Le Cardinal Danneels diffamé par le Standaard. Droit de réponse de son avocat.
Le Cardinal Danneels s'estime diffamé suite à la publication dans
le journal belge De Standaard dans son édition du 28 août de l'enregistrement de la
conversation confidentielle qu'il avait eue en avril dernier avec la victime et sa
famille suite à des faits de pédophilie commis par l'ancien évêque de Bruges Roger
Vangheluwe. Par la voie de son porte-parole Toon Osaer, le Cardinal avait immédiatement
exprimé sa déception qu'une conversation confidentielle ait pu être enregistrée et
rendue publique à l'insu des parties présentes. L'avocat du Cardinal Danneels, Maître
Fernand Keleuneer, exerce aujourd'hui son droit de réponse au journal. En voici le
texte intégral.
EN CE QUI CONCERNE LA TENTATIVE ECHOUEE DU CARDINAL
DANNEELS DE RECONCILIER LA FAMILLE VANGHELUWE
Des transcriptions telles
que publiées par De Standaard:
+++++ Victime (lorsqu'elle fut informée que
le cardinal Danneels n'avait et n'a aucune autorité canonique à l'égard de Mgr. Vangheluwe)
: « Alors qu'est-ce que je fais ici - ne serait-ce pas plus approprié, je suppose,
d'organiser une réunion avec le pape ? » Godfried Danneels : « Ou avec le nouvel
archevêque. » +++++ Godfried Danneels : « Vous demandez qu’il démissionne? » Victime
: « C'est à lui de décider, je veux uniquement le signaler, c'est tout. Vous voulez
me faire dire quelque chose que je ne peux pas dire. Je ne peux pas et je ne sais
pas comment cela doit être traité - Je dois trouver un moyen pour donner à tout ceci
une certaine plénitude. Et aujourd’hui je voudrais qu'il confesse devant la famille
en disant: J'ai fait de telles choses. Tout le monde étant présent. » Godfried
Danneels : « Il le fera. » +++++ Victime : « Alors, donnez-moi une autre solution
- Je devrais le pardonner et ainsi tout serait terminé. » Godfried Danneels : « Non,
non, non. » +++++
Le samedi 28 août, De Standaard a commis un assassinat
moral à l’égard du cardinal Danneels. Le journal a publié une partie de la transcription
de la tentative de réconciliation, improvisée et ratée, entreprise par le cardinal
avec la famille Vangheluwe le 8 avril 2010. De Standaard a marqué certains passages
en rouge et pourvu le texte d’un commentaire très tendancieux.
Presque tout
le monde s’accorde pour dire que du point de vue juridique, rien n’est à reprocher
au cardinal. De notre part, nous estimons en outre que le cardinal a agi correctement
du point de vue moral.
Au début du mois d’avril 2010, le cardinal Danneels
reçoit un coup de fil de son ancien collègue-évêque et ami Roger Vangheluwe. Celui-ci
entame la conversation en annonçant avoir commis quelque chose de terrible: depuis
1973 il a abusé sexuellement de son propre neveu. L’abus n’a pris fin que lorsque,
en 1986, il est confronté au père de la victime. La conversation entre les deux anciens
collègues ne dure que quelques minutes. Le cardinal est, comme toute personne devant
une telle situation, très déconcerté et réagit à peine. Il encaisse surtout et n’arrive
pas à situer ce qui lui a été dit.
Quelques jours plus tard, le 8 avril 2010,
l’association chrétienne des retraités OKRA organise une grande rencontre à Bruges.
Le cardinal y est invité comme orateur et y est fait – à l’occasion de son propre
éméritat – membre honoraire. Il y est interpelé par Mgr. Vangheluwe. Celui-ci lui
demande de faciliter ce même jour une médiation entre lui et sa famille. Le cardinal
hésite et préférerait ne pas le faire ce jour-là. Il demande à son ancien collègue
de téléphoner à sa famille. Mgr. Vangheluwe le fait et informe le cardinal que sa
famille est déjà en route et qu’il leur fera du bien d’avoir cet entretien. Si le
cardinal a été naïf, c’est bien à ce moment-là, en répondant positivement à cette
demande. Mais il est déplaisant de constater qu’on lui en voudrait d’avoir préféré
la recherche d’une réconciliation au sein d’un drame familial, au risque d’être pris
comme mire par la presse, plutôt que de choisir la voie de la facilité en renvoyant
le problème au nonce apostolique. A 15h, la victime et quelques membres de sa
famille arrivent.
Le cardinal n’est pas préparé. Il pense que le but de
cette rencontre est qu’il agisse en médiateur face à un drame familial qui s’est déroulé
entre 1973 et 1986, qui est resté secret dans la famille durant vingt-quatre ans,
continuant ainsi à suppurer, et pour laquelle une réconciliation et une réparation
seraient éventuellement possibles. C’est d’ailleurs ce que souhaite au moins une
partie de la famille. Et de préférence en évitant un scandale publique, ce qui, comme
le remarque très justement le cardinal, ne profite à personne.
