Rapport Avant le Débat Général du Rapporteur Général, le cardinal Peter Kodwo Appiah
Turkson, Archevêque De Cape Cost (GHANA)
Nous publions ci-dessous le texte intégral du rapport d’introduction à la deuxième
assemblée spéciale du Synode des évêques pour l’Afrique que le cardinal Peter Kodwo
Appiah Turkson, archevêque de Cape Coast (Ghana) et Président de l’Association des
Conférences épiscoaples d’Afrique de l’Ouest (A.C.E.A.O.) a lue ce matin dans la salle
du Synode, à l’occasion de la première journée des travaux.
LUNDI 5 OCTOBRE
2009 CITÉ DU VATICAN
Introduction
Par l’intonation du “Te Deum” et
alors que la salle du synode tout entière résonnait de cet hymne de remerciement,
le 7 mai 1994 à midi, se concluait officiellement la Première Assemblée Spéciale pour
l’Afrique du Synode des Évêques. Le Synode avait traité du thème: “L’Église en Afrique
et sa mission évangélisatrice vers l’an 2000: “Vous serez mes témoins” (Ac 1, 8).
Il adressa un message à l’Église et au monde, qui reflétait les principaux élans des
procédures synodales, et vota différentes résolutions comme propositions. À partir
de là, les pères synodaux et, en vérité, l’ensemble de l’Église, attendit avec impatience
l’Exhortation apostolique post-synodale du Saint-Père, document qui aurait recueilli
les fruits du synode dans un message provenant du Saint-Père, en sa qualité de Président
du Synode, marquant la conclusion définitive de l’exercice collégial et consultatif
du Synode. Ce que fit le Saint-Père lorsqu’il publia l’Exhortation apostolique post-synodale
Ecclesia in Africa (“L’Église en Afrique”) et la présenta à l’Afrique et au monde
à Yaoundé, au Cameroun, le 14 septembre 1995, puis à Johannesbourg (Afrique du Sud)
le 17 septembre 1995, et enfin à Nairobi (Kenya) le 19 septembre 1995 [1].
I.
De la Première Assemblée Spéciale pour l’Afrique à la Seconde Assemblée Spéciale
pour l’Afrique
Le Pape Jean-Paul II décrivit le Synode, qu’il conclut avec
la proclamation de son Exhortation apostolique post-synodale Ecclesia in Africa, comme
un “Synode de la Résurrection, Synode de l'Espérance” [2]. Cette assemblée synodale,
qui avait été convoquée contre un contexte de vision mondiale pessimiste à l’égard
de l’Afrique et une situation du continent “tragiquement défavorable” [3] en ce qui
concerne la mission d’évangélisation de l’Église au cours des dernières années du
vingtième siècle, était cependant attendue comme un tournant dans l’histoire du continent
[4]. Lorsque le Saint-Père et les pères synodaux se rassemblèrent pour ce premier
synode, ils disposaient tant “d’éléments positifs que négatifs” (ombres et lumières)
dans les “signes des temps” [5] à prendre en considération. Ils avaient face à eux
les succès de l’évangélisation et la croissance des Églises locales sur le continent
à contempler et à célébrer, mais ils avaient aussi devant eux une liste de misères
et de maux desquels se plaindre et à décrier. Ils devaient honorer l’héroïsme et l’esprit
de pionnier des missionnaires, mais ils devaient également critiquer le manque d’engagement
et de zèle pastoral des ecclésiastiques, l’émergence de tendances syncrétiques, la
prolifération des sectes, la politisation de l’Islam et son intolérance face à la
critique. Ils devaient accueillir avec optimisme l’avènement des démocraties et le
réveil d’une profonde conscience du continent aux plans culturel, social, économique
et politique, mais également s’attrister pour l’existence de régimes despotiques et
dictatoriaux, de mauvais gouvernements, d’une corruption étendue et d’une croissance
alarmante de la pauvreté. La situation du continent était tout aussi largement
ambivalente que paradoxale et la rapide succession d’événements, tels que la chute
de l’apartheid et la triste explosion du génocide rwandais, avaient bien caractérisé
ce paradoxe.
Dans le cadre de ce mélange paradoxal, au sein duquel le mal
et la détresse semblaient prévaloir sur le bien et la rectitude, la convocation pascale
de la Première Assemblée Spéciale du Synode des Évêques pour l’Afrique fut perçue
comme un message d’espoir pour l’Afrique. Avec la publication de l’Exhortation apostolique
post-synodale Ecclesia in Africa, l’Église en Afrique reçut une nouvelle impulsion
et un nouvel élan pour sa vie et pour son activité sur le continent en tant qu’Église
missionnaire, c’est-à-dire une Église avec une mission. Le synode en cette convocation
pascale et l’Exhortation apostolique post-synodale ont donné à l’Église en Afrique
une nouvelle impulsion qui a résidé dans: - un espoir dans le Christ ressuscité,
comme nouvel élan pour vivre son “programme” et sa mission évangélisatrice; - un
nouveau paradigme: l’Église en tant que Famille de Dieu, permettant de donner une
perspective et un système de valeur pour vivre son “programme” et en particulier de
sous-entendre l’unité et la communion entre tous malgré les différences; - un ensemble
de priorités pastorales: l’évangélisation comme Proclamation, l’évangélisation comme
Inculturation, l’évangélisation comme Dialogue, l’évangélisation comme Justice et
Paix et l’évangélisation comme Communication, pour guider la réalisation de son “programme”
et de sa mission dans une Afrique caractérisée par un mélange de misères humaines
déplorables et par de rapides héroïsmes provenant tant de l’intérieur que de l’extérieur
de l’Église [6]. Ainsi, la période suivant la publication de l’Exhortation apostolique
post-synodale était le moment, ainsi que le croyait également le Pape Jean-Paul II
[7], pour approfondir cette expérience synodale et mettre en oeuvre Ecclesia in Africa
dans un effort persévérant et concerté afin de restaurer une nouvelle force et une
espérance plus profondément ancrée dans un continent en difficulté. Cette période
post-synodale est désormais entrée dans sa quatorzième année et, alors que la situation
du continent, de ses îles et de l’Église porte encore quelques-unes des “lumières
et des ombres” [8] ayant été la cause du premier synode, elle a également changé de
manière considérable. Cette nouvelle réalité requiert une étude minutieuse en vue
d’efforts d’évangélisation renouvelés qui demandent une analyse plus approfondie de
thèmes spécifiques, importants pour le présent et l’avenir de l’Église catholique
sur le grand continent” [9]. Par conséquent, rassemblés une fois encore en une
Seconde Assemblée Spéciale pour l’Afrique, quinze ans après la Première Assemblée
Spéciale, nous devons être fortement ancrés dans le premier synode [10], mais également
conscients et impatients d’explorer, ce qui est plus important, les “nouvelles données
ecclésiales et sociales du continent” [11], données qui affectent désormais la mission
de l’Église sur place et requièrent que l’Église africaine, tout en se reconnaissant
comme “témoin du Christ” et “famille de Dieu”, se reconnaisse également comme “sel
de la terre, lumière du monde” et “servante de la réconciliation, de la justice et
de la paix”.
Nouvelles données ecclésiales et sociales pour le Continent
Données
ecclésiales
a. Subsidia Fidei: Il est important de remarquer que l’élan
et l’impulsion que la Première Assemblée Spéciale pour l’Afrique a donné à l’Église
en Afrique pour renouveler sa force et ancrer plus fermement son espérance dans le
Seigneur, furent grandement renforcés par différents autres événements au sein de
l’Église et par les activités du Pape et de la Curie romaine, que nous pouvons évoquer
comme “subsidia fidei” pour l’Église. Ainsi, le “Synode sur l’Eucharistie” affirma
la centralité de l’Eucharistie dans la vie de l’Église-Famille de Dieu comme symbole
d’unité. Le “Synode sur l’Évêque: serviteur de l’Évangile...” rappela aux Évêques
et aux Pasteurs l’essentiel de leur ministère en tant que prédicateurs de l’Évangile
à l’intérieur de l’Église-Famille de Dieu, et le “Synode de la Parole de Dieu” a rappelé
à la famille de Dieu l’origine éternelle et impérissable de sa naissance. De plus,
les Encycliques du Pape: “Deus caritas est”, “Spes salvi” et “Caritas in veritate”,
ainsi que ses homélies et ses discours au cours de son récent voyage apostolique en
Afrique (Cameroun et Angola) ont offert des catéchèses d’une inestimable valeur pour
l’Église en Afrique. Enfin, les Dicastères de la Curie romaine ont organisé des séminaires
sur: - la “Liturgie” (Kumasi 2007) afin de fournir des lignes directrices concernant
le travail actuellement en cours d’inculturation dans la liturgie. - la “Doctrine
sociale de l’Église” (Dar-es-Salaam 2008) afin de promouvoir la connaissance et la
diffusion des enseignements sociaux de l’Église. - la “Migration” (Nairobi 2008)
pour discuter des migrations et des nouvelles formes d’esclavage. - le “Travail
des Commissions théologiques des Conférences épiscopales” (Dar-es-Salaam 2009) pour
rappeler aux Évêques l’importance de leur mission d’enseignement au sein de l’Église,
même lorsqu’ils font appel aux experts. Ces rencontres intensifient la conscience
que l’Église en Afrique a de sa vie et de son ministère.
b. La croissance exceptionnelle
de l’Église en Afrique: Au cours de ces dernières décennies (y compris les années
qui ont suivi la Première Assemblée spéciale pour l’Afrique), il est devenu habituel
de parler de la croissance exceptionnelle de l’Église en Afrique et les indicateurs,
ainsi que nous le montrent les Lineamenta et l’Instrumentum laboris, sont nombreux.
