Discours du Pape Benoît XVI à l'occasion de sa visite au Mémorial de Moïse, sur le
Mont Nébo
Père Ministre Général, Père Custode, Chers amis,
En ce saint lieu, consacré
à la mémoire de Moïse, je vous salue tous avec affection en Jésus Christ notre Seigneur.
Je remercie le Ministre général de l’Ordre des Frères mineurs, le Père José Rodriguez
Carballo, pour ses mots chaleureux de bienvenue. Je saisis également cette occasion
pour exprimer ma gratitude, et celle de l’Église tout entière, aux Frères de la Custodie
pour leur très ancienne présence sur ces terres, pour leur joyeuse fidélité au charisme
de saint François, et pour leur généreuse sollicitude dans l’assistance spirituelle
et matérielle en faveur des communautés chrétiennes locales et des innombrables pèlerins
qui visitent chaque année la Terre Sainte. Je désire rappeler aussi, avec une gratitude
particulière, le défunt Père Michele Piccirillo, qui a consacré sa vie à l’étude des
Antiquités chrétiennes et qui est enterré dans ce sanctuaire qu’il a tant aimé.
Il
est juste que mon pèlerinage puisse commencer sur cette montagne, où Moïse a contemplé
de loin la Terre promise. La magnifique perspective qui s’ouvre depuis l’esplanade
de ce sanctuaire nous invite à méditer sur cette vision prophétique qui embrassait
mystérieusement le grand plan de salut que Dieu avait préparé pour son peuple. C’est
en effet dans la vallée du Jourdain qui s’étend sous nos yeux que, à la plénitude
des temps, Jean le Baptiste devait venir pour préparer la voie au Seigneur. C’est
dans les eaux du Jourdain que Jésus, après son baptême par Jean, a été manifesté comme
le Fils bien-aimé du Père et que, consacré par l’Esprit-Saint, il a inauguré son ministère
public. Et c’est depuis le Jourdain que l’Évangile progressera, d’abord à travers
la prédication et les miracles du Christ et que, plus tard, après sa résurrection
et le don de l’Esprit à la Pentecôte, il sera porté par ses disciples jusqu’aux extrémités
de la terre.
Ici, sur les hauteurs du Mont Nébo, la mémoire de Moïse nous invite
à « lever les yeux » pour embrasser du regard avec gratitude non seulement la puissante
œuvre accomplie par Dieu dans le passé, mais aussi pour regarder avec foi et espérance
vers l’avenir qu’il nous offre, à nous-mêmes et au monde. Comme Moïse, nous aussi
avons été appelés par notre nom, invités à entreprendre un exode quotidien du péché
et de la servitude vers la vie et la liberté, et nous avons reçu une promesse irrévocable
pour guider notre marche. Dans les eaux du Baptême, nous sommes passés de l’esclavage
du péché à une vie nouvelle et à l’espérance. Dans la communion de l’Église, Corps
du Christ, nous attendons de voir la cité céleste, la nouvelle Jérusalem, où Dieu
sera tout en tous. Depuis cette sainte montagne, Moïse dirige notre regard – comme
il le fera encore sur les hauteurs du Mont Tabor (cf. Lc 9, 28-36) – vers l’accomplissement
de toutes les promesses de Dieu, dans le Christ.
Moïse a contemplé de loin
la Terre promise, au terme de son pèlerinage terrestre. Son exemple nous rappelle
que nous avons part nous aussi à l’immémorial pèlerinage du peuple de Dieu à travers
l’histoire. Dans les pas des prophètes, des apôtres et des saints, nous sommes appelés
à poursuivre la mission du Seigneur, à rendre témoignage à la Bonne Nouvelle de la
miséricorde et de l’amour universel de Dieu, et à œuvrer pour l’avènement du Royaume
du Christ par notre charité, notre service des pauvres et nos efforts pour être levain
de réconciliation, de pardon et de paix autour de nous. Nous savons, comme Moïse,
que nous pourrions ne pas voir le plein accomplissement du plan divin durant notre
vie terrestre. Cependant, nous croyons qu’en assumant la petite part qui nous est
confiée, dans la fidélité à la vocation que chacun de nous a reçue, nous aiderons
à rendre droits les chemins du Seigneur et à accueillir l’aurore de son Royaume. Et
nous savons que le Dieu qui a révélé son nom à Moïse comme le gage qu’il serait toujours
à nos côtés (cf. Ex 3, 14) nous donnera la force de persévérer dans une espérance
joyeuse même au milieu des souffrances, des épreuves et des tribulations.
Depuis
les origines, les chrétiens sont venus en pèlerinage sur les lieux associés à l’histoire
du peuple élu, aux événements de la vie du Christ et de l’Église naissante. Cette
grande tradition, que mon présent voyage entend poursuivre et confirmer, est fondée
sur le désir de voir, de toucher, de goûter dans la prière et la contemplation, les
endroits bénis par la présence physique du Sauveur, de sa sainte Mère, des apôtres
et des premiers disciples qui l’ont vu relevé d’entre les morts. Ici, sur les pas
des innombrables pèlerins qui nous ont précédés au cours des siècles, nous sommes
provoqués à mesurer plus pleinement le don de notre foi et à grandir dans cette communion
qui transcende toute frontière de langue, de race et de culture.
L’antique
tradition du pèlerinage sur les lieux saints nous rappelle aussi le lien inséparable
qui unit l’Église et le peuple juif. Depuis le commencement, l’Église sur cette terre
a commémoré dans sa liturgie les grandes figures de l’Ancien Testament, comme un signe
de sa conscience profonde de l’unité des deux Testaments. Puisse, aujourd’hui, notre
rencontre nous inspirer un amour renouvelé pour les écrits de l’Ancien Testament et
le désir de dépasser tous les obstacles à la réconciliation des Chrétiens et des Juifs
dans le respect mutuel et la coopération au service de cette paix à laquelle la Parole
de Dieu nous appelle ! Chers amis, rassemblés en ce lieu saint, que nos yeux et
nos cœurs se tournent maintenant vers le Père. Alors que nous nous préparons à redire
la prière que Jésus nous a enseignée, demandons-lui de hâter la venue de son royaume
afin que nous puissions voir l’accomplissement de son plan de salut, et faire l’expérience,
avec saint François et tous les pèlerins qui nous ont précédés marqués du signe de
la foi, du don de l’indicible paix – pax et bonum – qui nous attend dans la Jérusalem
céleste.