La véritable solidarité, c’est mettre un terme à la malédiction des ressources en
Afrique
(Bruxelles, le 16 septembre 2010) L’Afrique perd plus d’un trillion d’euros chaque
année pour cause d’évasion fiscale ou de recettes non perçues, mais l’Union européenne
peut aider à colmater les fuites pour donner à l’Afrique une chance équitable de prospérer.
Evêque du Congo-Brazzaville et défenseur des droits de l’homme, Mgr Louis Portella-Mbuyu,
a transmis ce message hier soir lors d’un débat au Parlement européen sur la transparence
des industries extractives organisé par la CIDSE, une alliance internationale d’agences
de développement catholiques. Il s’agissait d’une demande du SCEAM, le Symposium des
Conférences épiscopales panafricaines, organisation partenaire de la CIDSE pour attirer
l’attention sur la « malédiction des ressources » en Afrique à laquelle il faut mettre
un terme si le continent africain doit sortir de la spirale de la pauvreté. Cet événement
a eu lieu à la veille du sommet des Nations unies à New York qui examinera les progrès
accomplis en vue de réaliser les objectifs du Millénaire pour le développement (OMD).
« Le manque de transparence tue le peuple africain » a déclaré Mgr Louis Portella-Mbuyu
qui, depuis des années, défie sans crainte son gouvernement et les sociétés multinationales
des industries extractives.
« Les revenus africains devraient bénéficier
aux populations africaines au lieu de disparaître sur des comptes bancaires à l’étranger.
Cet argent pourrait nourrir les personnes qui ont faim, construire des écoles et des
hôpitaux, payer des professeurs, des infirmières et des médecins ». Une bonne part
de cette évasion fiscale fait partie de ce qu’on appelle souvent la « malédiction
des ressources » de l’Afrique.
Mgr Portella-Mbuyu fait partie d’une délégation
du SCEAM composée d’évêques et d’experts en développement en visite en Europe pour
rencontrer des représentants des gouvernements et des institutions européennes avant
le sommet sur la révision des OMD la semaine prochaine.
La communauté internationale
se réunira à New York du 20 au 22 septembre afin de passer en revue les objectifs
du Millénaire pour le développement (OMD) à un moment où les donateurs internationaux
continuent de lutter pour trouver des fonds pour financer le développement. La Commission
européenne a estimé que ses Etats membres devaient encore trouver 12 milliards d’euros
pour atteindre leur objectif de 0,56% du revenu national brut pour l’aide publique
au développement en 2010.
Les chefs d’Etat présents à New York doivent comprendre
que tant que les fuites ne seront pas colmatées, l’Afrique continuera à perdre plus
d’un trillion d’euros* chaque année à cause de l’évasion fiscale ou de recettes non
perçues. La législation européenne pourrait contribuer à récupérer ces recettes fiscales
non perçues, qui dépassent de loin les montants de l’aide publique au développement.
La Commission européenne examine actuellement la directive européenne « transparence
» (la directive TOD) sans toutefois discuter pour le moment de la question d’un système
de rapport pays par pays.
« L’exigence de transparence pour les compagnies
les obligeant à rendre compte de toutes leurs opérations financières dans les pays
où elles opèrent pourrait être intégrée dans cette régulation » a déclaré Bernard
Pinaud, Délégué général du CCFD-Terre Solidaire, lors du débat.
« Cette information
permettrait aux autorités fiscales de ces pays et à leurs citoyens de tenir les compagnies
et les gouvernements responsables de l’argent gagné sur leurs ressources naturelles.
Les Etats-Unis ont récemment donné le bon exemple en votant une telle législation.
L’Union européenne devrait en faire de même ».
Global Financial Integrity,
un groupe de recherche indépendant, a estimé qu’en moyenne, les pays africains exportateurs
de pétrole, perdaient des capitaux au rythme de presque 8 milliards d’euros par an,
dépassant de loin les 2 milliards d’euros perdus par an par les pays exportateurs
d’autres matières premières. Cet argent disparaît dans les poches des sociétés multinationales
dont un bon nombre sont européennes, et celles de leurs contacts locaux, des personnes
au sein du gouvernement ou des hommes d’affaires.
Le débat au Parlement européen
était organisé sous l’égide des députés européens, Charles Goerens (ADLE), Eva Joly
(Verts) et Sirpa Pietikäinen (PPE). José Correia Nuñes de la Commission européenne
et Philomena Johnson, Secrétaire exécutive de Caritas Ghana et membre de la délégation
du SCEAM en visite de plaidoyer en Europe, faisaient également partie du panel.