Cependant, ce qui est réellement nouveau parmi ces signes de croissance de l’Église
sur le continent et sur ses îles c’est: - la suprématie des membres africains des
congrégations missionnaires au niveau des postes à responsabilité: membres de conseil,
vicaires généraux et même supérieurs généraux. - la recherche de l’indépendance
de la part des Églises locales, engagées dans des initiatives économiques et créatrices
de revenus (banques, unions de crédits, compagnies d’assurance, immobilier et magasins). -
une croissance visible des structures et des institutions ecclésiales (séminaires,
universités catholiques et instituts des hautes études, centres de formation continue
pour les religieux, les catéchistes et les laïcs, écoles d’évangélisation), ainsi
que l’augmentation du nombre d’experts et de ressources humaines affectés au travail
de recherche dans les domaines de la foi, de la mission, de la culture et de l’inculturation,
de l’histoire, de l’évangélisation et de la catéchèse. Malgré tout, l’Église en
Afrique doit faire face à de formidables défis: - la discussion sur une Église
prospère en Afrique fait oublier le fait que l’Église n’existe pratiquement pas dans
de larges zones au nord de l’équateur. La croissance exceptionnelle de l’Église en
Afrique est présente généralement au sud du Sahara. - la fidélité et l’engagement
de certains ecclésiastiques et religieux à leur vocation. - la nécessité d’évangéliser
(ou de ré-évangéliser) en vue d’une conversion profonde et permanente. - la perte
de membres, qui migrent en direction des nouveaux mouvements religieux et des sectes.
La jeunesse catholique quitte l’Afrique (pour se rendre en Europe et en Amérique)
et y revient non-catholique parce qu’elle se sent moins chez elle au sein des Églises
catholiques qui se trouvent sur ces continents - la chute des indices de croissance
démographique en Europe et en Amérique, traditionnellement chrétiennes.
c.
Le Synode africain et le “Symposium des Conférences épiscopales d’Afrique et de Madagascar
(SCEAM)”: L’approfondissement de l’expérience synodale africaine sur le continent
et dans ses îles a intensifié grandement la croissance de l’organe continental de
l’Église appelé “SCEAM”. C’est au cours du Concile Vatican II que les Évêques africains,
à la recherche d’un moyen de coopération adéquat, créèrent un secrétariat afin de
coordonner leurs interventions et de présenter un point de vue (africain) commun au
Concile. Après le Concile et suite à la visite de Paul VI à Kampala (1969), les Évêques
africains ont décidé de s’approprier de cet instrument de coopération au Conseil permanent
avec la création du SCEAM. À cette époque, le SCEAM était un organisme permanent désiré,
une institution, capable de favoriser l’exercice, de la part des Pasteurs du continent,
d’une solidarité organique. Il devait constituer pour les Évêques le moyen de promouvoir
“l'évangélisation dans la corresponsabilité” sur le continent [12] et c’est à cet
organisme que le Pape Jean-Paul II attribua l’idée originale d’un Synode pour l’Afrique
[13]. Au cours d’une Seconde Assemblée Spéciale pour l’Afrique, il ne devrait pas
être déplacé pour les Pasteurs du continent de renouveler leur nécessité du SCEAM
et leur engagement au sein de cette institution.
Données sociales
Dans
la description des “quelques lieux critiques de la vie des sociétés africaines” [14],
l’Instrumentum laboris identifie et discute d’un grand nombre de ces nouvelles données
sociales. Nous nous devons cependant d’ajouter quelques notes qui pourraient avoir
leur importance et les présenter à l’assemblée synodale afin de compléter le cadre.
d.
Notes sociales et historiques à l’Instrumentum laboris: En 1963, dans le cadre d’une
réunion de l’Organisation de l’Unité africaine (OUA), les leaders africains décidèrent
de conserver un vestige de la règle coloniale, en maintenant les frontières coloniales
et les descriptions des États en dépit de leur caractère artificiel. Cette décision
n’a cependant pas été suivie par un développement parallèle d’un sens de la nation
qui fasse de la diversité ethnique une source d’enrichissement mutuel et qui privilégie
le bien commun national sur les intérêts des paroisses ethniques. Ainsi, la diversité
ethnique continue à être le semis des conflits et des tensions qui défient même le
sens d’appartenance des uns et des autres comme membres de l’Église-Famille de Dieu. L’esclavage
et la réduction en esclavage, que le monde arabe a engagé sur la côte est de l’Afrique
et que les Européens, avec la collaboration des africains eux-mêmes, ont récupéré
au XIVème siècle, en l’étendant à l’ensemble du continent, ont représenté un déplacement
forcé d’africains. Actuellement, la migration volontaire des fils et des filles d’Afrique
vers l’Europe, l’Amérique et l’Extrême-Orient pour différentes raisons, les place
dans des conditions serviles qui requièrent notre attention et notre soin pastoral.
e. Notes sociales et politiques à l’Instrumentum laboris: La célébration de l’indépendance
et l’avènement d’États et de nations africains gouvernés évidemment par des africains
ont été étroitement liées à l’évolution post-coloniale du continent. Le caractère
de l’exercice du pouvoir politique et du gouvernement a généralement fait l’objet
de critiques et a été vicié dans différents cas par le despotisme, la dictature, la
politisation de la religion et de l’ethnie, le mépris pour les droits des citoyens,
le manque de transparence et de liberté de la presse, etc. Mais la période qui a suivi
la Première Assemblée Spéciale pour l’Afrique, à savoir le début du Troisième millénaire,
semble avoir coïncidé avec l’émergence au niveau continental de la part des leaders
africains eux-mêmes d’un désir de “renaissance africaine” (Thabo Mbeki), “une nouvelle
affirmation de soi des africains en vue de la construction d’une civilisation africaine
qui puisse répondre aux impératifs de notre époque, à savoir la prospérité économique,
la liberté politique et la solidarité sociale” [15]. Les leaders politiques africains
semblèrent décidés à changer l’image de l’administration politique sur le continent
et ont mené une autocritique de l’Afrique qui identifie le pauvre et le mauvais gouvernement
sur le continent comme causes de la pauvreté et des malheurs de l’Afrique. Par conséquent,
ils ont indiqué la voie du bon gouvernement et de la formation d’une classe politique
capable de conserver le meilleur des traditions ancestrales de l’Afrique et de l’intégrer
aux principes de gouvernement des sociétés modernes. Ils ont adopté un cadre stratégique
(NEPAD) afin de guider sa mise en oeuvre et de donner le ton au renouvellement de
l’Afrique grâce à un leadership politique transparent [16]. L’Église en Afrique peut-elle
reconnaître ces efforts politiques réalisés par ses fils et ses filles et leur fournir
les sollicitations provenant de son annonce de l’Évangile afin de les défier à être
“lumière de leurs nations” et “sel de leurs communautés”, fournissant un “leadership
de service”?
f. Notes sociales et économiques à l’Instrumentum laboris: La
relation radicale entre la manière de gouverner et l’économie est claire et démontre
que le mauvais gouvernement provoque une mauvaise économie. Ceci explique le paradoxe
de la pauvreté du continent qui est certainement le plus richement comblé de dons
du monde. La conséquence de cette “équation gouvernement-économie” est qu’il est difficile
de trouver un pays d’Afrique qui puisse faire face à ses obligations budgétaires,
à savoir à la planification de son programme financier national, sans avoir recours
à une aide extérieure sous forme de donations ou de prêts. Le recours continuel à
ces prêts pour garantir les budgets nationaux gonfle le lourd fardeau de la dette.
L’Église universelle s’est associée à l’Église en Afrique dans le cadre d’une campagne
en faveur de son éradication au cours du Grand Jubilé de l’An 2000. Les alliances
traditionnelles économiques entre les États africains et leurs anciens colonisateurs,
comme par exemple le “Commonwealth”, ont été remplacées par d’autres puissantes alliances
économiques entre les nations africaines, prises individuellement ou en bloc, avec
les États-Unis (Millenium Challenge Account), la Communauté économique européenne
(Culture de Lomé, Accords de Yaoundé et de Cotonou [17]) et le Japon (TICAD I-III).
Récemment, la Chine et l’Inde, assoiffées de ressources naturelles, sont apparues
sur la scène, démontrant de l’intérêt pour l’ensemble de tous les aspects possibles
des économies nationales africaines. Au centre de la plupart de ces protocoles et
accords se trouve le débat sur le “commerce” et les “aides”, sachant que les pays
qui se sont développés l’ont fait grâce au commerce (non seulement en “matières premières”)
et non pas dans un “syndrome de dépendance des aides”. Les décisions et “conditions”
imposées par l’Organisation mondiale du Commerce (OMC) et par le monde développé constituent
donc une grave préoccupation pour les jeunes économies commerciales d’Afrique. Comme
nous l’avons mentionné ci-dessus, les leaders africains ont récemment adopté un cadre
stratégique (NEPAD [18]) afin de conduire le partenariat économique de l’Afrique et
sa sortie de la pauvreté et de lui permettre d’atteindre les Objectifs du Millénaire
pour le développement. Ainsi que l’a déclaré M. Uschi Eid, “seuls des sollicitations
et des efforts provenant d’Afrique nous conduiront au succès” [19]. Dans un sens,
la sortie de l’Afrique de ses graves difficultés économiques devrait être l’oeuvre
d’Africains et être menée par eux [20]. Dès lors, les coeurs doivent être convertis
et les yeux guéris afin d’apprécier les nouvelles voies d’administration du bien public
en fonction du bien-être commun et ceci est le rôle de la mission d’évangélisation
de l’Église sur le continent et sur ses îles.
g. Notes sociales à l’Instrumentum
laboris: Le déclin des ces situations historiques, politiques et économiques détermine
la santé (stable, pacifique, prospère) de la société africaine et elles constituent
aussi les sources traditionnelles de défis pour la mission évangélisatrice de l’Église
sur le continent et sur ses îles. Il existe également un certain nombre de phénomènes
et d’initiatives internationales dont l’impact sur la société africaine et certaines
de ses structures valent la peine d’être évaluées et qui posent de nouveaux défis
à l’Église. Si l’importance croissante donnée à la place et au rôle des femmes dans
la société constitue une heureuse évolution, l’avènement au niveau mondial de styles
de vie, de valeurs, d’attitudes et d’associations, etc. qui déstabilisent la société,
est inquiétant. Ceci attaque les piliers fondamentaux de la société (le mariage et
la famille), diminue son capital humain (migrations, diffusion des drogues et commerce
des armes) et met en danger la vie sur la planète. Le mariage et la famille ont
été soumis à des pressions étranges et terribles afin de redéfinir leur natures et
leurs fonctions au sein de la société moderne. Les mariages traditionnels, qui fondent
des familles, sont mis en danger par une proposition croissante d’unions et de relations
alternatives, dépourvues du concept d’engagement définitif, à caractère non hétérosexuel
et n’ayant pas vocation à la procréation. Elles disposent d’ores et déjà de partisans
à l’intérieur de l’Église dans certaines parties du continent. Cet assaut mené contre
le mariage et la famille est promu et soutenu par des groupes qui produisent rapidement
un lexique destiné à remplacer les concepts traditionnels et les termes relatifs au
mariage et à la famille par de nouveaux. L’objectif est d’établir une nouvelle éthique
globale à propos du mariage, de la famille, de la sexualité humaine et des thèmes
liés à l’avortement, à la contraception, aux aspects de l’ingénierie génétique, etc. Trafic
de drogue et trafic d’armes: Certaines régions du continent sont devenues de véritables
routes pour le trafic de drogue provenant d’Amérique latine et destinée à l’Europe.
