Garoua a beau être une des régions les plus pauvres du Cameroun, les paysans continuent
à y affluer, à la recherche de terres. Ce mouvement a commencé à la fin des années
soixante-dix, quand le gouvernement a mis en place une politique de migration des
zones surpeuplées vers celles moins peuplées. D’abord organisé, ce flux de migration
est devenu plus spontané quand les parents restés dans les régions d’origine ont voulu
rejoindre leurs proches. Conséquences : problèmes d’accès à la terre, manque de structures
sociales, intégration difficile en raison de conflits avec les populations déjà installées
sur place. Depuis plusieurs années, le Codas-Caritas, Comité diocésain de développement
des activités sociales-Caritas, accompagne l’intégration de ces paysans-migrants en
leur apportant un soutien agricole avant tout, mais aussi social. Focus sur cette
action que nous présente Germain Godwe, secrétaire général de la Codas-Caritas à Garoua.
Dossier préparé
par Thomas Chabolle.
Transcription du dossier :
Ce n’est
pas le tout de retrouver une terre pour subvenir à ses besoins. Encore faut-il avoir
les moyens de la cultiver, sans l’épuiser. Sinon, il faudra repartir. Agriculture
et migration : deux problématiques intrinsèquement liées, à l’origine d’un cercle
vicieux pour les paysans migrants, comme l’explique Germain Godwe, secrétaire général
de la Codas-Caritas à Garoua.
Le point commun c’est d’abord la sécurité
alimentaire qui est un problème dans notre région. Or on ne peut pas parler de sécurité
alimentaire tant que les gens n’ont pas accès aux facteurs de production. Parmi les
facteurs de production, je crois que l’accès à la terre est un problème fondamental,
comme l’accès aux intrants agricoles, donc il faut nécessairement que l’on facilite
l’accès aux facteurs de production – les engrais, les semences de qualité etc.
Reste
un problème de fond : celui de l’accès aux services sociaux, encore loin d’être acquis
en milieu rural. En étant présent, à travers ses paroisses et ses structures d’accueil,
au côté de ceux qui ont des difficultés, l’Église joue un rôle important en tant qu’entité
neutre. Car c’est au même titre que les autres acteurs de développement de la région
qu’elle contribue à apporter des solutions, sans faire de distinction.
L’Église
regarde d’abord la condition de l’homme tout court. L’Église ne cherche pas à savoir
si on est de tel ou tel bord politique, de telle ou telle confession religieuse. Elle
essaie de voir la condition existentielle de l’homme et donc d’agir en conséquence.
L’Église
et ses représentants continuent pourtant à susciter de fortes attentes, pas tant en
matière d’actes que d’engagements.
Ce que moi j’attends d’eux, c’est qu’ils
aient une position claire par rapport aux problèmes de développement au sens large
du terme, parce qu’on a l’impression que l’on fait une agrégation à vue. Il n’y a
pas de projection, il n’y a pas de politique, il n’y a pas de perspective à long terme.
D’autres problèmes aussi ce sont ceux de corruption, de détournement de fonds publics,
qui sont récurrents dans notre pays. Donc l’Église devrait quand même interpeler les
pouvoirs publics par rapport à tous ces problèmes, prendre une position assez claire,
aller un peu plus loin. Parce que l’Église reste quand même le pouvoir sur lequel
la population compte.
Réunis en synode pour définir de nouvelles priorités
pour le développement de l’Afrique, les évêques ne devraient pas manquer d’aborder
la question fondamentale d’une agriculture durable. Une agriculture qui garantisse
la sécurité alimentaire des populations, respecte l’environnement et mette ainsi un
terme au phénomène de la migration paysanne.