Discours de Benoît XVI lors de sa visite au Saint-Sépulcre
Chers amis dans le Christ,
L’hymne de louange que nous venons de chanter nous
unit aux anges et à l’Église de tous les temps et de tous les lieux – à « la glorieuse
compagnie des Apôtres, à la noble assemblée des Prophètes et au cortège des Martyrs
vêtus de la robe blanche » - rendant ainsi gloire à Dieu pour l’œuvre de notre rédemption,
accomplie à travers la passion, la mort et la résurrection de Jésus Christ. Devant
ce Saint Sépulcre, où le Seigneur « a vaincu le pouvoir de la mort et ouvert aux croyants
le Royaume des cieux », je vous salue tous, dans la joie de ce temps pascal. Je remercie
le Patriarche Fouad Twal et le Custode, le Père Pierbattista Pizzaballa, pour leurs
paroles de bienvenue. Je veux également manifester combien j’apprécie l’accueil que
m’ont réservé les Hiérarques de l’Église grecque orthodoxe et de l’Église apostolique
arménienne. Je suis heureux de saluer la présence de représentants des autres communautés
chrétiennes de Terre Sainte. Je salue le Cardinal John Foley, Grand Maître de l’Ordre
du Saint Sépulcre et je salue aussi les Chevaliers et les Dames de l’Ordre qui sont
présents, reconnaissant pour l’inlassable engagement de leur Ordre en vue de soutenir
la mission de l’Église sur ces terres rendues saintes par la présence terrestre du
Seigneur.
L’Évangile de saint Jean, nous a laissé un récit qui évoque la visite
de Pierre et du disciple bien-aimé au tombeau vide, le matin de Pâques. Aujourd’hui,
à près de vingt siècles de distance, le Successeur de Pierre, Évêque de Rome, se tient
devant ce même tombeau vide et contemple le mystère de la Résurrection. Suivant les
pas de l’Apôtre, je désire proclamer encore, aux hommes et aux femmes de notre temps,
la foi inébranlable de l’Église : Jésus Christ « a été crucifié, est mort et a été
enseveli », et « le troisième jour il est ressuscité des morts ». Exalté à la droite
du Père, il nous a envoyé son Esprit pour le pardon des péchés. En dehors de lui,
que Dieu a fait Seigneur et Christ, « il n’y a pas sous le ciel d’autre nom donné
aux hommes, par lequel nous puissions être sauvés » (Ac 4, 12).
Devant ce lieu
saint, et méditant cet événement prodigieux, comment ne pas « avoir le cœur transpercé »
(Ac 2, 37), tout comme ceux qui les premiers entendirent la prédication de Pierre
le jour de la Pentecôte ? Ici, le Christ est mort et est ressuscité pour ne plus jamais
mourir. Ici, l’histoire de l’humanité a été changée de manière décisive. Le long règne
du péché et de la mort a été brisé en morceaux par le triomphe de l’obéissance et
de la vie ; le bois de la Croix expose à nu la vérité concernant le bien et le mal ;
le jugement de Dieu a été rendu sur ce monde et la grâce de l’Esprit Saint s’est répandue
sur l’humanité. Ici, le Christ, nouvel Adam, nous a montré que le mal n’a jamais le
dernier mot, que l’amour est plus fort que la mort, que notre avenir, l’avenir de
toute l’humanité, est entre les mains d’un Dieu fidèle et bon.
Le tombeau vide
nous parle d’espérance, de l’espérance qui ne déçoit pas parce qu’elle est don de
l’Esprit de vie (cf. Rm 5, 5). C’est là le message que je désire vous laisser aujourd’hui,
à la fin de mon pèlerinage en Terre Sainte. Que l’espérance se lève, toujours nouvelle,
par la grâce de Dieu, dans le cœur de toutes les personnes qui demeurent sur ces terres !
Puisse-t-elle prendre racine dans vos cœurs, être l’hôte de vos familles et de vos
communautés, et inspirer chacun de vous pour rendre un témoignage toujours plus fidèle
au Prince de la Paix ! L’Église en Terre Sainte, qui a si souvent fait l’expérience
de l’obscur mystère du Golgotha, ne doit jamais cesser d’être l’intrépide héraut du
lumineux message d’espérance que le tombeau vide proclame. L’Évangile nous enseigne
que Dieu peut faire toutes choses nouvelles, que l’histoire ne se répète pas, que
les mémoires peuvent être guéries, que les fruits amers de la récrimination et de
l’hostilité peuvent être dépassés, et qu’un avenir de justice, de paix, de prospérité
et de coopération peut se lever pour tout homme et pour toute femme, pour la famille
humaine tout entière, et d’une manière particulière pour le peuple qui demeure sur
cette terre si chère au cœur du Sauveur.
