2010-09-01 15:43:58

Le Cardinal Danneels diffamé par le Standaard. Droit de réponse de son avocat.


Le Cardinal Danneels s'estime diffamé suite à la publication dans le journal belge De Standaard dans son édition du 28 août de l'enregistrement de la conversation confidentielle qu'il avait eue en avril dernier avec la victime et sa famille suite à des faits de pédophilie commis par l'ancien évêque de Bruges Roger Vangheluwe. Par la voie de son porte-parole Toon Osaer, le Cardinal avait immédiatement exprimé sa déception qu'une conversation confidentielle ait pu être enregistrée et rendue publique à l'insu des parties présentes. L'avocat du Cardinal Danneels, Maître Fernand Keleuneer, exerce aujourd'hui son droit de réponse au journal. En voici le texte intégral.


EN CE QUI CONCERNE LA TENTATIVE ECHOUEE DU CARDINAL DANNEELS DE RECONCILIER LA FAMILLE VANGHELUWE

Des transcriptions telles que publiées par De Standaard:

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Victime (lorsqu'elle fut informée que le cardinal Danneels n'avait et n'a aucune autorité canonique à l'égard de Mgr. Vangheluwe) : « Alors qu'est-ce que je fais ici - ne serait-ce pas plus approprié, je suppose, d'organiser une réunion avec le pape ? »
Godfried Danneels : « Ou avec le nouvel archevêque. »
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Godfried Danneels : « Vous demandez qu’il démissionne? »
Victime : « C'est à lui de décider, je veux uniquement le signaler, c'est tout. Vous voulez me faire dire quelque chose que je ne peux pas dire. Je ne peux pas et je ne sais pas comment cela doit être traité - Je dois trouver un moyen pour donner à tout ceci une certaine plénitude. Et aujourd’hui je voudrais qu'il confesse devant la famille en disant: J'ai fait de telles choses. Tout le monde étant présent. »
Godfried Danneels : « Il le fera. »
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Victime : « Alors, donnez-moi une autre solution - Je devrais le pardonner et ainsi tout serait terminé. »
Godfried Danneels : « Non, non, non. »
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Le samedi 28 août, De Standaard a commis un assassinat moral à l’égard du cardinal Danneels. Le journal a publié une partie de la transcription de la tentative de réconciliation, improvisée et ratée, entreprise par le cardinal avec la famille Vangheluwe le 8 avril 2010. De Standaard a marqué certains passages en rouge et pourvu le texte d’un commentaire très tendancieux.

Presque tout le monde s’accorde pour dire que du point de vue juridique, rien n’est à reprocher au cardinal. De notre part, nous estimons en outre que le cardinal a agi correctement du point de vue moral.

Au début du mois d’avril 2010, le cardinal Danneels reçoit un coup de fil de son ancien collègue-évêque et ami Roger Vangheluwe. Celui-ci entame la conversation en annonçant avoir commis quelque chose de terrible: depuis 1973 il a abusé sexuellement de son propre neveu. L’abus n’a pris fin que lorsque, en 1986, il est confronté au père de la victime. La conversation entre les deux anciens collègues ne dure que quelques minutes. Le cardinal est, comme toute personne devant une telle situation, très déconcerté et réagit à peine. Il encaisse surtout et n’arrive pas à situer ce qui lui a été dit.

Quelques jours plus tard, le 8 avril 2010, l’association chrétienne des retraités OKRA organise une grande rencontre à Bruges. Le cardinal y est invité comme orateur et y est fait – à l’occasion de son propre éméritat – membre honoraire. Il y est interpelé par Mgr. Vangheluwe. Celui-ci lui demande de faciliter ce même jour une médiation entre lui et sa famille. Le cardinal hésite et préférerait ne pas le faire ce jour-là. Il demande à son ancien collègue de téléphoner à sa famille. Mgr. Vangheluwe le fait et informe le cardinal que sa famille est déjà en route et qu’il leur fera du bien d’avoir cet entretien. Si le cardinal a été naïf, c’est bien à ce moment-là, en répondant positivement à cette demande. Mais il est déplaisant de constater qu’on lui en voudrait d’avoir préféré la recherche d’une réconciliation au sein d’un drame familial, au risque d’être pris comme mire par la presse, plutôt que de choisir la voie de la facilité en renvoyant le problème au nonce apostolique.
A 15h, la victime et quelques membres de sa famille arrivent.

Le cardinal n’est pas préparé. Il pense que le but de cette rencontre est qu’il agisse en médiateur face à un drame familial qui s’est déroulé entre 1973 et 1986, qui est resté secret dans la famille durant vingt-quatre ans, continuant ainsi à suppurer, et pour laquelle une réconciliation et une réparation seraient éventuellement possibles. C’est d’ailleurs ce que souhaite au moins une partie de la famille. Et de préférence en évitant un scandale publique, ce qui, comme le remarque très justement le cardinal, ne profite à personne.