En Afrique de l’Ouest, le trafic de drogue est cité comme la cause sous-jacente de
l’instabilité et des troubles en Guinée-Bissau et maintenant également en Guinée.
Lorsqu’au début du mois de juillet, les militaires guinéens ont déclaré l’état d’alerte
maximum, leur décision était justifiée par la crainte d’une invasion soutenue par
les cartels de la drogue. Les drogues ne passent pas simplement par certaines régions
et îles du continent, elles ont trouvé partout des consommateurs. L’usage de drogue
et la toxicomanie parmi les jeunes sont rapidement devenus la plus forte source d’émiettement
de capital humain en Afrique et dans ses îles, à côté de l’immigration, des conflits
et des maladies telles que le SIDA et la malaria. Le trafic d’armes sur petite
et grande échelle est étroitement lié au trafic de drogue et à l’aventurisme politique.
L’Église en Afrique, rassemblée en Assemblée spéciale, s’associe au Saint-Siège pour
accueillir avec joie les initiatives des Nations Unies visant à bloquer le trafic
illégal d’armes et rendre plus transparent l’ensemble du commerce des armes. Elle
soutient en particulier l’étude en cours dans le cadre de la préparation d’un traité
ayant force juridique contraignante relatif à l’importation, à l’exportation et au
transit d’armes conventionnelles en Afrique.
Environnement et changements
climatiques: Les nappes de pollution qui recouvrent de temps en temps la plus grande
partie de l’Afrique de l’est, et la diminution des précipitations, la sécheresse et
la famine sont généralement considérées comme un effet d’El Niño, mais elles montrent
combien les conditions climatiques du continent sont généralement dures et combien
les équilibres écologiques précaires dans certaines régions d’Afrique peuvent être
affectés par les “changements climatiques” observés sur la planète. Ainsi, les Nations
Unies et les sommets mondiaux sur les changements climatiques, les gaz à effet de
serre et la raréfaction de la couche d’ozone, comme le dernier en date qui a eu lieu
à Copenhague en décembre, doivent bénéficier du soutien orant de l’Afrique, alors
qu’elle s’efforce d’explorer et de développer des sources alternatives d’énergie propre
(solaire, éolienne, énergie dérivant des vagues, biogaz, etc.). À la fin de cet
exposé, qui est naturellement incomplet, il est clair que même si le continent et
l’Église sur le continent africain ne sont pas encore sortis de leurs peines, ils
peuvent déjà se réjouir pudiquement de leurs réalisations et des performances positives,
et commencer à démentir les généralisations stéréotypées concernant les conflits,
la famine, la corruption et le mauvais gouvernement. Les quarante-huit pays qui forment
l’Afrique subsaharienne sont caractérisés par de grandes différences en ce qui concerne
les situations de leurs Églises, leur gouvernement et leur vie sociale et économique.
De ces quarante-huit nations, seules quatre: la Somalie, le Soudan, le Niger et certaines
régions de la République démocratique du Congo sont actuellement en guerre et au moins
deux d’entre elles sont en guerre, du fait d’ingérences étrangères: la République
démocratique du Congo et le Soudan. À vrai dire, il y a moins de guerres en Afrique
qu’en Asie. De plus en plus, des mercenaires et des criminels de guerre sont dénoncés,
reconnus coupables de crimes et jugés. Un fonctionnaire de la République démocratique
du Congo a fait l’objet de poursuites judiciaires et Charles Taylor, du Libéria, comparaît
devant la Cour internationale. La vérité est que l’Afrique a été chargée pendant trop
longtemps par les médias de tout ce qui était répugnant pour le genre humain et il
est temps de “passer à la vitesse supérieure” et de dire la vérité sur l’Afrique avec
amour, en favorisant le développement du continent, ce qui portera au bien-être du
monde entier [21]. Les pays du G8 et les pays du monde entier doivent aimer l’Afrique
en vérité! [22]. Généralement considérée comme occupant le dixième rang de l’économie
mondiale, l’Afrique est cependant le deuxième marché mondial émergeant après la Chine.
Elle représente donc, ainsi que l’a indiqué le sommet du G8 à peine conclu, un continent
d’opportunités. Cela doit être également vrai pour les peuples de ce continent. On
peut espérer que la poursuite de la réconciliation, de la justice et de la paix réalisée
en particulier par les chrétiens, du fait de leur enracinement dans l’amour et dans
la miséricorde, permette de restaurer la totalité de l’Église-Famille de Dieu sur
le continent et que cette dernière, en tant que sel de la terre et lumière du monde,
puisse guérir “le cœur humain blessé, ultime repaire où se niche la cause de tout
ce qui déstabilise le continent africain” [23]. Ainsi, le continent africain et ses
îles réaliseront les opportunités et les dons qui lui ont été donnés par Dieu.
II.
De l’appartenance à la “Famille de Dieu (évangélisateurs)” uu devenir “Serviteurs
(ministres=diakonoi) de réconciliation, de Justice et de Paix”
Comme nous l’avons
déjà observé, lorsque la Seconde Assemblée Spéciale pour l’Afrique s’est réunie afin
d’examiner l’évangélisation sur le continent et sur les îles au seuil du Troisième
millénaire de la foi chrétienne, l’Église-Famille de Dieu a été adoptée comme principe
directeur pour l’évangélisation de l’Afrique [24]. L’image de l’Église-Famille de
Dieu a évoqué certaines valeurs telles que l’attention aux autres, la solidarité,
le dialogue, la confiance, l’acceptation et la chaleur humaine dans la relation. Mais
elle a également évoqué les réalités socio-culturelles de la paternité, de la génération
et de la filiation, de la parenté et de la fraternité, ainsi que les réseaux des relations
qui sont générés par ces réalités sociales et auxquelles les membres appartiennent.
Les relations construisent la vie de communion de la famille; mais elles exigent aussi
des membres l’accomplissement de ce qui constitue aussi bien leur justice et rend
les relations harmonieuses et pacifiques. Lorsque, cependant, les exigences des relations
ne sont pas accomplies, la justice est enfreinte, les relations sont brisées et la
vie de la communion est blessée, endommagée et affaiblie.
L’Instrumentum laboris
observe ce point et souligne les nombreux défis à la communion et à l’ordre social
que cause sur le continent l’indifférence aux légitimes exigences de la relation.
Dans ces cas-là, le rétablissement de la communion et l’ordre légitime sont ce que
la réconciliation représente; et elles prennent la forme d’un rétablissement de la
justice qui seule redonne la paix et l’harmonie avec l’Église-Famille de Dieu et la
famille de la société. L’intervention suivante veut contribuer à la discussion
synodale sur ce thème en fournissant de brefs fondements bibliques des termes concernant
le thème du synode, avec une vision des exemples de base des termes et de leur interaction
tout d’abord dans les relations humaines (au sein de la société humaine) et avant
tout dans la relation de Dieu avec l’homme (l’humanité).
a. Serviteurs (diakonoi)
de la Réconciliation comme Rétablissement de la Justice
Dans les Écritures,
la réconciliation est une initiative divine, un mouvement libre et gratuit, que Dieu
promeut pour l’humanité; et son but est de rétablir et de restaurer la communion que
l’engagement constitue mais que le péché menace et détériore. L’enseignement de
saint Paul à l’Église corinthienne sur ce sujet est très instructive: “Si donc quelqu’un
est dans le Christ, c'est une création nouvelle : l’être ancien a disparu, un être
nouveau est là. Et le tout vient de Dieu, qui nous a réconciliés avec Lui par le Christ
et nous a confié le ministère de la réconciliation. Car c’était Dieu qui dans le Christ
se réconciliait le monde, ne tenant plus compte des fautes des hommes, et mettant
en nous la parole de la réconciliation. Nous sommes donc en ambassade pour le Christ;
c’est comme si Dieu exhortait par nous. Nous vous en supplions au nom du Christ :
laissez vous réconcilier avec Dieu” (2 Co 5, 7-20). La Réconciliation est, donc,
un acte divin, dont nous (l’humanité) faisons l’expérience, et dans laquelle nous
devenons ses instruments et ses ambassadeurs.
L’Expérience de la Réconciliation
des Apôtres
L’Évangile a présenté la vie et le ministère de Jésus comme l’oeuvre
de salut du Père pour l’humanité. Les disciples de Jésus ont été les premiers à être
appelés à faire une expérience du don du salut du Père en Jésus; et ils l’ont faite
de différentes manières, incluant le pardon et la réconciliation. Le salut de “paix”
de Jésus aux disciples le matin de la Résurrection (Jn 20, 19-21), par exemple, était
à la fois pour pardonner leur trahison et leur abandon envers Jésus et pour restaurer
leur amitié. Jésus ne demandait pas à ses disciples qu’ils admettent leur culpabilité.
Il n’y avait pas une exigence de pardon; et aucune excuse n’avait été faite. Il s’agissait
simplement d’un commentaire bénin sur tout le désagrément. Dans ce contexte, c’est
un libre pardon et un salut de paix de réconciliation qui avaient été donnés. La
Réconciliation est, ici, un geste de conciliation libre et non mérité, que l’offensé
(Jésus) offre à l’offenseur (les disciples). Maintenant chargés de prêcher l’Évangile
jusqu’aux confins du monde, les disciples-apôtres de Jésus ont accompli leur mission
en tant qu’ “évangélisateurs qui ont été évangélisés” et en tant qu’ “ambassadeurs
de la réconciliation qui ont fait l’expérience de la réconciliation”.
