DISCOURS DU PAPE JEAN PAUL II AUX ÉVÊQUES DU GABON EN VISITE "AD LIMINA APOSTOLORUM"
Chers Frères dans l'épiscopat,
1. Alors que vous accomplissez votre
visite ad limina, je suis heureux de vous accueillir, Évêques de l'Église catholique
au Gabon. Au lendemain de la célébration de la fête de la Pentecôte, je souhaite que
l'Esprit Saint vous comble de ses dons pour que vous soyez toujours plus fidèles à
accomplir le ministère que vous avez reçu du Seigneur. Que vos rencontres avec le
Successeur de Pierre et avec les Dicastères de la Curie romaine soient pour vous d'intenses
moments de communion ecclésiale et de réconfort apostolique !
J'adresse
mes remerciements cordiaux à Mgr Basile Mvé Engone, Archevêque de Libreville et Président
de votre Conférence épiscopale, pour les aimables paroles qu'il m'a adressées en votre
nom. Depuis sa dernière visite ad limina, l'épiscopat gabonais a été largement renouvelé.
Je vous encourage vivement à approfondir toujours plus entre vous les liens de communion
qui vous unissent afin d'accomplir votre charge avec fruit et de développer entre
vos diocèses une authentique harmonie pastorale.Transmettez à vos prêtres, aux religieux
et aux religieuses, aux catéchistes et à tous les fidèles de vos diocèses, mon salut
affectueux et l'assurance de ma proximité spirituelle.
Par votre
intermédiaire, je salue le peuple gabonais tout entier, demandant à Dieu de lui accorder
de vivre dans la paix et de l'assister dans ses efforts pour construire une société
solidaire où chacun puisse trouver son plein épanouissement.
2. L'année
jubilaire qui vient de s'achever a été pour toute l'Église l'occasion d'un renouveau
spirituel et missionnaire. Il est donc maintenant nécessaire que, dans chaque pays,
un élan nouveau soit donné à l'évangélisation. Pour cela, comme j'ai eu l'occasion
de l'écrire dans la Lettre apostolique Novo millennio ineunte, "la perspective dans
laquelle doit se placer tout le cheminement pastoral est celle de la sainteté" (n.
30), car si notre Baptême nous fait vraiment entrer dans la sainteté de Dieu, "ce
serait un contresens que de se contenter d'une vie médiocre, vécue sous le signe d'une
éthique minimaliste et d'une religiosité superficielle" (n. 31). Pour être des témoins
crédibles de l'Évangile qu'ils annoncent parmi leurs frères, les chrétiens doivent
résolument tourner leur regard vers le Christ Seigneur et Sauveur de toute l'humanité.
Je vous engage donc à avancer avec enthousiasme sur les rudes chemins de la mission.
Certes, je connais les limites de vos moyens humains et matériels. Mais, le Seigneur
nous a assurés de sa présence au milieu de nous. N'ayez pas peur de vous laisser imprégner
par l'élan missionnaire qui animait l'Apôtre Paul, en allant vers les hommes et les
femmes qui n'ont pas encore reçu la Bonne Nouvelle. En effet, tous ont le droit de
connaître la richesse du mystère du Christ.
Depuis quelques années
d'ailleurs, dans votre pays, l'activité de l'Église, qui se veut au service de tous
les Gabonais sans distinction, peut se développer dans un cadre juridique nouveau.
Je me réjouis de l'accord conclu entre le Saint-Siège et la République du Gabon pour
œuvrer à la promotion du bien commun, garantie de bien-être spirituel et matériel
des personnes. Il est à souhaiter que, dans le respect de l'indépendance et de l'autonomie
des deux parties, cet esprit de collaboration se développe plus largement, notamment
pour permettre aux écoles catholiques de contribuer avec toujours plus d'efficacité
à l'éducation humaine et spirituelle de la jeunesse de votre pays.
3.
La formation des agents de l'évangélisation est d'une grande importance pour assurer
l'avenir de l'Église sur le continent africain. L'Assemblée spéciale pour l'Afrique
du Synode des Évêques a mis l'accent sur la nécessité de former les laïcs afin qu'ils
puissent assumer leur rôle irremplaçable dans l'Église et dans la société. Ainsi,
je voudrais saluer de manière particulière les catéchistes de vos diocèses, dont la
place demeure déterminante dans le développement des communautés chrétiennes. Je vous
encourage vivement à accorder à ces précieux collaborateurs de la mission un soutien
matériel, moral et spirituel attentif, et à les faire bénéficier d'une solide formation
doctrinale initiale et permanente.