Le neveu de Mgr. Vangheluwe estime toutefois que lorsqu’il participe à un entretien avec “le cardinal” en présence de la famille, il aura la possibilité de s’adresser à “l’employeur” de son oncle: quelqu’un ayant le pouvoir d’obliger son oncle à démissionner. Il apparaît immédiatement que la victime avait attendu la présence de Mgr. Léonard. Ce n’est pas le cas et le cardinal fait clairement savoir qu’il a démissionné et n’a aucune autorité. Il est uniquement présent en tant que conciliateur – ou conseiller. Il suggère toutefois d’éventuellement rencontrer Mgr. Léonard.
A aucun moment, le cardinal n’exerce de pression sur la victime, et à maintes reprises le cardinal demande ce que la victime souhaite. La victime répond qu’il remet cela entre “vos” (pluriel) mains. Le cardinal demande si la victime souhaite que tout soit rendu public. A nouveau, la victime répond qu’il s’en remet “à vous autres” (pluriel). Le cardinal demande si Mgr. Vangheluwe doit démissionner. La victime répond que “c’est à lui de décider”, et que “aujourd’hui” il désire que Mgr. Vangheluwe reconnaisse ouvertement sa faute devant toute la famille.

Le cardinal Danneels incite Mgr. Vangheluwe à reconnaître, pour la première fois en vingt-quatre ans, sa faute face à sa famille, à présenter ses excuses et à demander pardon. Celui qui réagit à tout ceci avec condescendance fait preuve d’iniquité.

A la demande explicite et répétée de la victime, le cardinal Danneels suggère également des solutions, tenant compte de la victime, dont la vie a été détruite, de sa famille, également touchée par la souffrance ainsi que, en effet, du coupable lui-même qui, aux yeux d’un chrétien, reste toujours un être humain. La solution proposée par le cardinal consiste à ce que, dans l’année à venir, Mgr. Vangheluwe apparaisse le moins possible en public et démissionne immédiatement lorsqu’il aura atteint l’âge de l’éméritat (il arrive souvent que des évêques exercent leur mission encore quelques années). Ceci évitera que des questions surgissent dans la presse: personne parmi les concernés – ni la victime, ni sa famille – ne demande à ce moment-là un scandale familial public. Encore une fois : la victime et sa famille étaient au courant de l’abus depuis vingt-quatre ans et n’ont jamais contacté la presse ou la police durant cette période.

Le cardinal a également proposé le pardon - eh oui. On pourrait considérer cela comme désespérément naïf ou comme un vœu pieux. Or, ceci n’est pas le cas. Le pardon est bien la réponse catholique, et par ailleurs correcte, proposée à un pécheur repentant. Une victime capable de pardonner – après pénitence et réparation de ce qui est réparable par l’auteur – sera une victime plus heureuse qu’une victime qui aurait uniquement gagné une procédure ou qu’une victime qui n’aurait reçu qu’une compensation financière. Le pardon et la réconciliation ne sont pas uniquement destinés à celui à qui l’on pardonne mais également à celui qui pardonne. Les solutions proposées par le cardinal sont potentiellement plus efficaces que les éventuelles alternatives, si celles-ci existent : il ne revient pas au médiateur participant à une tentative de réconciliation confidentielle d’informer ou de prévenir n’importe qui et pour autant que de besoin, ni en droit canonique, ni en droit temporel, quelque démarche juridique que ce soit serait encore possible.

A plusieurs moments, la conversation se déroule comme une pénible dispute familiale. Cela n’a pas été reproduit dans De Standaard. Au terme de la rencontre, le cardinal estime pour sa part que cette discussion n’est pas terminée et qu’il vaudrait mieux la reprendre plus tard. Il quitte l’abbaye de Steenbrugge en supposant que chacun prendra le temps de la réflexion et qu’une deuxième conversation suivra, où il sera à nouveau tenté – en famille – de recoller les morceaux. Cette deuxième rencontre n’aura jamais lieu: quelques jours après la première rencontre, Mgr. Vangheluwe téléphone au cardinal et l’informe qu’il a présenté sa démission au nonce apostolique.

Enfin : la publication d’une partie de ces conversations se justifierait par le fait que la victime a été accusée d’extorsion d’argent. Cette accusation, vraie ou pas, ne provient en aucun cas du cardinal et il n’est pas clair comment la destruction d’une réputation pourrait réparer l’atteinte faite à une autre réputation.


Bruxelles, le 30 août 2010


Fernand Keuleneer
Avocat du cardinal Godfried Danneels
 







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