L’Expérience
de la Réconciliation de Paul
Plus tard, Paul est venu après les disciples-apôtres
de Jésus en tant que prêcheur du même don du salut en Jésus. Mais ayant reçu cette
mission de prêcher Jésus dans les circonstances particulières de sa rencontre avec
le Seigneur ressuscité sur la route de Damas, Paul aurait également compris le don
du salut en Jésus par le Père comme un acte de réconciliation du Père [25]. Car,
ainsi qu’il l’aurait admis: “moi, naguère un blasphémateur, un persécuteur, un insulteur.
Mais il m'a été fait miséricorde parce que j'agissais par ignorance, étranger à la
foi, et la grâce de notre Seigneur a surabondé...” (1 Tm 1, 13-14). Donc, pour
Paul, l’expérience du salut était aussi un passage de l’hostilité et de l’inimitié
envers le Christ et envers son Église en la croyance dans le Christ et la communion
avec son Église. Ce passage de l’inimitié à la communion constitue la réconciliation;
et c’est une expérience imméritée que seul Dieu peut provoquer et amener une personne
à la faire. En cela, Paul se considère comme un exemple pour ceux qui, plus tard,
doivent croire en le Christ (cf. 1 Tm 1, 16).
La Réconciliation avec Dieu (verticale)
et parmi les êtres humains (horizontale)
En Jésus: dans sa vie et dans son
ministère, mais, spécialement, dans sa mort et sa résurrection, Paul avait vu Dieu
le Père réconcilier le monde (toutes les choses sous le ciel et sur la terre) avec
lui-même, ne tenant plus compte des fautes des hommes (cf. 2 Co 5, 19; Rm 5, 10; Col
1, 21-22). Paul avait vu Dieu le Père réconcilier les Juifs et les Gentils avec lui-même,
créant un homme nouveau à la place de deux (Ep 2, 15; 3, 6). Ainsi, l’expérience de
réconciliation établit une communion sur deux niveaux: communion entre Dieu et les
hommes; et du fait que l’expérience de réconciliation nous fait aussi (nous, l’humanité
réconciliée) “ambassadeurs de réconciliation”, elle établit, aussi, de nouveau une
communion entre les hommes.
La Réconciliation entre Dieu et l’Humanité
La
création de l’humanité à l’image et à la ressemblance de Dieu, l’élection d’Israël
pour être “portion et héritage de Dieu”, et la rédemption de l’humanité par le Christ
et son sceau avec l’Esprit Saint (cf. Ep 1, 13; 4, 30) conduit l’humanité à la communion
avec Dieu. Lorsque l’humanité est aliénée et séparée de Dieu par le péché (désobéissance,
idolâtrie, rejet de Jésus), la réconciliation prend la forme du pardon; et c’est l’œuvre
de Dieu [26]. C’est Dieu qui engage la réconciliation avec Israël et l’humanité séparés
et souillés par le péché, les ramenant à lui (Ps 80, 3.7.19; Os 11.14) “pour être,
à la louange de sa gloire” (Ep 1, 12) et parce qu’ils sont “créés saint et juste dans
la vérité, à l’image de Dieu” (Ep 4, 24); et Jésus, “Celui qui n’avait pas connu le
péché, Il l’a fait péché pour nous, afin qu’en lui nous devenions justice de Dieu”
(2 Co 5, 21; Ga 3:13; Rm 8, 5) restent nos moyens de réconciliation. Ceci, toutefois,
est l’oeuvre de l’amour de Dieu.
La Réconciliation au sein de la Famille Humaine
En
se référant brièvement à l’histoire de Jésus et de Zachée (Lc 19), l’on s’aperçoit
que la rencontre entre Jésus et Zachée ne conduit pas seulement à une conversion qui
établissait une communion entre Zachée et le Seigneur. Cette rencontre conduisait
à une conversion qui restaurait aussi la relation de Zachée avec son peuple. Dans
cette nouvelle relation, la conception qu’il avait de son peuple changeait aussi:
ils étaient frères et non pour être exploités ou frustrés.
Ainsi, la Réconciliation
n’est pas limitée au dessein de Dieu de l’humanité séparée et souillée par le péché
de lui-même dans le Christ à travers le pardon des fautes et en-dehors de l’amour.
C’est aussi la restauration des relations entre le peuple au moyen de la solution
des différences et de la suppression des obstacles à leurs relations dans leur expérience
de l’amour de Dieu. Ceci est, en effet, la caractéristique qui distingue la réconciliation
dans le ministère de Jésus Christ. À part cela, les Écritures attestent un certain
nombre de formes de réconciliation à travers des solutions [27], telles que: -
l’offenseur admet avoir mal agi et demande pardon, reconnaissant ainsi que l’offensé
est dans son droit (droit) [28]; - l’offenseur nie qu’il a mal agi et ainsi commence
un arbitrage afin d’établir qui est dans le juste; - l’offensé pardonne unilatéralement
et veille à la cessation des hostilités, faisant régner paix et réconciliation. Dans
tous ces cas, pourtant, la réconciliation, en tant que passage de l’hostilité à la
paix, de l’aliénation à la communion, n’est pas un sacrifice des droits; et ne remplace
pas la justice. Mais bien plutôt, c’est de nouveau l’établissement de la justice et
elle en est le fruit. En somme, la réconciliation du peuple jusqu’ici séparé peut
prendre la forme des Juifs et des Gentils marchant ensemble en tant qu’héritiers du
Royaume (Ep 2, 13-15). Elle peut prendre la forme des membres d’une communauté de
fidèles aplanissant leurs différences et étant en paix les uns avec les autres (Mt
5, 23-26; 1 Co 3:3); et elle peut aussi prendre la forme d’une communauté dont les
membres se pardonnent mutuellement leurs offenses (Mt 18, 15; Lc 17, 3-4), et ne nourrissant
ni colère ni rancune (Ep 4:26). À travers le pardon, les membres de la famille humaine
construisent une communauté du réconcilié (Ep 2, 16-19), dont le pardon mutuel reflète
celui de leur Père dans les cieux (Mt 6, 12; Lc 11:4), qui donne naissance à notre
réconciliation de son amour et de sa miséricorde.
Une Perspective pour l’Instrumentum
laboris
Il s’agit ici d’une spiritualité de la réconciliation qui peut inspirer
sa discussion dans l’Instrumentum laboris, et qui doit devenir la disposition dans
laquelle doit se trouver le serviteur de la réconciliation. Ainsi, dans une Église,
qui est une famille en communion, la réconciliation devient, non pas un état ou une
action, mais un processus dynamique, une tâche à entreprendre chaque jour, un but
à atteindre, un effort sans fin pour rétablir, au moyen de l’amour et de la miséricorde,
la fraternité brisée, les liens fraternels et la confiance [29].
b. Serviteurs
(diakonoi) de la Justice (Rectitude)
Le fruit de la réconciliation entre Dieu
et les hommes, et à l’intérieur de la famille humaine (d’homme à homme), comme on
l’a remarqué, est la restauration de la justice et les exigences légitimes de la relation.
C’est à la fois éthique et religieux ; et c’est ce qu’exige l’amour et la miséricorde. Fausses
formes de Justice Le concept de la justice a déjà été sécularisé pour signifier
: - la simple “loi du plus fort” ; - un compromis social qui évite de plus grands
maux ; et - les avantages de l’impartialité dans l’application générale d’une loi
singulière, sans considération pour la justice naturelle [30].
La montée de
l’“esprit du capitalisme” également ajouté à l’aliénation du concept de justice hors
de toute racine transcendante [31]. La moralité de l’économie, par exemple, était
rationaliste et individualiste. Son principal intérêt était le profit; et elle était
séparée des demandes de solidarité, d’un “ordo amoris” et de tout lien moral religieux.
Par conséquent, toute la notion de justice sociale était éliminée; et la “justice”
n’était appliquée qu’aux conventions de contrats négociés dans le cadre de la loi
de l’offre et de la demande, sans aucune restriction sur l’entreprise individualiste.
L’état faisait simplement respecter l’ordre public et les engagements des contrats,
mais restait parfaitement neutre quant à leur contenu [32]. Par opposition, la
justice de la diakonia chrétienne est l’ordre juste des choses et la satisfaction
des exigences légitimes des relations. C’est la justice et la rectitude de Dieu et
de son Royaume (Mt 6,33). Dans l’état présent des péchés humains et des cœurs blessés,
cependant, l’Ancien Testament répète fréquemment que la justice ne peut venir à l’homme
par ses forces propres, mais est un don de Dieu; et le Nouveau Testament développe
pleinement cette conception en faisant de la justice la révélation suprême de la grâce
salvifique de Dieu.
Le sens de la “Rectitude du Royaume” [33]
La rectitude
ou justice du Royaume n’est pas exactement la justice punitive, bien que cela soit
parfois le sens de son attribution à Dieu (Ap 15, 4 ; 19, 2.11 ; 16, 5-6 ; He 6, 10;
2 Th 1, 6). Elle n’a pas non plus le sens de la “conformité à une norme ou à un ensemble
de normes”. Enfin, ce n’est pas son sens premier ; et ce ne peut en aucun cas être
appliqué à Dieu en ce sens. Présenté différemment comme tsedaqah et tsedek, la
justice (rectitude) est la satisfaction des exigences de la relation, que cette relation
soit avec Dieu ou avec les hommes [34] ; et quand Dieu ou l’homme remplit les conditions
qui lui (à lui ou à elle) sont imposées par la relation, il (elle) est, dans les termes
de la Bible, “droit” (tsadiq/dikaios). Fondamentalement, trois événements représentent
toutes les relations qui existent entre Dieu et l’homme, et entre les hommes. Il s’agit
de : - la création de l’humanité “à l’image de Dieu” (Gn 1, 26-27) qui fait des
êtres humains les créatures de Dieu. Le même acte de la création, cependant, postule
pour l’humanité une origine et une parenté communes, ce qui relie radicalement tous
les membres de la famille humaine les uns aux autres, comme frères et sœurs [35] ; -
l’alliance-élection d’Israël par Dieu, qui fait d’Israël “le premier-né de Dieu”,
“son héritage”, “son destin”. Cela fait des fils d’Israël des “frères” (Dt 15, 11.12); -
la nouvelle alliance dans le sang du Christ; pour laquelle tous les disciples du Christ
sont marqués du “sceau de l’Esprit Saint” (Ep 1, 13-14), qui fait d’eux des “temples
de l’Esprit Saint” et la “famille de Dieu”. Cela constitue la base des relations
entre Dieu et l’humanité, à ses différents points dans l’histoire; et ce sont des
initiatives de Dieu et des actions de son amour. En ce sens, la rectitude est une
justice radicale et compréhensive de caractère religieux, qui demande que l’humanité
se rende elle-même à Dieu, dans l’obéissance et dans la foi, et qui fait de chaque
péché une “injuria”, une injustice et une impiété. Cela demande également que l’homme
remplisse les exigences légitimes des relations qu’il/elle établit en raison de la
création et de la fraternité universelle des hommes, et en raison du salut et d’un
commun appel à la sainteté et filiation dans le Christ.
