Le Vatican se prépare à accueillir ce vendredi 8 octobre le président français Nicolas
Sarkozy qui a exprimé le désir de rencontrer Benoît XVI. Sa visite se déroulera suivant
le schéma traditionnel. Le chef de l’État français s’entretiendra avec le Pape avant
de rencontrer le cardinal Tarcisio Bertone, Secrétaire d’État du Saint-Siège et Mgr
Dominique Mamberti, sous-secrétaire pour les Relations avec les États.
Nicolas
Sarkozy se rendra ensuite dans la basilique Saint-Pierre où est prévu un moment de
prière présidée par le cardinal français Jean-Louis Tauran, président du Conseil pontifical
pour le Dialogue interreligieux. Le président français conclura sa visite par un déjeuner
avec une trentaine de "hauts prélats" à l'ambassade de France près le Saint-Siège.
Ses entretiens au Vatican devraient porter sur des questions de politique
internationale, d’autant que la France se prépare à prendre la présidence du G20 à
la mi-novembre. Autre thème majeur : à deux jours de l’ouverture du Synode des évêques
sur le Moyen-Orient, le Saint-Siège entend aborder le rôle que la France joue et peut
jouer dans cette région en faveur de la paix et de la réconciliation.
Il s'agira
de la deuxième visite de Nicolas Sarkozy au Vatican depuis le début de son mandat.
En décembre 2007, il avait prononcé un long discours très remarqué en la basilique
Saint-Jean-de- Latran, cathédrale de Rome, dont les chefs de la nation française sont
les chanoines d’honneur depuis Henri IV. Le président français avait appelé de ses
vœux l’avènement d’une laïcité positive. La laïcité ne saurait être la négation du
passé, elle n’a pas le pouvoir de couper la France de ses racines chrétiennes, avait-il
notamment affirmé. Des propos qui avaient inquiété les défenseurs de la laïcité.
Dix
mois plus tard, dans l’avion qui le conduisait à Paris, Benoît XVI expliquait aux
journalistes qui l'accompagnaient que "la foi n'est pas politique et que la politique
n'est pas une religion", que la laïcité n’est pas en contradiction avec la foi mais
que les valeurs chrétiennes sont fondamentales pour la construction de l’État et de
la société. Dans un geste exceptionnel, Nicolas Sarkozy s’était déplacé jusqu’à Orly
pour accueillir le Pape.
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Ecoutez quelques morceaux choisis de l'interview
que le président Sarkozy avait accordée aux médias du Saint-Siège (Radio Vatican,
Osservatore Vaticano et CTV) en décembre 2007.
Quelques extraits
choisis de cette interview donnée conjointement à Radio Vatican (RV), à l’Osservatore
Romano (OR) et au CTV.
RF : Vous avez
été reçu par Benoît XVI ce matin. Il y a une semaine le porte-parole de l’Elysée,
en annonçant cette visite, avait affirmé qu’elle était extrêmement importante. Alors
nous aimerions avoir votre sentiment sur cette visite et si possible, sans indiscrétion,
quelques détails sur la teneur de votre entretien.
NS : Elle est importante
parce que le Pape est un chef d’État, le Pape est un chef religieux et je me sens
catholique de tradition et de cœur. C’est une autorité mondiale, spirituelle, et pour
moi c’était une rencontre différente des rencontres avec d’autres chefs d’État. Il
y a une dimension spirituelle, il incarne un message de paix, d’espoir et de réconciliation
qui est utile dans le monde d’aujourd’hui qui est tout entier tourné vers la division,
les affrontements, les incompréhensions. […]
JMC : En 2004 vous pensiez à une
modification de la loi de 1905. À la veille de l’élection présidentielle, il semblerait
que vous ayiez renoncé... Qu’en est-il ?
