2009-09-30 10:51:32

Communiqué de l’Église d’Algérie sur le Synode pour l'Afrique


NOTRE EGLISE D’ALGERIE AU SYNODE AFRICAIN.
« L’Eglise en Afrique au service de la réconciliation, de la justice et de la paix. Vous êtes le sel de la terre… Vous êtes la lumière du monde (Mt 5,13-14) A TOUS LES MEMBRES DE NOTRE EGLISE D’ALGERIE.
Bien chers Amis

Dans quelques jours va s’ouvrir à Rome la Seconde Assemblée Synodale des Evêques pour l’Afrique (4-24 octobre 09). Ce sera un événement marquant pour toute notre Eglise, vu l’actualité du thème abordé, et aussi vu l’interpellation évangélique qui nous est proposée. Il ne s’agit pas de s’atteler à ce thème en stratèges sociopolitiques mais bien en disciples du Christ, conscients de notre vocation au service d’être « sel de la terre » et d’être « lumière du monde ». Ce synode fera suite au premier Synode pour l’Afrique qui s’était tenu à Rome en Avril – Mai 1994, et qui avait été suivi d’un document marquant : l’Exhortation Apostolique du Pape Jean Paul II « L’Eglise en Afrique ». Ce document visait l’entrée dans le Troisième Millénaire. Nous y sommes, et le sujet retenu est de la plus haute actualité !
Nous serons quatre évêques de la CERNA à y participer : Mgr Landel, (Archevêque de Rabat et Président de la CERNA), Mgr Giovanni Martinelli (Evêque de Tripoli), Mgr Maroun Laham (Evêque de Tunis), et moi-même (Evêque de Laghouat –Ghardaia). Mgr Teissier y participera comme membre de droit. Mais nous ferons cette démarche en étroite communion avec vous tous et vous toutes qui formez notre Eglise qui est au Maghreb. Merci à ceux et celles qui ont apporté leur contribution à la préparation de ce Synode.
Plusieurs préoccupations seront à prendre en compte pour notre Eglise d’Algérie, tout en demeurant dans le cadre plus large de l’Eglise d’Afrique du Nord.
C’est tout d’abord NOTRE ANCRAGE A L’EGLISE D’AFRIQUE.
Notre situation à la fois politique, géographique, culturelle et ecclésiale nous met de fait un peu à l’écart des préoccupations de l’Afrique subsaharienne. Il ne s’agit pas ici d’exprimer une frustration ou quelque revendication d’appartenance. Nous vivons cette situation, sans nous y résigner, comme le fruit de plusieurs facteurs. Notre participation au Synode nous permettra de mieux nous resituer au cœur même de l’Eglise d’Afrique.
En effet, nous ne pouvons nous rattacher aux Eglises d’Orient, même si deux évêques venant du Patriarcat latin de Jérusalem viennent d’être nommés au Maghreb, même si culturellement nous nous sentons proches des Eglises Arabes.
Il n’est pas non plus envisageable de nous rattacher à l’Europe, même si la culture européenne et plus spécifiquement française, reste une composante historique des pays du Maghreb. La Méditerranée, certes, est un lien, mais n’est-elle pas aussi un mur par certains aspects ?
Notre appartenance à l’Eglise d’Afrique doit rester une marque privilégiée. Ceci pour différentes raisons.
-Tout d’abord historiquement, « l’Ifriqiya » (qui a donné son nom à l’Afrique) était cette région du Maghreb où l’Eglise des premiers siècles était florissante, et elle a donné naissance à une nuée de témoins qui ont marqué l’Eglise Universelle : Augustin (et sa mère Monique), Cyprien, Tertullien, et tant de martyrs, hommes et femmes (notamment les martyres Félicité et Perpétue pour ne citer qu’elles), qui ont donné leur vie pour le Christ. L’Eglise d’Afrique puise ses origines historiques au Maghreb. Des familles religieuses, dont le rayonnement est allé bien au-delà de cette région, ont pris naissance sur cette portion du Continent.
-Un autre facteur qui intervient, notamment depuis ces dernières années, c’est la présence de plus en plus marquée et active d’étudiants et d’étudiantes de l’Afrique subsaharienne. Ils constituent la part la plus importante en nombre des chrétiens de nos communautés notamment dans le Nord du pays. Ils y jouent un rôle actif par leur engagement, prennent en main des initiatives ecclésiales (journées de Taizé à Tlemcen et à Skikda, universités d’été…). Comme étudiants ils sont plongés dans la société algérienne et donnent le témoignage d’une vie chrétienne marquante.
Nous devons ajouter que l’Algérie est une terre de passage d’un certain nombre de migrants vers l’Europe, et que leur présence ne peut rester marginale dans nos préoccupations pastorales et caritatives.
-Pour continuer les arguments qui nous font pousser vers cet ancrage plus marqué dans l’Eglise d’Afrique, citons encore le soutien de plus en plus actif de membres de Communautés Religieuses ou de Prêtres Fidei Donum dans nos Eglise Diocésaines. Ils viennent prendre le relais d’une présence qui jusqu’ici, pour des raisons historiques, était surtout originaire d’Europe.

Au cours de notre dernière rencontre de la CERNA, et suite à certaines suggestions qui nous ont été faites, nous avons retenu QUATRE DEFIS PRINCIPAUX que nous voulons partager avec notre Pape Benoît et nos confrères Evêques d’Afrique.