La Rectitude (Justice)
basée sur la Création
La question des impôts à payer à César (Mt 22, 15-22
; Mc 12, 13-17; Lc 20, 20-26) donna à Jésus l’occasion de définir la relation de base
entre Dieu et l’homme en tant que justice (rectitude). Dans la réponse de Jésus,
le denier appartenait à César, parce qu’il portait le signe de propriété de César,
son nom, son effigie et son inscription. En toute justice, la propriété du denier
de César devait être reconnue et respectée; aussi faut-il “rendre à César ce qui appartient
à César”. La seconde partie de la réponse de Jésus abordait la question plus fondamentale
de savoir si ceux qui sont faits “à l’image de Dieu”, autrement dit les êtres humains,
donnent à Dieu son juste dû (Gn 1, 26-27). L’appartenance de l’humanité à Dieu,
en raison de sa création “à l’image de Dieu” est la base de la vie de communion entre
Dieu et l’humanité ; et elle prend la forme de la justice : l’humanité donnant à Dieu
son juste dû. Dans les Écritures, l’humanité donne à Dieu son juste dû quand l’homme
“obéit à la voix de Dieu”, “croit en Lui”, “le craint” et “le vénère” ; et là où cela
manque, l’humanité doit se montrer “repentante” (Ac 17, 30). Par conséquent, la
parenté commune de l’humanité (Ac 17, 28-29) s’accompagne d’un “ordo amoris” de solidarité
et de fraternité universelle, qui est soutenu par la justice dans leurs relations.
La
Rectitude (Justice) basée sur les Alliances de Dieu
Les différentes alliances
dans l’Ancien Testament établissent des relations différentes entre Dieu et : -
les individus singuliers: Abraham (Gn 17, 4), Isaac (Gn 17, 19.21), Jacob (Ex 6, 4),
David (2 Ch 21, 17); - les familles: Abraham (Gn 17, 11), David (2 S 7) ; et -
le peuple d’Israël (Dt 4, 12-13 ; et donc Ex 19-20; 24, 8; Lv 24, 8 ; Is 24, 5). Certaines
des alliances de l’Ancien Testament expriment également les alliances entre les êtres
humains : Isaac et Abimelech (Gn 26, 28-29), Jacob et Laban (Gn 31, 44), David et
Jonathan (1 S 20, 16). Les alliances établirent des relations spéciales qui imposèrent
aux partenaires des exigences particulières. Conserver et respecter les exigences
d’une relation c’était prendre un parti juste et droit [36]; et la justice (rectitude)
était l’observance des exigences des relations, qui assurait fraternité et communion,
verticalement, entre Dieu et l’humanité, et horizontalement, parmi le peuple. Les
termes contraires dans la Bible sont “cruel (evildoer)” et “cruauté (rasha)” ; et
ils signifient le mal commis contre l’un des membres de la relation, avec lequel l’autre
est en relation. Ainsi, les “cruels” détruisent la communauté (communion) parce qu’ils
ne peuvent satisfaire les exigences des relations communautaires [37]. Les alliances
entre Dieu, les individus et le peuple d’Israël représentèrent des initiatives de
Dieu, qui placèrent les individus, les familles et le peuple d’Israël dans une relation
spéciale et exigèrent d’eux de vivre les exigences des relations envers Dieu et envers
eux-mêmes. Les exigences de la relation, d’une part, étaient la soumission dans la
foi et la croyance au don de Dieu, parfois exprimées par l’exécution d’un simple rite
de circoncision (Gn 17, 10-11), mais souvent à travers le respect des lois (torah)
de Dieu (Ex 19, 5 ; Dt 7, 9, etc.). D’autre part, les juifs devaient répondre à certaines
exigences parmi eux (justice sociale) en raison de leur relation d’alliance avec Dieu.
En raison de ses nombreux péchés et de ses nombreuses violations des exigences
de sa relation d’alliance avec Dieu, Israël agit injustement (injuria) et se plaça
lui-même en dehors de la relation. Il n’avait plus rien à exiger de Dieu en tant que
partenaire d’alliance. Si Dieu continuait à le traiter comme un partenaire d’alliance,
c’est parce que Dieu fermait les yeux sur ses infractions “la faisant revenir” (Ps
80, 3.7.19). Israël, pour sa part, ne peut que confesser ses péchés et laisser Dieu
venir la chercher. C’était le principal sujet d’Osée et des prophètes d’après l’exil.
La rectitude de Dieu consista alors dans sa justification d’Israël : en ramenant Israël
dans sa relation d’alliance malgré ses fautes. Pour sa part, la rectitude d’Israël
consista à confesser ses péchés, en reconnaissant ses fautes, et en acceptant fidèlement
le don gracieux de Dieu du salut.
La Rectitude (Justice) basée sur la Nouvelle
Alliance dans le Christ
C’est sur cette note que Jean le Baptiste commença
son ministère ; et son ministère remplit toute la rectitude dans le sens que le repentir
et la confession des péchés, qu’il exigeait, étaient la reconnaissance par Israël
(et l’humanité) de son inaptitude à la fidélité aux exigences de son alliance, son
expérience imméritée, pas moins, du pardon et des faveurs “justifiés” de Dieu, et
la reconnaissance que Dieu agit seulement par amour et miséricorde. Quand, par conséquent,
Jésus fut baptisé par Jean, il rejoignit l’humanité pour confesser tout cela en tant
que rectitude de Dieu. C’est en cela que l’on dit que Jésus a satisfait toute rectitude! En
Jésus et dans son ministère, on peut voir deux choses : - La révélation de la justice
en tant que grâce divine et juste qui dépasse les exigences légitimes de la relation
d’alliance et rétablit l’humanité par miséricorde [38] et l’amour dans une relation
d’alliance. En effet, “c’est bien par la grâce que vous êtes sauvés, moyennant la
foi. Ce salut ne vient pas de vous, il est un don de Dieu” (Ep 2, 8). - Le legs
de l’Esprit de Jésus à l’Église et à ses membres, les autorisant à répondre à la justice
(rectitude) de Dieu dans la foi et à devenir la “justice de Dieu en Jésus Christ”
(2 Co 5, 21), “justifiant”, à leur tour, un autre par miséricorde et amour [39] :
ignorant leurs péchés et leurs atteintes à leurs droits, leurs relations socio-politiques,
etc., et en restaurant ainsi la communion de la famille de Dieu et de la famille de
la société. Ce sens de justice et de rectitude suggère que l’appel de l’Instrumentum
laboris à être des serviteurs de justice est d’abord et avant tout un appel à une
expérience spirituelle : l’expérience de la justification (grâce justifiante) dans
la foi, et à ses témoins dans l’Église et dans la société, justifiant les autres.
Comment pourrait-on autrement réparer les plaies et les nombreuses blessures avec
lesquelles les gens vivent sur ce continent et restaurer la communion ?
c.
Serviteurs/Ministres (diakonoi) de la Paix : le Catéchisme de l’Église catholique
reprend l’enseignement de saint Augustin que “la paix est la tranquillité de l’ordre”
[40]. Il continue en affirmant comment “le respect et le développement de la vie humaine
l’exige”, et que c’est “le travail de la justice et l’effet de la charité” [41].
La
Paix en tant qu’oeuvre de la Justice
La Justice (rectitude), comme on l’a fait
remarqué précédemment, est un concept de relation; et le droit, c’est celui ou celle
qui remplit les attentes qu’on a de lui/d’elle dans la relation dans laquelle il/elle
est engagée. En ce qui concerne les Israélites pécheurs et de l’humanité décadente
(Rm 5, 6 ss.), que Dieu a justifié dans le Christ, leur imposant la rectitude, leur
justice (rectitude) consiste dans la reconnaissance de leur besoin de la grâce justifiante
de Dieu, et leur soumission dans la foi; et cela se révèle être précisément l’attitude
qui dispose le peuple à la paix de Dieu dans l’Évangile. C’est pour cela que, au moment
de la naissance de Jésus, quand l’ange annonça la venue de la paix de Dieu sur terre,
elle n’était accordée qu’“aux hommes objets de sa complaisance” (Lc 2, 14).
La
“Paix” est accordée sur Terre, “aux hommes objets de sa complaisance” (Lc 2, 14) ;
et le sens de la phrase : “aux hommes objets de sa complaisance”, est, selon certains
auteurs, “tous ceux qui recevront la grâce de Dieu et qui y répondront avec foi” [42].
Cette compréhension de la phrase, comme on peut le rappeler, coïncide avec le sens
du “juste” et droit énoncé ci-dessus; et il semblerait alors que le “juste (droit)”,
comme ceux qui sont disposés à accepter l’oeuvre de Dieu dans la foi, sont aussi ceux
sur Terre, sur lesquels repose la “paix” de Dieu. Il semblerait également alors que
ce sont ceux qui font l’expérience de la paix de Dieu qui sont disposés à faire la
paix sur terre, répondant aux attentes des relations dans lesquelles ils sont engagés. Il
y a ici une mise en évidence d’une étroite relation existant entre la paix et la justice
(rectitude), que voit Isaïe lui-même (Is 23, 17), que le Psalmiste chante (Ps 85,
10), et que Paul contemple dans chaque Chrétien qui est bien établi (justifié) en
Dieu dans le Christ: “Ayant donc reçu notre justification de la foi, nous sommes en
paix avec Dieu par notre Seigneur Jésus Christ” (Rm 5,1). Ainsi, la paix provient
du ciel. C’est le don de Dieu; et elle est étroitement reliée à sa justice/rectitude.
Sur la terre aussi, elle est révélée comme don de Dieu provenant d’en haut; et elle
est aussi accordée au juste/droit (“aux hommes objets de sa complaisance”).