NS : Vous savez, je suis passionné
par la question spirituelle depuis bien longtemps, je ne suis pas le seul : la vie
a-t-elle un sens ? Qu’est-ce qui se passe après la mort ? Ce sont quand même des questions
essentielles, la question spirituelle se pose depuis que l’homme a conscience de sa
destiné singulière. La place des religions, la laïcité positive, c’est-à-dire une
laïcité qui reconnaît à chacun le droit de vivre sa foi et de la transmettre à ses
enfants. Les besoins immenses qui sont ceux des religions révélées pour s’adapter
à la nouvelle réalité française. La France profonde, c’était la France des campagnes
il y a 50 ans. Aujourd’hui, la France profonde c’est la France des banlieues. Or les
lieux de culte sont dans les campagnes où il y a moins de monde et les banlieues sont
devenues des déserts cultuels. Ce n’est pas positif et donc j’avais imaginé des adaptations
nécessaires pour la Loi de 1905. Mais j’ai dit : on peut ne faire ces adaptations
que dans le cadre d’un consensus et c’est autour de ce consensus que l’on pourra construire
d’éventuelles évolutions. Partant du principe également que je ne souhaite pas un
islam en France mais un islam de France. C’est donc la question d’un islam européanisé,
compatible avec les valeurs de la civilisation européenne et donc c’est pour ça que
j’ai créé le C.F.C.M. : voilà les débats que je souhaite voir prospérer en France.
Et nous verrons ensuite s’il y a lieu de faire telle ou telle modification.
JMC
: Le pape, vous ne l’ignorez pas, appelle les laïcs à une visibilité, il demande d’avoir
le courage de la différence aux catholiques d’aujourd’hui. Quelles sont vos convictions
profondes sur ce point ?
NS : Le message du Christ, c’est un message très audacieux
puisqu’il annonce un Dieu fait de pardon et une vie après la mort. Je ne pense pas
que ce message d’audace extrême et d’espérance totale puisse être porté de façon mitigée.
Il nécessite une grande affirmation, une grande confiance et je suis de ceux qui pensent
que dans les débats d’aujourd’hui, les grandes voix spirituelles doivent s’exprimer
plus fortement.
RF : […] Vous savez que l’Église de France a émis quelques
réserves sur certains points de la politique française comme la maîtrise de l’immigration
ou encore sur certains points concernant la famille et la bioéthique. Il y a quelques
craintes concernant l’euthanasie. Alors quelle place pensez-vous pouvoir accorder
dans une République laïque à ces voix de l’Église.
NS : […] Moi, je suis pour
qu’elles s’expriment mais je ne suis pas pour qu’elles s’expriment pour dire qu’elles
sont d’accord avec ce que je pense. Que l’Église ait un message particulier sur les
plus pauvres, sur ceux qui n’ont rien, sur les immigrés… mais si l’Église ne l’avait
pas qui l’aurait ? JMC : […] Vous rencontrerez ce soir M. Prodi et M. Zapatero
pour discuter de votre projet d’union méditerranéenne. Est-ce que vous voulez nous
dire quelles seraient les limites de cette union et est-ce que cette union ne risque
pas d’affaiblir l’Union Européenne ?
NS : Non. Il y a 60 ans, cette Europe
recluse de souffrances, d’affrontements, de guerres fratricides, a décidé de s’unir.
La question est posée : est-ce que la rive Sud et la rive Nord de la Méditerranée
ne doivent pas s’unir ? Est-ce qu’il n’est pas temps d’arrêter les souffrances et
les oppositions ? Est-ce qu’il n’est pas temps de construire autour de cette mer Méditerranée
qui est notre mer – et je le dis en Italie – une zone de paix, de faire de la Méditerranée
la mer la plus propre au monde ? De créer des sources d’énergie commune entre le Nord
et le Sud, notamment avec le nucléaire ? De créer une zone de développement, d’assurer
la paix et la sécurité ? De réunir ces peuples qui de toute manière ne changeront
pas d’adresse ? Et c’est la grande idée, la grande vision que j’ai de cette Union
de la Méditerranée : rassembler pour faire la paix. […] JMC : […] La presse quotidienne
italienne ou internationale se fait l’écho quotidiennement de votre diplomatie. Il
semble que vous innoviez, en dehors de la diplomatie bilatérale et multilatérale,
et que vous utilisiez une diplomatie qu’ils appellent « de l’émotion ». Au Vatican,
du temps de Jean-Paul II, on appelait cela « la diplomatie du cœur ». Je pense aux
infirmières bulgares, mais je pense à Ingrid Betancourt : en lisant aujourd’hui le
communiqué de presse, je sais que vous avez parlé des otages avec le Saint Père. Est-ce
que vous pensez que cette défense des droits de l’homme n’a pas de prix et que tout
est possible ?
NS : La diplomatie du cœur, c’est une belle expression, mais
ce n’est pas parce que c’est de la diplomatie qu’il faut n’y mettre ni sentiment ni
cœur. C’est peut-être pour cela que la diplomatie a si souvent échoué. Et si tout
d’un coup on y mettait du cœur et du sentiment...