1- Le premier est celui de notre relation avec les Musulmans. Nous sommes une Eglise aux dimensions restreintes certes, mais bien présente dans un monde musulman nettement majoritaire. Sur les 300 millions de Musulmans présents en Afrique, 200 millions vivent dans les pays arabes du Continent. Notre relation avec le monde de l’Islam fait partie de notre préoccupation quotidienne, et nous désirons se voir approfondir toujours davantage ce lien pour passer de la simple coexistence aux échanges plus profonds, mais aussi à un engagement toujours plus accru pour la réconciliation, la justice et la paix. Le pays vient de sortir d’une crise sans précédent où la réconciliation nationale a été pendant plusieurs années une des préoccupations majeures des dirigeants. Dans le contexte d’une Eglise qui se veut toujours plus proche de la population, nous avons là une expérience assez unique à partager, mais aussi à éclairer à la lumière ce de vivent les autres pays d’Afrique.

2- Par ailleurs, nous l’avons signalé, notre Eglise d’Algérie (comme les autres Eglises du Maghreb) accueille des milliers d’étudiants d’Afrique subsaharienne. Un bon nombre parmi eux sont des chrétiens qui comptent sur l’Eglise pour les aider à vivre leur foi et leur témoignage dans leur pays d’accueil. Ils ont besoin de l’appui de l’Eglise qui les accueille, et aussi de se sentir partie prenante dans le témoignage de cette Eglise. Ils y jouent un rôle important. Ils se préparent à rejoindre leurs pays d’origine et ce temps d’étude est pour eux une occasion d’approfondir leur foi et de se préparer, en chrétiens, à leurs responsabilités futures. Ils apportent aussi à l’Eglise d’Algérie un dynamisme, une force de renouvellement, une jeunesse dont elle a besoin !

3- D’autre part, il se trouve que l’Algérie est un lieu de passage et aussi d’aboutissement forcé de très nombreux migrants subsahariens. La plupart n’ont pas choisi la migration par désir d’aventure, mais par nécessité vitale. Le départ de leur pays d’origine est souvent la conséquence d’injustices d’ordre économique venant de responsables politiques du Continent ou de responsables de l’Economie mondiale. Nous ne pouvons pas répondre aux nombreuses demandes d’aide matérielle de ces Migrants, mais ils sont nos frères au même titre que toute autre personne humaine, et ont le droit à notre attention. Certains parmi eux sont malades, déprimés, et nous essayons de leur offrir des moyens de se soigner grâce à des liens de solidarité. D’autres se décident à rejoindre leur pays, grâce à un réseau de solidarité vécu au sein de notre Eglise, nous les aidons à réaliser ce projet. Comment faire pour que disparaissent les causes de leur départ, si ce n’est par un sursaut de justice dans leur pays d’origine ?

4- Enfin, l’Algérie (comme d’ailleurs l’ensemble du Maghreb) se trouve devant un défi culturel et religieux assez unique. De par sa situation géographique, l’Algérie est un grand carrefour de cultures : culture arabe et cultures berbères au sein même du pays, marquées elles aussi par la mondialisation. Située au Nord de l’Afrique, le pays est aussi influencé par les cultures africaines (elle vient de vivre avec succès un second Festival Panafricain). Tournée vers les pays méditerranéens, elle est aussi sous l’influence des cultures occidentales. De religion musulmane, elle est profondément marquée par la culture arabe et tournée vers le Proche Orient. Notre Eglise se trouve à ce carrefour et est appelée à relever le défi de l’inter-culturalité en son sein même. Tributaire d’un passé tourné vers l’Europe, elle est en train de vivre une mutation qui lui donne une dimension plus universelle. C’est en son sein même qu’elle est appelée à être ferment de réconciliation, de justice et de paix !
Elle est aussi interpellée par des mouvements évangéliques qui ont pris corps dans le pays, qui apportent une autre façon de vivre la foi chrétienne qui alerte les autorités locales. Ce phénomène tout en étant planétaire n’est pas sans nous interpeller. Comment allons-nous vivre cette coexistence avec d’autres chrétiens qui souvent ne partagent pas notre façon de nous situer dans le pays ?

Ne perdons pas de vue cette visée du Synode qui veut faire de nous les serviteurs d’un monde de réconciliation, de justice et de paix. Chacun de ces défis est traversé par cette triple dimension qui rejoint chacun et chacune d’entre nous dans un quotidien vécu au cœur de ce monde.
Résonne à nos yeux la recommandation de Jésus : « Vous êtes le sel de la terre… vous êtes la lumière du monde ». Cette parole est une marque de confiance de Jésus pour ses disciples. A travers ces paroles se dessine notre vocation commune. L’engagement de chacun et de chacune d’entre nous n’est pas de trop pour répondre à Son attente sur chacun et chacune d’entre nous.
Le Synode sur l’Afrique est un vaste chantier où nous sommes tous convoqués. Merci pour votre prière active, votre soutien fraternel, et votre engagement de chaque jour.
Notre Dame d’Afrique, notre Mère à tous, nous envoie, et nous montrant son Fils, nous répète « Tout ce qu’Il vous dira, faites-le ». Puissions-nous être fidèles à cette recommandation !

A Ghardaia le 8 septembre, fête de la Nativité de Marie.
+Claude Rault.Evêque de Laghouat-Ghardaia. Délégué de la CERNA pour le Synode.







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