Cette antique église de l’Anástasis
rend un témoignage muet aussi bien aux lourdeurs de notre passé, avec ses erreurs,
ses incompréhensions et ses conflits, qu’à la promesse de gloire qui continue de rayonner
du tombeau vide du Christ. Ce lieu saint, où la puissance de Dieu s’est manifestée
dans la faiblesse, où les souffrances humaines ont été transfigurées en gloire divine,
nous invite à tourner encore notre regard de foi vers la face du Seigneur crucifié
et ressuscité. En contemplant sa chair glorifiée, complètement transfigurée par l’Esprit,
nous parvenons à réaliser plus pleinement que même maintenant, par le Baptême, « nous
portons partout et toujours en notre corps les souffrances de mort de Jésus, pour
que la vie de Jésus soit, elle aussi, manifestée dans notre corps » (2 Co 4, 10-11).
Même maintenant, la grâce de la résurrection est à l’œuvre en nous ! Puisse la contemplation
de ce mystère stimuler nos efforts, au niveau personnel tout comme dans la communauté
ecclésiale, en vue d’une croissance dans la vie selon l’Esprit par la conversion,
la pénitence et la prière ! Puisse-t-elle nous aider à surmonter, par la puissance
de ce même Esprit, les conflits et les tensions qui viennent de la chair et enlever
les obstacles, aussi bien intérieurs qu’extérieurs, qui entravent notre progression
dans le témoignage commun rendu au Christ et à la puissance de réconciliation de son
amour.
Avec ces paroles d’encouragement, chers amis, s’achève mon pèlerinage
sur les lieux saints de notre Rédemption et de notre renaissance dans le Christ. Je
prie pour que l’Église en Terre Sainte tire toujours une nouvelle vigueur de sa contemplation
du tombeau vide du Sauveur. Dans ce tombeau, elle est appelée à ensevelir toutes ses
inquiétudes et ses craintes, afin de ressusciter chaque jour et de continuer son pèlerinage
à travers les rues de Jérusalem, sur les route de Galilée et au-delà, proclamant le
triomphe du pardon du Christ et de la promesse de la vie nouvelle. Comme chrétiens,
nous savons que la paix à laquelle aspire cette terre déchirée a un nom : Jésus Christ.
« Il est notre paix », lui qui nous a réconciliés avec Dieu en un seul corps, par
la Croix, mettant fin à la haine (cf. Ep 2, 14). Déposons donc entre ses mains toute
notre espérance pour l’avenir, tout comme, à l’heure des ténèbres, il remit son esprit
entre les mains du Père.
Permettez-moi de conclure par un mot d’encouragement
particulier pour mes frères les Évêques et les prêtres, ainsi que pour les personnes
consacrées, hommes et femmes, qui servent l’Église bien-aimée en Terre Sainte. Ici,
devant le tombeau vide, au cœur même de l’Église, je vous invite à rallumer l’enthousiasme
de votre consécration au Christ et de votre engagement à servir avec amour son Corps
mystique. A vous, revient l’immense privilège de rendre témoignage au Christ, dans
la terre qu’il a sanctifiée par sa présence et son ministère. Par votre charité pastorale,
permettez, à vos frères et sœurs, à tous les habitants de cette terre, de sentir la
présence réconfortante et l’amour qui réconcilie du Ressuscité. Jésus demande à chacun
de nous d’être des témoins d’unité et de paix auprès de tous ceux qui vivent dans
cette Ville de la Paix. Nouvel Adam, le Christ est la source de l’unité à laquelle
la famille humaine tout entière est appelée, unité dont l’Église est le signe et le
sacrement. Agneau de Dieu, il est la source de la réconciliation qui est à la fois
don de Dieu et tâche qui nous est confiée. Prince de la Paix, il est la source de
cette paix qui transcende toute négociation, la paix de la Jérusalem nouvelle. Qu’il
vous soutienne dans les épreuves, qu’il vous apporte réconfort dans les peines, et
qu’il vous confirme dans vos efforts pour proclamer et faire grandir son Royaume !
A vous tous et à ceux que vous servez, j’accorde de grand cœur la Bénédiction Apostolique
en gage de la paix et de la joie de Pâques.