Le nouvel ambassadeur du Cap-Vert à Pape Benoît XVI: la foi chrétienne constitue un
élément marquant de notre culture et de notre identité en tant que peuple
18 mai 2006 Très Saint-Père, Tout d'abord, je prie Votre Sainteté de recevoir
les chaleureuses salutations de son Excellence le Président de la République, Monsieur
Pedro Verona Rodrigues Pires. L'histoire du Cap-Vert se trouve intrinsèquement
et indivisiblement liée à la présence et à l'évolution de l'Eglise dans les îles,
depuis les lointaines années de la découverte au XVe siècle, jusqu'à nos jours. Aujourd'hui
encore la foi chrétienne constitue un élément marquant de notre culture et de notre
identité en tant que peuple. Dans notre histoire récente, trois moments de grandeur
significative méritent d'être évoqués lors de cette heureuse occasion. L'indépendance
nationale et l'élection du premier évêque originaire du Cap-Vert ont eu lieu conjointement
et représentent des références sûres dans l'affirmation de l'identité collective et
individuelle des capverdiens. Si l'indépendance politique a consolidé le début de
notre existence en tant qu'Etat souverain, la vérité est que la nomination du premier
évêque né sur les îles a une fois de plus témoigné de l'attention avec laquelle le
Saint-Siège a accompagné l'évolution spirituelle, politique, économique, sociale et
culturelle de la Nation capverdienne. La coïncidence de ces deux événements est d'autant
plus significative que l'élection et la nomination du premier ressortissant capverdien
pour diriger le Diocèse de Santiago du Cap-Vert a précédé l'acte même de la proclamation
de l'indépendance. La joie profonde avec laquelle les capverdiens ont accueilli D.
Paulino Evora le 22 juin 1975 a témoigné qu'ils reconnaissaient à cet événement une
portée historique et spirituelle incontestable. Depuis lors, le Cap-Vert a continué
à se développer de manière continue dans le domaine politique, économique, social
ainsi que spirituel. Dans cet enrichissement, la visite que Votre Prédécesseur a effectuée
au Cap-Vert, du 25 au 27 janvier 1990, a marqué un moment doublement significatif.
II a en effet représenté, d'une part sur le plan politique et diplomatique, le moment
le plus important dans les relations entre le Cap-Vert et le Saint-Siège. D'autre
part, sur le plan spirituel, il a encouragé les capverdiens à demeurer sur le chemin
de l'amour, de la vérité et de la responsabilité. Seize ans plus tard, l'appel que
le Pape a fait aux jeunes capverdiens résonne toujours et reste d'actualité, «J'appelle
surtout vous, les jeunes. C'est à vous de recueillir la meilleure partie du siècle
qui se termine, c'est-à-dire, ce désir de justice, de solidarité, de liberté et de
paix qui anime la génération actuelle. C'est à vous de rendre réels les espoirs et
les attentes d'élévation de l'homme, de progrès et de développement, si profondément
éprouvés par nous tous. Il vous appartient de rechercher des solutions adéquates pour
les problèmes émergeants, d'atteindre des formes de participation responsable, dans
une vie politique et sociale ayant pour but le service des plus faibles». De son
côté, l'érection du Diocèse de Mindelo a constitué un autre point important de l'avancée
de l'Eglise au Cap-Vert Cet événement a en effet consolidé l'action pastorale qui
se projette avec toujours plus de puissance, tout en témoignant une reconnaissance
manifeste à l'essor spirituel de la nation capverdienne, que cette décision vient
renforcer. Je profite de cette occasion pour souligner et me féliciter du dialogue
institutionnel fructueux qui existe bien heureusement entre l'Etat du Cap-Vert et
l'Eglise. S'il est vrai que la Constitution de la République établit des limites juridiques
dans le cadre desquelles ce dialogue doit avoir lieu, en prévoyant dans l'article
48, numéro 3, que «Les Eglises et autres communautés religieuses sont séparées de
l'Etat, indépendantes et libres dans leur organisation et dans l'exercice de leurs
activités propres, et sont considérées comme partenaires dans l'appui au développement
social et spirituel du peuple capverdien», il n'en est pas moins vrai que la qualité
du dialogue et de ses résultats pratiques dépendent de la convergence effective des
volontés pour conjuguer les efforts en vue de surmonter les difficultés existantes. La
préservation, la récupération et la valorisation du patrimoine historique et religieux
