Commentaire de l’Évangile du quatrième dimanche de carême
Le père About commente l’Évangile selon saint Luc (15, 1-3.11-329) du quatrième dimanche
de carême.
Texte
intégral du commentaire
Ce quatrième dimanche de carême est centré sur
l’un des plus belles pages de l’Évangile : la parabole du Fils prodigue. Nous connaissons
tous l’épisode et ses différentes interprétations : la bonté du père, l’ingratitude
du jeune fils, l’orgueil de l’aîné, la découverte de l’amour du père par le jeune
fils, le don renouvelé de la vie par le père, l’aveuglement de l’aîné. Mais
j’aimerais, avec vous, le lire sous l’angle de la personne : nous découvrons la perte
du corps, la perte du cœur et la perte de l’esprit.
L’outrecuidance du
jeune fils nous paraît scandaleuse : demander son héritage et partir. Symbole de ce
lien paternel ou maternel que nous avons du mal à gérer : je veux devenir autonome
et pourtant je suis attaché à mes parents. Le jeune fils force la main au père et,
en demandant son indépendance totale, il coupe son être du minimum dont il a besoin
pour vivre : l’amour vrai de celui qui lui a donné la vie. Il va, sans s’en rendre
compte, en coupant tous les ponts, jusqu’à sevrer son corps de ce qui l’unit à la
vie : l’amour de son père. Et, par ce fait, il perd son corps, au sens propre comme
au figuré : il l’offre à des plaisirs faciles et mange les réserves de sa vie. Alors
il connaît la faim. Dans son corps et dans son être, l’épuisement se fait sentir ;
la mort de ce qu’il est, surgit.
Mais ce n’est pas tout, il a aussi perdu
son cœur. Il a perdu la dimension des êtres et des choses ; il ne sait plus où est
sa dignité. Ce n’est que lorsque son être est épuisé et a touché la plus basse des
indignités, garder des porcs – ces animaux impurs – qu’il pense aux ouvriers de son
père : ils ont à manger. Et sa perte de cœur va jusqu’à oublier qu’il est fils : sa
demande au père est centrée sur le péché et sa condition déchue non sur sa vie et
ce qu’il le fait vivre. En lui, plus rien n’est symbole de vie sinon juste l’instinct
de survie. La perte de son cœur le fait se mettre au rang des animaux qu’il a gardés.
Il avait tout, il n’a plus rien ; il était tout, il se fait rien.
Jusqu’où
Dieu vient-il nous chercher ?
La perte de l’esprit est cristallisée par
l’attitude du fils aîné. Il ignore ce que peut-être une
communion de vie : non pas quantifier ce que je te donne et ce que je reçois mais
vibrer de vie et de joie à ce que tu es et à ce que je suis. Te laisser qualifier
ma vie, c’est ça la communion d’amour du Père. Alors que le Fils aîné ne veut voir
que sa fidélité récompensée par sa rectitude, le Père lui rappelle que l’amour est
la seule communion qui se partage sans conditions. La perte de l’esprit dans cette
mesure d’amour, le place en dessous de la conversion de son frère ; celui-ci, sans
réclamer, retrouve l’amour que le père donne, tandis que lui, en réclamant, ne perçoit
toujours pas l’amour du père dans lequel il vit.
Perte de corps, perte de cœur,
perte de l’esprit, à chaque fois le Père va répondre. Il est celui qui donne la dignité
et il ne cesse de la donner et trop souvent nous oublions que tout vient de lui. Il
est celui qui redonne vie, qui la soutient, qui la maintient, et s’en détacher nous
plonge dans le chaos de nous-mêmes. Il est celui qui pardonne, notre corps, notre
cœur, notre esprit parce que sa vie, c’est d’être notre vie. Quelle Pâque, Seigneur
tu nous fais vivre ! Te savoir notre Père inonde notre vie du salut de ton Fils
et nous donne la joie d’être tes fils.