Dix ans ont passés depuis la fin du génocide au Rwanda. Pour autant, il n’est pas
inutile de continuer à sensibiliser, les nouvelles générations en particulier, au
danger des amalgames, préjugés ou de la discrimination. C’est le travail que mène
l’association rwandaise Umuseke dans les centres scolaires depuis 2000, avec son « sentier
de la paix ». Cette exposition itinérante invite les jeunes de 10 à 14 ans à réfléchir
à l’attitude qu’ils adopteraient s’ils étaient confrontés aux situations qui leur
sont proposées en images. Jacqueline Uwimana, coordinatrice de l’association Umuseke,
nous présente ce sentier de la paix.
Propos recueillis
par Lisa Azorin.
Retranscription de l’interview :
C’est un sentier
au sens de voyager à travers ces images. Mais c’est aussi un sentier dans la tête,
parce que ça déclenche tout un questionnement sur notre vie. Ça part de ce que nous
voyons – illusion d’optique ; de ce que nous disons dans les généralisations, les
préjugés, les suspicions ; de ce que nous faisons des autres ou ce qu’ils font de
nous, comme les discriminations, le bouc émissaire, pour finalement arriver à nous
dire : qu’est ce que je suis dans tout ça ? Qu’est ce que je peux faire ? Est-ce que
je le fais ou je ne le fais pas ? Qu’est ce que j’y gagne et qu’est ce que j’y perds ?
Avec des propositions d’où trouver des solutions, comme dans le droit, le respect
des droits des autres, mais aussi la revendication de nos droits, dans la loi, les
responsabilités que nous avons.
Comment ces enfants qui n’ont pas connu
le génocide rwandais réagissent-ils ?
Cet outil n’est pas lié au génocide,
parce que partout, même là où il n’y a pas eu de génocide, les thèmes sont tout à
fait universels. On peut se tromper avec ses sens. On peut généraliser. On peut préjuger.
On peut suspecter. On peut discriminer. Ce sont vraiment des thèmes d’actualité, partout
et tout le temps, parce que c’est humain de généraliser. Mais avec les enfants, on
leur apprend à analyser. Parce que tous ces conflits-là, tous ces thèmes-là, c’est
vraiment la source de conflits qui peuvent dégénérer en violences, comme cela a été
le cas chez nous.
Quel rôle l’Église peut-elle jouer en Afrique pour la
paix et quel message souhaiteriez-vous adresser aux évêques ?
L’Église
est importante parce qu’elle peut passer un message facilement à beaucoup de monde.
Mais d’un autre côté, dans l’Église il y a la morale : « Aimez-vous les uns les autres ».
Pour nous, la morale ne suffit pas. Il faut que les gens décident eux-mêmes, qu’ils
choisissent : « voilà j’ai choisi de faire ça, je m’y engage ». Une fois, en posant
la question aux enfants : « La paix, c’est quoi ? », un enfant a dit : « C’est l’Évangile
en action. » Et je pense que ce que nous faisons ne se limite pas à dire « Aimez-vous
les uns les autres », ou à dire aux gens « C’est bien d’être comme ça ou de faire
ça ». Il faut vraiment qu’ils participent et qu’ils soient acteurs, dans l’engagement
donc.