lui, avec Lui, et pour Lui, nous avons un avenir ! À nous
de le prendre en main, en collaboration avec les hommes de bonne volonté, pour la
vitalité de nos Églises, et la croissance de nos pays, dans la justice, la paix et
l’égalité. « Ce n’est pas un esprit de peur que Dieu nous a donné, mais un esprit
de force, d’amour et de maîtrise de soi » (2 Tim 1, 7). Nous sommes guidés par notre
foi en la vocation que le Seigneur nous a confiée, sachant que Lui-même est engagé
avec nous, pour être des artisans de paix, et créer une culture de paix et d’amour.
B.
L’ESPÉRANCE (120-123)
Le Christ, né dans la Terre Sainte, a apporté la seule
vraie espérance à l’humanité. Depuis lors elle a animé et soutenu les personnes et
les peuples souffrants. Elle reste source de foi, de charité et de joie, même au milieu
des difficultés et des défis, pour former des témoins du Christ ressuscité, présent
au milieu de nous. Avec Lui et par Lui, nous pouvons porter nos croix et nos souffrances.
Elle nous donne aussi la force d’être « coopérateurs de Dieu » (1 Cor 3, 9), pour
contribuer à la construction du Royaume de Dieu sur terre. Ainsi nous préparerons
un avenir meilleur pour les générations futures. Ceci exige de nous plus de foi,
plus de communion, et plus d’amour. Nos Églises ont besoin de croyants-témoins, tant
au niveau des Pasteurs, qu’au niveau des fidèles. L’annonce de la Bonne Nouvelle ne
peut être fructueuse que si les évêques, les prêtres, les religieux, le religieuses
et les laïcs sont enflammés de l’amour du Christ, et embrasés du zèle de le faire
connaître et aimer. Nous avons confiance que ce Synode ne sera pas seulement un évènement
passager, mais qu’il permettra réellement à l’Esprit de faire bouger nos Églises. Aux
chrétiens de Terre Sainte, le Saint-Père Benoît XVI adressa ces paroles à Jérusalem,
le 12 mai 2009: « Vous êtes appelés à servir, non seulement comme une lumière-témoin
de foi, mais aussi comme un levain d’harmonie, de sagesse et d’équilibre, dans la
vie d’une société qui traditionnellement a été pluraliste, multiethnique, et plurireligieuse,
et qui continuera à l’être ici, il y a de la place à tous ».[13]
Implorons
la Sainte Vierge Marie, si honorée et si aimée dans nos Églises, de former nos cœurs
à l’exemple du cœur de son Fils, Jésus. Et accueillons son invitation : « Tout ce
qu’Il vous dira, faites-le » (Jn 2, 5).
NOTES:
[1] Lettre des patriarches
Catholiques d’Orient, 1992 [2] Lettre des patriarches Catholiques d’Orient, 1991 [3]
Benoît XVI, Discours avec les consacrés et les mouvements ecclésiaux, Amman, 09.05.2009 [4]
Concile Œcuménique Vatican II, Const. sur la Sainte Liturgie ‘Sacrosanctum Concilium’,
10 [5] Cf. Jean-Paul II, Lettre Encyclique ‘Ut unum sint’, 20.05.1995, 95 [6]
Cf. Benoît XV I, Cérémonie de bienvenue à Bethléem, 13.05.09 [7] Custodie de Terre-Sainte,
Commentaire sur la Messe dans la Vallée de Josaphat à Jérusalem, 12.05.2009
[8]
Cf. Benoît XVI, Discours à l’aéroport de Tel Aviv, 11.05.2009 [9] Benoît XVI, Discours
au Président d’Israël, 11.05.2009 [10] Concile Œcuménique Vatican II, Déclaration
Nostra aetate, 3 [11] Benoît XVI, Rencontre avec des représentants de communautés
musulmanes, Cologne, 20.08.2005 [12] Cf. Benoît XVI, Entretien aux journalistes
au cours du vol,08.05.2009 [13] Cf. Benoît XVI, Discours aux chrétiens de Terre
Sainte, Jérusalem 12.05.2009