Le neveu de
Mgr. Vangheluwe estime toutefois que lorsqu’il participe à un entretien avec “le cardinal”
en présence de la famille, il aura la possibilité de s’adresser à “l’employeur” de
son oncle: quelqu’un ayant le pouvoir d’obliger son oncle à démissionner. Il apparaît
immédiatement que la victime avait attendu la présence de Mgr. Léonard. Ce n’est
pas le cas et le cardinal fait clairement savoir qu’il a démissionné et n’a aucune
autorité. Il est uniquement présent en tant que conciliateur – ou conseiller. Il
suggère toutefois d’éventuellement rencontrer Mgr. Léonard. A aucun moment, le
cardinal n’exerce de pression sur la victime, et à maintes reprises le cardinal demande
ce que la victime souhaite. La victime répond qu’il remet cela entre “vos” (pluriel)
mains. Le cardinal demande si la victime souhaite que tout soit rendu public. A
nouveau, la victime répond qu’il s’en remet “à vous autres” (pluriel). Le cardinal
demande si Mgr. Vangheluwe doit démissionner. La victime répond que “c’est à lui
de décider”, et que “aujourd’hui” il désire que Mgr. Vangheluwe reconnaisse ouvertement
sa faute devant toute la famille.
Le cardinal Danneels incite Mgr. Vangheluwe
à reconnaître, pour la première fois en vingt-quatre ans, sa faute face à sa famille,
à présenter ses excuses et à demander pardon. Celui qui réagit à tout ceci avec condescendance
fait preuve d’iniquité.
A la demande explicite et répétée de la victime,
le cardinal Danneels suggère également des solutions, tenant compte de la victime,
dont la vie a été détruite, de sa famille, également touchée par la souffrance ainsi
que, en effet, du coupable lui-même qui, aux yeux d’un chrétien, reste toujours un
être humain. La solution proposée par le cardinal consiste à ce que, dans l’année
à venir, Mgr. Vangheluwe apparaisse le moins possible en public et démissionne immédiatement
lorsqu’il aura atteint l’âge de l’éméritat (il arrive souvent que des évêques exercent
leur mission encore quelques années). Ceci évitera que des questions surgissent dans
la presse: personne parmi les concernés – ni la victime, ni sa famille – ne demande
à ce moment-là un scandale familial public. Encore une fois : la victime et sa famille
étaient au courant de l’abus depuis vingt-quatre ans et n’ont jamais contacté la presse
ou la police durant cette période.
Le cardinal a également proposé le pardon
- eh oui. On pourrait considérer cela comme désespérément naïf ou comme un vœu pieux.
Or, ceci n’est pas le cas. Le pardon est bien la réponse catholique, et par ailleurs
correcte, proposée à un pécheur repentant. Une victime capable de pardonner – après
pénitence et réparation de ce qui est réparable par l’auteur – sera une victime plus
heureuse qu’une victime qui aurait uniquement gagné une procédure ou qu’une victime
qui n’aurait reçu qu’une compensation financière. Le pardon et la réconciliation
ne sont pas uniquement destinés à celui à qui l’on pardonne mais également à celui
qui pardonne. Les solutions proposées par le cardinal sont potentiellement plus efficaces
que les éventuelles alternatives, si celles-ci existent : il ne revient pas au médiateur
participant à une tentative de réconciliation confidentielle d’informer ou de prévenir
n’importe qui et pour autant que de besoin, ni en droit canonique, ni en droit temporel,
quelque démarche juridique que ce soit serait encore possible.
A plusieurs
moments, la conversation se déroule comme une pénible dispute familiale. Cela n’a
pas été reproduit dans De Standaard. Au terme de la rencontre, le cardinal estime
pour sa part que cette discussion n’est pas terminée et qu’il vaudrait mieux la reprendre
plus tard. Il quitte l’abbaye de Steenbrugge en supposant que chacun prendra le temps
de la réflexion et qu’une deuxième conversation suivra, où il sera à nouveau tenté
– en famille – de recoller les morceaux. Cette deuxième rencontre n’aura jamais lieu:
quelques jours après la première rencontre, Mgr. Vangheluwe téléphone au cardinal
et l’informe qu’il a présenté sa démission au nonce apostolique.
Enfin : la
publication d’une partie de ces conversations se justifierait par le fait que la victime
a été accusée d’extorsion d’argent. Cette accusation, vraie ou pas, ne provient en
aucun cas du cardinal et il n’est pas clair comment la destruction d’une réputation
pourrait réparer l’atteinte faite à une autre réputation.
Bruxelles, le
30 août 2010
Fernand Keuleneer Avocat du cardinal Godfried Danneels