La
Paix en tant que conséquence de la Charité (l’Amour de Dieu dans le Christ)
Parce
que la “paix” était si étroitement liée à l’alliance et à l’existence même de ses
attentes, lorsque le peuple de Dieu n’a pas réussi à être fidèle à l’alliance, la
“paix” a aussi pris la fuite. L’intervention de Dieu a à nouveau été demandée en plus
de sa grâce aimante afin d’apporter la “paix” à son peuple ; et c’est dans ce sens
que les écrits successifs à l’exil d’Israël ont commencé à voir la “paix” apportée
par le châtiment du serviteur de Dieu: “Le châtiment qui nous rend la paix est sur
lui” (Is 53,5). Jésus Christ, dans sa mission et son ministère, a accompli la vision
des derniers prophètes d’Israël. “Car Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son
Fils unique” (Jn 3,16) ; et, ayant été “livré pour nos fautes et ressuscité pour notre
justification” (Rm 4,25), le Fils de Dieu est devenu notre “paix”. Ainsi, si la “paix”
provient de Dieu (Ga 1,3; Ep 1,2; Ap 1,4) et est faite de Dieu (Ph 4,7; Col 3,15;
Rm 15,33), c’est le Christ qui représente cette “paix” (Ep 2,14). C’est lui qui la
proclame et l’établit (Ep 2,17); et il est la présence de Dieu qui apporte la paix
que le monde ne peut pas donner.
Le sens de la Paix dans le Christ
La
“paix” n’a pas simplement un sens séculier, en tant qu’absence de conflit (Gn 34,21;
Jos 9,15; 10, 1; Lc 14,32), présence d’harmonie à la maison et au sein de la famille
(Is 38,17; Ps 37,11; 1 Co 7,15; Mt 10,34; Lc 12,51), sécurité individuelle et commune
(nationale) et prospérité (Jg 18,6; 2 R 20,19; Is 32,18). La “paix” n’existe pas simplement
lorsque les êtres humains et leurs sociétés accomplissent leurs devoirs respectifs
et reconnaissent les droits des autres personnes et des autres sociétés [43]; et elle
ne représente pas simplement l’un des résultats du combat pour la justice [44]. Essentiellement,
la “paix” transcende le monde et les efforts de l’homme [45]. Elle représente le don
de Dieu (Is 45,7; Ne 6,26) accordé au “droit/juste”. Généralement exprimée
comme “shalom” (Ancien Testament) et “eirene” (LXX et Nouveau Testament), toute forme
de “paix” est un tout déterminé par Dieu et accordé “aux hommes objets de sa complaisance”,
à savoir les justes et les droits.
Ainsi, lorsque Jésus a pardonné le pécheur
(Lc 7,50) et guéri le malade (Lc 5,34), il les envoient “en paix”: “va en paix”. “Va
en paix” n’était pas simplement une bénédiction d’adieu. C’était un don de shalom.
Le pardonné et le soigné n’ont pas simplement été restitués à la plénitude de leur
corps; ils ont également été mis en paix avec Dieu par les moyens de leur foi et rendus
totalement sains devant Dieu et la communauté [46]. Ce dernier est aussi le
sens du voeu de “paix” que Jésus fait à ses disciples le matin de la résurrection
(Jn 20, 19-21). C’est le pardon de leur trahison envers Jésus aussi bien que la restitution
de son amitié. Jésus n’a pas demandé aux disciples d’admettre leur faute. Il n’y a
pas eu de demande de pardon; et aucune excuse n’a été professée. Il y a simplement
eu une dissimulation bienveillante de toutes les défaillances. À sa place, il a donné
un pardon gratuit et un voeu de “paix” conciliant. La “paix” de Jésus est notre
paix pour laquelle il a porté nos châtiments (Is 53,5). Il s’agit donc d’une restitution
gratuite et non méritée de la plénitude et de la communion avec Dieu et avec les hommes;
et elle est reçue par tous ceux qui l’accueillent comme grâce de Dieu et répondent
avec foi, c’est-à-dire “aux hommes objets de sa complaisance” (les justes). C’est
à de tels droits porteurs de la paix du Christ sur la terre que saint Paul encourage
ses communautés chrétiennes à poursuive la paix (Rm 14, 19; Ep 4,3; He 12,14) et à
être en paix les uns avec les autres (Rm 12,18; 2 Co 13,11), comme le veut à présent
l’Instrumentum laboris pour l’Église en Afrique. Mais c’est aussi à de tels droits
porteurs de la paix du Christ sur la terre que nous devons nous remémorer, comme nous
l’avons fait avec “justice”, que la “paix” est une activité qui va au-delà de la justice
au sens strict et qui requiert de l’amour [47]. Elle provient de la communion avec
Dieu et a pour but le bien-être de l’homme (humanité). Ainsi, en invitant l’Église
en Afrique et ses îles à être les “ministres (serviteurs) de la réconciliation, de
la justice et de la paix”, en suivant l’invitation du premier synode à ce que l’Église
vive dans la communion de l’Église-Famille de Dieu, le second synode invite l’Église
à faire une expérience de ces rectitudes qui établissent notre communion avec Dieu,
et à témoigner/vivre justement la même réconciliation, la même justice et la même
paix dans l’amour et la miséricorde, sur le continent. Les implications de ce ministère
sont ce que le (thème du) synode expose à présent dans les symbolismes du sel et de
la lumière: sel de la terre et lumière du monde.
III. DE “TÉMOINS DU CHRIST”
(Ac 1,8) AU “SEL DE LA TERRE” ET À LA “LUMIÈRE DU MONDE” (Mt 5, 13-14)
En réunissant
les fruits du premier Synode dans Ecclesia in Africa, le Pape Jean-Paul II a exalté
le “témoignage” comme un élément essentiel de la coopération missionnaire, et a rappelé
à l’Église africaine que le Christ n’a pas seulement interpellé ses disciples en Afrique
à ce qu’ils soient ses témoins, mais il leur a donné le même mandat qu’il confia à
ses apôtres le jour de son Ascension : “Vous serez alors mes témoins” (Ac 1,8) en
Afrique [48]. Ainsi, en assimilant les disciples du Christ en Afrique au sel et
à la lumière, le Saint-Père a dit: “De nos jours, dans une société pluraliste, c'est
surtout grâce aux engagements des laïcs catholiques dans la vie publique que l’Église
a le meilleur impact. Qu’ils soient professionnels ou enseignants, hommes d’affaires
ou fonctionnaires, agents de sécurité ou hommes politiques, on s’attend à ce que les
catholiques témoignent bonté, vérité, justice et amour de Dieu dans leurs activités
quotidiennes. La tâche du fidèle laïc [...] est d'être le sel de la terre et la lumière
du monde dans le quotidien de la vie et en particulier partout où il est seul à pouvoir
pénétrer” [49]. “Sel de la terre” et “lumière du monde”, telles étaient les images/métaphores
au travers desquelles le Pape a capturé sa vision des activités missionnaires de l’Église
en Afrique et ses îles. Ce synode invite à présent l’Église en Afrique à comprendre
que rendre ces services de réconciliation, de justice et de paix sur le continent
c’est être “sel de la terre” et “lumière du monde”.
Serviteurs (diakonoi)
de Réconciliation, Justice et Paix en tant que “Sel de la Terre”
La métaphore,
“sel”, que Jésus emploie dans les Évangiles synoptiques (Mt 5,13; Mc 9,50; Lc 14,34)
afin de décrire la particularité de la vie de ses disciples, est polyvalente. Elle
a différents sens. Ainsi, vue que la “Mer Morte” est aussi évoquée comme “mer du sel”
(Gn 14,3), pour ceux qui vivaient près de la “Mer Morte”, le “sel” pouvait aussi signifier
la “mort” (cf. Gn 19,26). Dieu, le Seigneur de la vie, guérira cependant les eaux
de la “mer de sel” avec l’eau du temple et lui donnera la vie (Ez 47). Dans un autre
sens, le sel a un pouvoir de conservation. Il assaisonne et conserve les aliments
(Jb 6,6; Mt 5,13; Lc 14,34); et dans un sens étroitement lié, comme dans le cas de
la purification d’Élisée dans les eaux de Jéricho (2 R 2, 19-22), le sel a aussi un
pouvoir de purification. L’emploi du sel pour sceller l’amitié et les pactes dans
le monde de l’Ancien Testament (Esd 4,14) semble sous-entendre l’emploi de la part
de Dieu d’images visant à exprimer l’inamovibilité et la stabilité de la composition
concernant la subsistance des prêtres dans l’Ancien Testament: “C’est là une alliance
éternelle par le sel devant Yahvé” (Nb 18,19). L’emploi du sel dans des situations
d’alliance peut aussi sous-entendre l’invitation de Jésus à ses disciples “Ayez du
sel en vous-mêmes et vivez en paix les uns avec les autres” (Mc 9,50), à savoir à
observer une loyauté mutuelle de relation d’alliance et à vivre en paix. Mais,
le sel symbolise aussi la “sagesse” et la “force morale”, et c’est ce qui donne de
la valeur aux choses. C’est ce qui arrive, par exemple, lorsque le sel est employé
pour fertiliser le sol. En conséquence, lorsque Jésus évoque ses disciples comme
“sel de la terre” et lorsque le synode demande à l’Église en Afrique d’être “serviteurs
de la réconciliation, de la justice et de la paix” comme “sel de la terre”, aussi
bien Jésus que le Synode emploient un symbole polyvalent afin d’exprimer les multiples
défis et exigences d’être un disciple et d’être Église (famille de Dieu) en Afrique.
Et donc, comme dans le cas des prophètes, le refus de l’Église et de son Évangile
est aussi l’adoption du jugement et la transformation de la terre en “terre salée”
(Dt 29,23; Jr 17,6; Ps 107,34). Sur ce continent, dont certaines parties vivent sous
l’ombre des conflits et de la mort, l’Église doit semer des graines de vie: des initiatives
qui donnent la vie. Elle doit préserver le continent et ses habitants des effets pourrissants
de la haine, de la violence, de l’injustice et de l’ethnocentrisme. L’Église doit
purifier et guérir les esprits et les coeurs de la corruption et des chemins diaboliques,
et doit administrer son message de l’Évangile qui donne la vie afin de garder vivants
le continent et son peuple, en les préservant dans le chemin de la rectitude et dans
les valeurs évangéliques, comme la réconciliation, la justice et la paix [50]. Mais,
ce qui est le plus important, c’est que le symbole du “sel” invite l’Église-Famille
de Dieu en Afrique à accepter de se consommer (dissoudre) pour la vie du continent
et de son peuple.