construit représente un domaine concret dans lequel le partenariat entre l'Etat et
l'Eglise est très fructueux. En effet, dans plusieurs cas les interventions ont lieu
sans faire nécessairement attention aux attributions formelles de chacun des intervenants,
mais en donnant la priorité au résultat poursuivi, à savoir la sauvegarde et la valorisation
du patrimoine. Et quand on sait qu'au Cap-Vert le manque de ressource est un problème
présent dans toute initiative qu'on veut entreprendre, il devient particulièrement
réconfortant de vérifier que, lors-qu'il s'agit de la préservation du patrimoine historique
et religieux, la qualité du dialogue existant entre l'Etat et l'Eglise permet d'innover
toujours, en mobilisant des volontés internes et externes et ainsi construire des
partenariats permettant de faire face aux situations plus difficiles qui se présentent. Il
est pour moi gratifiant de pouvoir réaffirmer à Votre Sainteté le ferme engagement
de l'Etat, et en particulier du Gouvernement du Cap-Vert, de continuer à prodiguer
une attention particulière à la valorisation du patrimoine reconnu du point de vue
historique et religieux. Et c'est avec la certitude qu'en procédant ainsi, l'Etat
contribuera toujours à l'enrichissement culturel et spirituel constant de l'Homme
Capverdien, ce qui doit être l'objectif de toutes ses actions, puisque c'est seulement
là qu'elles trouvent leur sens et leur pleine justification. En dépit des progrès
réalisés dans mon pays lors de ces trente années d'existence souveraine, un nombre
important de capverdiens se sent encore poussé à émigrer à la recherche de meilleures
conditions de vie. Cet élément structurel de notre réalité s'inscrit dans le signe
des temps que Votre Sainteté a mentionné dans le message prononcé le 18 octobre de
l'année dernière, à l'occasion de la 92e Journée mondiale du migrant et du réfugié. Le
défi majeur qui s'impose aux émigrants est celui de l'intégration, qui devient encore
plus complexe lorsqu'il s'agit de l'insertion des enfants et des jeunes nés dans le
pays d'accueil. Le problème de l'intégration interpelle avec véhémence la famille
et l'école et exige des pouvoirs publics des pays d'accueil des politiques actives
favorisant l'insertion, qui est aussi souhaitable que nécessaire. L'autre condition
indispensable à l'intégration est sans doute l'adoption d'une attitude proactive et
responsable de la part des immigrants eux-mêmes, en particulier des jeunes, dont on
attend qu'ils essayent de connaître et de respecter les coutumes, les valeurs, les
règles et les principes en vigueur dans les sociétés qui les accueille. Voilà
la vision que les autorités de mon pays essayent de partager avec toute la diaspora
capverdienne. Dans le message du 18 octobre 2005 Votre Sainteté, en se référant
aux émigrants, a affirmé que «leurs Eglises d'origine ne cesseront de montrer leur
sollicitude en envoyant des assistants de la même langue et de la même culture, dans
un dialogue de charité avec les églises particulières d'accueil». C'est avec une
satisfaction redoublée que je peux témoigner de l'importance de l'action pastorale
des diocèses du Cap-Vert dans l'assistance spirituelle aux communautés capverdiennes
émigrées Cette action a un sens tout particulier parce qu'elle contribue à l'affirmation
de la vision intègre que tant l'Eglise que l'Etat souhaitent voir embrasser ces communautés,
justement parce qu'elle les amène à leur pleine intégrationdansleurssociétésd'accueil,
ce qui est la condition première pour qu'elles puissent réussir et participer activement
au développement du Cap-Vert. Je sais combien les émigrants capverdiens apprécient
le soin attentif et engagé avec lequel ils se sentent moralement et spirituellement
soutenus par les prêtres qui sont détachés pour cette mission. Très Saint-Père,
Je me sens particulièrement heureux et honoré du fait que le Président Pedro
Pires m'ait confié la noble mission de contribuer à un rapprochement et à une interaction
toujours plus grande entre le Cap-Vert et le Saint Siège, notamment en ce qui concerne
les questions globales et africaines. Je voudrais assurer à Votre Sainteté que
je ne n'épargnerai pas mes efforts pour mener à bien cette mission, car je suis convaincu
que ce dessein va dans le sens du sentiment des capverdiens qui désirent voir renforcées
les relations entre le Cap-Vert et le Saint-Siège.