Les fidèles de votre pays doivent
aussi être capables d'assumer leurs responsabilités civiques et d'"exercer une influence
sur le tissu social, pour transformer les mentalités et les structures de la société
de telle sorte qu'elles reflètent mieux les desseins de Dieu sur la famille humaine"
(Exhortation apostolique Ecclesia in Africa, n. 54). Il convient donc d'aider les
laïcs à mener une vie en harmonie avec leur foi afin que leurs activités et leurs
responsabilités soient un témoignage toujours plus authentique rendu à l'Évangile
dans tous les secteurs de la vie sociale.
Par ailleurs, il est
indispensable que les familles chrétiennes prennent une vive conscience de leur mission
dans l'Église et dans la société. Une pastorale familiale adaptée aux grands problèmes
qui se posent aujourd'hui, notamment pour ce qui concerne le respect de la vie humaine,
contribuera à promouvoir le témoignage de foi des couples par une existence vécue
en conformité avec la loi divine sous tous ses aspects, ainsi que par leur engagement
à donner à leurs enfants une formation authentiquement chrétienne. Qu'en leur offrant
son aide désintéressée l'Église se montre proche des familles qui se trouvent dans
des situations difficiles, sachant être toujours pour elles le visage de vérité, de
bonté et de compréhension du Seigneur !
Aux jeunes de vos diocèses,
je souhaite de trouver dans leur rencontre avec le Christ le secret de la vraie liberté
et de la joie profonde du cœur. Dans les difficultés qu'ils connaissent, qu'ils ne
perdent jamais confiance en l'avenir, mais qu'ils acceptent de travailler courageusement
avec leurs frères à l'avènement d'un monde nouveau fondé sur la fraternité et la justice.
4. Pour réunir la famille de Dieu dans une fraternité animée par la
charité et la conduire au Père par le Christ dans l'Esprit Saint (cf. Décret Presbyterorum
ordinis, n. 6), les prêtres sont les collaborateurs nécessaires et irremplaçables
que vous devez considérer comme des frères et des amis, en vous préoccupant de leur
situation matérielle et spirituelle, et en les incitant à une collaboration fraternelle
avec vous et entre eux.
Je salue de grand cœur tous vos prêtres
et je les exhorte à persévérer généreusement, malgré les obstacles, dans les engagements
qu'ils ont pris au jour de leur ordination. Qu'ils se souviennent toujours qu'ils
ont reçu un appel spécifique à la sainteté et qu'ils sont tenus de tendre à la perfection
dans tous les domaines de leur existence, notamment par une vie morale droite, car
leur personne tout entière, consciente, libre et responsable, est profondément engagée
dans l'exercice de leur ministère ! Pour cela, il doit y avoir un lien étroit entre
l'exercice du ministère et une vie spirituelle intense. Il est donc primordial que
chaque prêtre "renouvelle sans cesse et approfondisse toujours plus sa conscience
d'être ministre de Jésus Christ en vertu de sa consécration sacramentelle et de la
configuration au Christ Tête et Pasteur de l'Église" (Exhortation apostolique Pastores
dabo vobis, n. 25). Seule une intimité habituelle avec le Christ, manifestée en particulier
dans la prière et dans la réception des sacrements de l'Eucharistie et de la Réconciliation,
leur donnera la force et le courage de tenir bon dans les épreuves, et d'accepter
de revenir fidèlement au Seigneur après la chute. J'exhorte aussi le presbytérium
de chacun de vos diocèses, prêtres autochtones et missionnaires originaires d'autres
pays, à manifester son unité et sa profonde communion autour de l'Évêque, en ayant
la conviction que tous sont au service d'une unique mission qui leur a été confiée
par l'Église au nom du Christ.
La pastorale des vocations sacerdotales
et religieuses exige la plus grande attention afin que l'Église locale poursuive son
édification et sa croissance. L'exemple de vie irréprochable des prêtres et des personnes
consacrées est pour les jeunes un stimulant vigoureux pour les aider à répondre avec
générosité à l'appel du Seigneur. Dans la promotion des vocations, comme dans leur
discernement et leur accompagnement, la première responsabilité est celle de l'Évêque,
responsabilité qu'il doit assumer personnellement, tout en s'assurant la collaboration
indispensable de son presbyterium et en rappelant aux familles chrétiennes, aux catéchistes
et à l'ensemble des fidèles, leur responsabilité particulière dans ce domaine.