Serviteurs (diakonoi) de Réconciliation, Justice et
Paix en tant que “Lumière du Monde”
L’allusion aux disciples comme “lumière
du monde” reprend des images dont les origines résident dans l’Ancien Testament comme
une caractéristique et une mission de Sion, la ville sur la colline. Par conséquent,
le Messie-Serviteur sera appelé à assumer ceci comme sa vocation; et en Jésus, ceci
sera accompli. Jésus, donc, en tant que “lumière du monde” et en tant que “véritable
lumière qui éclaire tout homme” (Jn 1,9) constituera aussi pour ses disciples la “lumière
du monde”.
Sion, la ville sur la colline et la Lumière pour les Nations
Sion
était la montagne de la maison de Yahvé (Is 2,2); et elle était la maison vivante
de l’Arche de l’Alliance (2 S 6; 1 R 8, 20-21) et du Nom de Yahvé (Dt 12,5). L’Arche
de l’Alliance contient la Loi de Dieu et la Loi était “une lampe et son enseignement
une lumière” (Pr 6,23; Ps 19,8; Ps 119-105; Ba 4,2). Le Nom de Dieu, cependant,
a représenté la “présence de Dieu”, et la lumière de la présence de Dieu désigne le
pouvoir et l’action salvifique de Dieu (Is 10,17; Ps 27; 36,9) pour sauver Jérusalem
et son peuple [51]. Ainsi, à cause du fait qu’elle possède la lumière de la connaissance
de la Loi et la lumière du salut de Dieu, Jérusalem est devenue une lumière pour les
nations et les rois [52].
L’expérience de Sion est devenue la Vocation du Messie
Serviteur
Dans les mains d’Isaïe, l’expérience de Jérusalem, lumière pour
les nations et les rois, est présentée comme la vocation du personnage-serviteur.
Le serviteur de Yahvé, qui est pourvu de l’Esprit de Yahvé afin d’apporter la justice
aux nations (Is 42, 1; 51,4), est également donné comme une alliance au peuple et
une “lumière des nations” (Is 42, 6; 49,8 ss.). Son appel à être la “lumière des nations”
a impliqué sa propre expérience de salut de la part de Yahvé (Is 49,7) et a permis
au salut de Yahvé d’atteindre les frontières de la terre. Dans ces cas, la “lumière”
est une connaissance de la Loi et du salut de Dieu, et un don destiné à atteindre
tous les peuples. Jésus accomplit la vocation du Messie Serviteur
La figure
du Messie Serviteur s’accomplit en Jésus. Mt 4,16 cite Is 9,2 et fait allusion à l’étoile
lors de la naissance de Jésus afin de souligner l’accomplissement et la continuation,
en Jésus, du symbolisme révélateur et salvifique de la lumière dans l’Ancien Testament.
Jésus est la “lumière du salut de Dieu” (Jn 1,5; 3,19; 8,12; 12,46) et la “lumière
du Verbe/Loi/Sagesse de Dieu” (Jn 1,4; 9,5; 12,36.46). Jésus est la “lumière du monde”
(Lc 2,32; Jn 1,9), il meurt et ressuscite pour “annoncer la lumière au peuple et aux
nations païennes” (Ac 26,23).
Les Disciples de Jésus et les Chrétiens en tant
que Lumière du Monde
Ainsi, la référence aux disciples en tant que “lumière
du monde” n’est autre que Jésus qui fait de ses disciples sa prolongation et sa représentation
dans le monde. “Vous êtes la lumière du monde” exprime donc la noble vocation des
disciples de Jésus: un appel à l’engagement, dans le Christ, la vocation d’Israël
dans l’Ancien Testament à être le témoin de la lumière de la connaissance de la Loi
de Dieu (Évangile) et du salut dans le monde.
La noble vocation des disciples
de Jésus est ce que le Synode propose également pour l’Église en Afrique; elle commence
par leur appel (baptême) qui les rend “une race élue, un sacerdoce royal, une nation
sainte, un peuple acquis, pour proclamer les louanges de Celui qui vous a appelés
des ténèbres à son admirable lumière”(1 P 2,9). En répondant à l’appel, ils cèdent
à l’éclaircissement par la Parole de la vérité (Ep 1,17 ss), à la lumière de l’Évangile
du salut (2 Co 4,4) et à son appel à la repentance. La vie de disciple qui en découle
les rend “lumière dans le Seigneur et enfants de lumière” (Ep 5,8), “des fils de la
lumière et des fils du jour” (1 Th 5,5; cf. Rm 13,12). “En effet le Dieu qui a dit:
Que des ténèbres resplendisse la lumière, est Celui qui a resplendi dans nos cœurs,
pour faire briller la connaissance de la gloire de Dieu, qui est sur la face du Christ”
(2 Co 4,6). Ceci conduit à croire en Jésus et à un sceau avec l’Esprit Saint de la
promesse (Ep 1,13) pour vivre une vie irréprochable; car “le fruit de la lumière consiste
en toute bonté, justice et vérité” (Ep 5,9).
Conclusion: Quelle terre?
Quel Monde?
Aux temps de Jésus, la terre et le monde pour lesquels les disciples
devaient être le “sel” et la “lumière” étaient la terre et le monde en-dehors du cercle
des douze, “ceux qui sont dehors” à qui “tout arrive en paraboles” (Mc 4,11).
Dans ce synode, la terre et le monde, pour lesquels les Catholiques sur le continent
et ses îles doivent être le “sel” et la “lumière”, en tant que serviteurs de la réconciliation,
de la justice et de la paix, sont l’Afrique d’aujourd’hui, comme cela a été décrit
dans l’Instrumentum laboris et esquissé ci-dessus [53]. C’est là que Jésus Christ,
après s’être révélé à travers les Écritures en tant que notre réconciliation, notre
justice et notre paix, appelle maintenant ses disciples en Afrique et ses îles, et
les charge de se déployer comme sel et lumière, afin de bâtir l’Église en Afrique
comme une véritable famille de Dieu, à travers les ministères de la réconciliation,
de la justice et de la paix, exercés dans l’amour, tout comme leur maître.
[1]
JEAN-PAUL II, Discours dans la cathédrale du Christ-Roi (17 septembre 1995), Johannesburg,
Afrique du Sud : “Ici à Johannesburg, en Afrique du Sud, nous nous sommes réunis avec
toute l’Église du Sud du continent pour promulguer l’Exhortation apostolique “Ecclesia
in Africa”, qui contient les propositions faites par les Pères synodaux au terme de
la session de travail qui s’est déroulée à Rome en avril et en mai 1994. Par l’autorité
apostolique du Successeur de Pierre, je présente à toute l’Église de Dieu en Afrique
et au Madagascar les idées, les réflexions et les résolutions du synode...” [2]
Cf. JEAN-PAUL II, Exhortation apostolique post-synodale “Ecclesia in Africa”, n. 13. [3]
Cf. JEAN-PAUL II, Discours aux participants à la réunion du conseil post synodal du
Secrétariat général du Synode des Évêques pour la Seconde Assemblée Spéciale pour
l’Afrique, 15 juin 2004. [4] PREMIÈRE ASSEMBLÉE SPÉCIALE POUR L’AFRIQUE, Instrumentum
laboris, 1993, n. 1. [4] PREMIÈRE ASSEMBLÉE SPÉCIALE POUR L’AFRIQUE, Instrumentum
laboris, 1993, n. 1. Le même document indiquait: “Un temps pour l’Afrique semble être
venu, un temps favorable qui appelle les messagers du Christ à se lancer vers le large
afin de récolter une abondante moisson pour le Christ”. Instrumentum laboris, 1993
n. 24. [5] Ibidem., n. 22-24. “Signes des temps” se réfère au contexte africain,
dans lequel l’Évangile doit être proclamé. [6] Cf. Les vies héroïques des martyrs
et des saints africains d’un côté, et les luttes pour l’indépendance des africains
dans l’Afrique post-coloniale, en Afrique du Sud, au Soudan etc. de l’autre. [7]
Cf. JEAN-PAUL II, Discours à la réunion du Conseil post-synodal du Secrétariat général
(15 juin 2004). [8] Cf. JEAN-PAUL II, Exhortation Apostolique post-synodale Ecclesia
in Africa, n. 13-14, 39-42, 51; SECONDE ASSEMBLÉE SPÉCIALE POUR L’AFRIQUE, Lineamenta,
n. 6-8. [9] SECONDE ASSEMBLÉE SPÉCIALE POUR L’AFRIQUE, Lineamenta, “Préface”.
[10] C’est ce que l’Instrumentum laboris cite comme “un dynamisme continu” et
illustre amplement aux n.14-20.
[11] Cf. JEAN-PAUL II, Lettre à Mgr Nikola
Eterovi à l'occasion de la réunion du Conseil Spécial pour l’Afrique du Secrétariat
général du Synode des Évêques (23 février 2005) [12] Cf. JEAN-PAUL II, Exhortation
Apostolique post-synodale Ecclesia in Africa, n. 4. [13] Cf. Ibidem., n. 2-5.
En réalité, c’était le SCEAM, qui “chercha donc les voies et les moyens pour conduire
à bonne fin le projet d’une telle rencontre continentale. Une consultation des Conférences
épiscopales et de tous les évêques d’Afrique et de Madagascar fut organisée, me permettant
de décider la convocation d’une Assemblée Spéciale pour l'Afrique du Synode des Évêques”
(Ecclesia in Africa n. 5). [14] SECONDE ASSEMBLÉE SPÉCIALE POUR L’AFRIQUE, Instrumentum
laboris, n. 21-33. [15] Nana Akuffo-Addo, Ministre des Affaires Étrangères de la
République du Ghana (2001-2008) Sommet de l’Union africaine. Pour sa part, le Président
Kikwete de Tanzanie déclara: “... il existe déjà en Afrique des dirigeants forts qui
sont prêts à aller de l’avant; et nous souhaitons être à leurs côtés” (Fraternité
Matin, Vendredi 10/07/09, page 1). [16] NEPAD signifie Nouveau Partenariat économique
pour le Développement de l’Afrique. Le NEPAD requiert le respect de la démocratie
et l’absence de toute tolérance face à des coups d’État. Un mécanisme d’évaluation
par les pairs a été mis en place afin d’examiner les performances des gouvernements.