La constitution d'équipes de formateurs et de directeurs spirituels pour le grand
séminaire doit être une priorité pour les Évêques. Je vous engage donc à unir vos
forces et à chercher des collaborations, afin que le grand séminaire national puisse
accueillir les jeunes de vos diocèses qui ont reçu l'appel du Seigneur au sacerdoce
et leur donner une formation solide qui les préparera à accomplir le ministère presbytéral
avec les qualités requises de représentants du Christ, de vrais serviteurs et animateurs
des communautés chrétiennes. Il est indispensable que cette formation, humaine, intellectuelle,
pastorale et spirituelle puisse aussi leur permettre de tester et de développer leur
maturité affective, et d'acquérir de fortes convictions sur le caractère indissociable
du célibat et de la chasteté du prêtre (cf. Ecclesia in Africa, n. 95).
5.
Je voudrais encore témoigner de la reconnaissance de l'Église pour l'œuvre des Instituts
missionnaires dans la vie ecclésiale au Gabon. Par leur travail apostolique désintéressé
et parfois héroïque, leurs membres, mais aussi des laïcs chrétiens, ont transmis le
flambeau de la foi à votre peuple et ont permis à l'Église de s'enraciner et de croître
dans votre pays.
Aujourd'hui, originaires du Gabon ou venant d'autres
pays, dans un esprit de communion et de collaboration avec vous et avec le clergé
diocésain, les religieux prennent une part importante dans la vie pastorale de vos
diocèses; les religieuses, par leurs activités paroissiales, éducatives ou hospitalières,
accomplissent un généreux travail au service de la population, sans distinction d'origine
ou de religion, s'attirant ainsi l'estime de tous.
Je souhaite
vivement que la vie consacrée se développe dans vos diocèses afin de contribuer à
l'édification de l'Église locale dans la charité selon le charisme propre à chaque
institut. Accueillez-la comme un don de Dieu "précieux et nécessaire pour le présent
et pour l'avenir du peuple de Dieu, parce qu'elle appartient de manière intime à sa
vie, à sa sainteté et à sa mission" (Exhortation apostolique Vita consecrata, n. 3)
! Par votre soutien, vous encouragerez les différents instituts à donner à tous leurs
membres une solide formation, qui leur permettra de répondre aux exigences spirituelles
et humaines de leur vocation.
6. Parmi les urgences qui se posent à
l'Église catholique au début du nouveau millénaire, se trouve la recherche de l'unité
entre les chrétiens. Certes, un long chemin reste à parcourir. Nous ne devons pas
nous décourager mais développer avec confiance des relations toujours plus sereines
et plus fraternelles avec les membres des autres Églises et Communautés ecclésiales.
De même, la rencontre avec les croyants de l'Islam et de la Religion traditionnelle
africaine, dans un esprit d'ouverture et de dialogue, est d'une grande importance.
Je vous encourage donc à maintenir des liens cordiaux avec les communautés religieuses
qui constituent la société, afin d'assurer entre tous les Gabonais les conditions
d'une existence harmonieuse dans le respect mutuel.
Toutefois,
comme je l'ai écrit dans la Lettre apostolique Novo millennio ineunte, "le dialogue
ne peut être fondé sur l'indifférentisme religieux, et nous avons le devoir, nous
chrétiens, de le développer en offrant le témoignage plénier de l'espérance qui est
en nous" (n. 56).
7. Chers Frères dans l'épiscopat, c'est dans ces
sentiments qu'à la fin de notre rencontre je vous invite à poursuivre avec courage
et audace l'annonce joyeuse du don que le Seigneur offre à tous les hommes : "Dieu
a tant aimé le monde qu'il a donné son Fils unique" (Jn 3, 16). La tâche prioritaire
de la mission est d'annoncer à tous que c'est dans le Christ que les hommes trouvent
le salut. Forte de sa présence agissante, l'Église ne peut se soustraire à l'urgence
du commandement missionnaire qui l'envoie à toutes les nations et à tous les peuples.
Que l'expérience de l'année jubilaire que nous venons de célébrer vous donne un enthousiasme
renouvelé pour aller de l'avant dans l'espérance !
Je confie à
l'intercession maternelle de la Vierge Marie, Reine de l'Afrique, l'ensemble de vos
diocèses et je vous donne de grand cœur une affectueuse Bénédiction apostolique, que
j'étends volontiers à vos prêtres, aux religieux et aux religieuses, aux catéchistes
et à tous les fidèles laïcs du Gabon.