Sans aucun doute, le rythme de travail du Parlement de l’Union africaine et l’application
des conditions requises par le NEPAD de la part des États membres ont été critiqués
dernièrement pour leur lenteur. [17] La Culture de Lomé est le nom donné à un ensemble
d’accords de coopération entre les pays de la Communauté Économique Européenne (CEE)
et leurs anciennes colonies. Il débuta en 1957 avec le Traité de Rome qui créait la
CEE. Les accords de Lomé I à IV organisèrent l’aide par le commerce entre les pays
de la CEE et 46 pays ACP (respect des droits de l’homme, principes démocratiques et
régime de la loi). L’accord de Yaoundé a été signé en 1975 entre la CEE et les pays
ACP afin d’aider au développement d’infrastructures dans les pays francophones. L’accord
de Cotonou a été signé en 2000 entre l’Ue et 77 pays ACP et se prolongera pendant
20 ans. Il visait à la réduction de la pauvreté, au développement soutenable, à l’intégration
progressive des économies ACP au sein de l’économie mondiale. [18] Les objectifs
primaires du NEPAD sont les suivants: éradiquer la pauvreté, placer les pays d’Afrique
sur la voie de la croissance durable et du développement, arrêter la marginalisation
de l’Afrique dans le processus de mondialisation et accélérer l’autonomie des femmes. [19]
“La coopération signifie réaliser une vision avec le peuple d’Afrique: la vision d’une
Afrique moderne et indépendante, où des hommes et des femmes africains sûrs d’eux-mêmes
forment leur propre vie, leur propre avenir et suivent leur propre chemin vers un
développement soutenable et démocratique. Seuls des incitations et des efforts provenant
de l’intérieur de l’Afrique conduiront au succès” (Discours de M. Uschi Eid, Secrétaire
d’État au Ministère Fédéral chargé de la Coopération économique et du Développement
d’Allemagne à la TICAD III, [Conférence internationale de Tokyo sur le Développement
africain], Tokyo 2003). [20] Barack Obama fit le point avec les leaders africains
dans son discours au Parlement du Ghana à l’occasion de sa visite dans ce pays en
juillet dernier. [21] En 2003, lorsque l’ancien Président Bill Clinton s’est rendu
au Ghana, le Herald Tribune a écrit: “Il nous a été dit que Clinton venait pour changer
la manière de penser des américains à propos de l’Afrique, la faisant passer d’un
continent du désespoir à une zone d’opportunités et d’espoir”. [22] Cf. BENOÎT
XVI, Lettre Encyclique Caritas in veritate, Vatican 2009. [23] JEAN-PAUL II, Exhortation
Apostolique post-synodale Reconciliatio et Poenitentia, n. 2. [24] Cf. JEAN-PAUL
II, Exhortation Apostolique post-synodale Ecclesia in Africa, n. 63
[25] Cf.
Confession de saint Paul: “Vous avez certes entendu parler de ma conduite jadis dans
le judaïsme, de la persécution effrénée que je menais contre l’Église de Dieu et des
ravages que je lui causais, et de mes progrès dans le judaïsme, où je surpassais bien
des compatriotes de mon âge, en partisan acharné des traditions de mes pères. Mais
quand Celui qui dès le sein maternel m'a mis à part et appelé par sa grâce daigna
révéler en moi son Fils.... (Ga 1, 13-16). [26] Dans ce sens, Dieu est comme le
pasteur qui cherche la brebis perdue. Il est comme la femme qui cherche la monnaie
qu’elle a perdu et il est comme le père dont l’amour provoque le retour du fils prodigue
(cf. Lc 15). C’est comme Jésus qui trouve Zachée dans son sycomore et lui enjoint
d’en descendre (Lc 19, 5). [27] Cf. Pietro Bovati, Ristabilire la Giustizia, Analecta
Biblica 110, PIB Roma, 1986. [28] Parfois, la demande d’implantation entraîne
et impose un geste concret, tel que la reconnaissance de l’existence de droits dont
la négation ou l’abus a fait précipité la situation en conflit ou en hostilité (cf.
Abraham et Abimélek in Gn 21, 25-34). [29] En ce sens, il existe des facteurs
qui peuvent promouvoir la réconciliation, que les serviteurs de la réconciliation
peuvent adopter, ainsi que des facteurs qui peuvent empêcher la réconciliation et
dont les serviteurs de la réconciliation doivent s’abstenir. a. Facteurs entravants:
Impiété et mépris d’une relation avec Dieu; négation des droits des autres; déception
et préjudices, hypocrisie et fausse paix, attention sélective, silence complice et
mauvais fonctionnement des structures étatiques. b. Facteurs de promotion: Pardon,
amour fraternel, communication, dialogue, éducation à la paix et à la réconciliation. [30]
Sacramentum Mundi 3, 235. [31] Cf. PAUL VI, Lettre Encyclique Populorum Progressio,
n. 26. [32] Sacramentum Mundi 3, 236. [33] Cf. The Interpreter’s Dictionary
of the Bible, vol. 4, 88-85, 91-99. [34] La “Justice”, sous quelque forme que ce
soit, a le sens de base de tout ce qu’une personne a droit en raison de sa dignité
et de sa vocation à la communion des personnes (cf. Compendium de la Doctrine sociale
de l’Église n.3, 63). [35] Incidemment, il s’agit aussi de la base d’un impératif
fondamental qui appelle au respect positif de la dignité et des droits des autres
et à la contribution solidaire aux nécessités communes (cf. Gaudium et Spes, n. 23-32,
63-72; Jean XXIII, Lettre Encyclique Mater et Magistra). La filiation commune de l’humanité
requiert des hommes à être droits, agissant en conformité avec la volonté de Dieu
et à être solidaires dans l’amour de Dieu, comme dans l’amour d’un Père. [36] Ainsi,
Tamar était plus droit que son beau-père parce qu’il ne respecta pas les coutumes
de la famille (Gn 38:26), David ne tua pas Saul, “il est l’oint de Yahvé” (1 S 24,
7) et un “père” pour lui (1 S 24, 12). Lorsqu’une relation change, les questions changent
également. Quelqu’un qui se préoccupe de l’orphelin, de la veuve et qui les défend
est droit (Jb 29, 12.16; Os 2, 19). Quelqu’un qui traite ses serviteurs humainement,
vit en paix avec ses voisins, parle bien est droit/juste (Jb 31,1-13; Pr 29, 2; Is
35, 15; Ps 52, 3 etc.). La rectitude/justice en tant que conduite qui échoit aux
membres d’une communauté est souvent sauvegardée et mise en oeuvre par des juges lorsqu’ils
fixent les cas aux tribunaux. Il existe un sens judiciaire de la justice dans lequel
tant Dieu que le roi jouent le rôle de juges (Dt 25, 1; 1R 8, 32; Ex 23, 6 et sq.;
Ps 9, 4; 50, 6; 96, 13). Les jugements droits reportent la communauté à la santé et
c’est dans ce sens que le jugement droit et la loi sont conçus comme attributs du
Messie-Roi.
[37] Le “mauvais” est quelqu’un qui exerce la force et la
fausseté, ignore les devoirs de parenté et les conventions existantes, foulant aux
pieds les droits des autres (The Interpreter’s Dictionary of the Bible, vol.4, 81). [38]
Le Pape Jean-Paul II définit la “miséricorde” comme “la miséricorde signifie une puissance
particulière de l’amour, qui est plus fort que le péché et l’infidélité du peuple
élu”(Dives in Misericordia , n. 4.3). [39] Ainsi le Pape Jean-Paul II enseigne
que dans le cadre de relations entre les personnes et les groupes sociaux etc. “la
justice ne suffit pas”. Il est besoin de “cette force plus profonde qu'est l’amour”
(cf. Dives in Misericordia n. 12). [40] CATÉCHISME DE L’ÉGLISE CATHOLIQUE, n. 2304.
Cf. également Gaudium et Spes, n. 78. [41] Ibidem. [42] “Dans l’Évangile selon
saint Luc, la “paix sur terre” parvient aux proscrits, aux disciples, aux étrangers
dont certains recevront la grâce de Dieu et répondront avec foi” (cf. Dictionary of
Jesus and the Gospels, ed. Joel B. Green et alii, InterVarsity Press 1992 pg. 605). [43]
JEAN XXIII, Lettre Encyclique Pacem in Terris, n.172. [44] Gaudium et Spes n. 84. [45]
Bien qu’il s’agisse d’une mission en vue de laquelle travailler, la “paix” est un
don de Dieu, quelque chose que notre paix terrestre anticipe seulement vaguement. [46]
Dans le cas de la femme hémorroïsse (Mc 5, 24-34), par exemple, Jésus ne guérit pas
seulement son impureté sociale et religieuse (hémorragie), mais il expose la vie privée
de la femme et rend publique la révélation de sa foi (Mc 5, 34; 2, 5; 10, 52) et sa
guérison. Cette dernière devient un retour à la santé, à sa communauté et au Dieu
de sa foi. [47] Gaudium et Spes, n. 78. [48] JEAN-PAUL II, Exhortation Apostolique
post-synodale Ecclesia in Africa, n. 86 [49] Ibidem., n. 108. [50] Cf. SCEAM,
Séminaire sur le Synode, Abidjan Côte d’Ivoire, 2009: Carrefour Groupe III. [51]
Ainsi, la grande restauration et justification de Jérusalem de la part de Yahvé était
décrite par Isaïe en termes de retour à la lumière de Yahvé: “Yahvé sera pour toi
une lumière éternelle, et ton Dieu sera ta splendeur. Ton soleil ne se couchera plus,
et ta lune ne disparaîtra plus, car Yahvé sera pour toi une lumière éternelle”(Is
60, 19-20). [52] Le testament de Lévi étendrait la lumière de Jérusalem à ses enfants,
les Israélites, et les exhorte en disant: “Soyez la lumière d’Israël, plus pure que
toutes les nations... Ce que les nations feraient si vous étiez obscurcis par vos
transgressions” (14, 3). [53] Cf. pages 21-27 ci-dessus.