Discours de Benoît XVI pour la Bénédiction de la première pierre de l’Université du
patriarcat latin à Madaba
Chers frères Évêques, Chers amis,
C’est pour moi une grande joie de bénir
cette pierre de fondation de l’Université de Madaba. Je remercie Sa Béatitude Mgr
Fouad Twal, Patriarche latin de Jérusalem, pour ses aimables paroles de bienvenue.
Je désire exprimer aussi ma particulière reconnaissance à Sa Béatitude le Patriarche
émérite Michel Sabbah, à l’initiative et aux efforts duquel, joints à ceux de Mgr
Salim Sayegh, cette nouvelle institution doit beaucoup. Je remercie également les
autorités civiles, les Évêques, les prêtres, les religieux, les fidèles ainsi que
toutes les personnes qui sont rassemblées pour cette importante cérémonie.
À
juste raison, le Royaume de Jordanie a donné la priorité à la tâche de développer
et de perfectionner l’éducation. Je n’ignore pas que dans ce noble objectif Sa Majesté
la Reine Rania est spécialement impliquée et que son engagement est une source d’inspiration
pour beaucoup. Alors que je salue les efforts des personnes de bonne volonté qui se
consacrent à l’éducation, je relève avec satisfaction la participation compétente
et culturellement qualifiée des institutions chrétiennes, spécialement catholiques
et orthodoxes, dans cet effort général. C’est ce climat qui a poussé l’Église catholique,
avec le soutien des autorités jordaniennes, à consacrer des efforts au développement
de l’enseignement universitaire ici et ailleurs. Cette initiative répond aussi à la
requête de nombreuses familles qui, heureuses de la formation donnée dans les écoles
tenues par les autorités religieuses, souhaitent qu’une option analogue sur le plan
universitaire soit offerte.
Je rends hommage aux promoteurs de cette nouvelle
institution pour leur courageuse confiance qu’une bonne éducation est un point d’appui
essentiel pour l’épanouissement personnel et pour la paix et le développement de la
région. Dans ce contexte, l’Université de Madaba conservera sûrement à l’esprit trois
objectifs importants. En développant les talents et la noblesse de comportement des
générations à venir d’étudiants, elle les préparera à servir une communauté plus large
et à élever son niveau de vie. En transmettant la connaissance et en diffusant chez
les étudiants l’amour de la vérité, elle fortifiera puissamment leur adhésion aux
valeurs authentiques et leur liberté personnelle. Enfin, cette même formation intellectuelle
aiguisera leur sens critique, dissipera ignorance et préjugés, et aidera à briser
l’attrait exercé par des idéologies anciennes ou nouvelles. Le résultat de ce processus
est une université qui n’est pas seulement un lieu où se fortifie l’adhésion à la
vérité et aux valeurs d’une culture donnée, mais un espace de dialogue et de compréhension.
Tout en assimilant leur propre héritage, les jeunes jordaniens et les étudiants des
pays voisins seront conduits à une connaissance plus profonde des réussites de l’humanité,
seront enrichis par d’autres points de vue et formés à la compréhension, à la tolérance
et à la paix.
Cette éducation «plus large», c’est ce que l’on attend des institutions
d’enseignement supérieur et de leur environnement culturel, qu’il soit séculier ou
religieux. En fait, croire en Dieu ne dispense pas de la recherche de la vérité ;
tout au contraire, cela l’encourage. Saint Paul exhortait les premiers chrétiens à
ouvrir leur esprit à « tout ce qui est vrai et noble, tout ce qui est juste et pur,
tout ce qui est digne d’être aimé et honoré, tout ce qui s’appelle vertu et mérite
des éloges » (Ph 4, 8). Bien sûr, la religion, comme la science et la technologie,
comme la philosophie et toutes les expressions de notre quête de la vérité, peut être
corrompue. La religion est défigurée quand elle est mise au service de l’ignorance
et du préjugé, du mépris, de la violence et des abus. Dans ce cas, nous ne constatons
pas seulement une perversion de la religion mais aussi une corruption de la liberté
humaine, une étroitesse et un aveuglement de l’esprit. Il est clair qu’une telle issue
n’est pas inévitable. En effet, quand nous promouvons l’éducation, nous exprimons
au contraire notre confiance dans le don de la liberté. Le cœur humain peut être endurci
par les conditionnements du milieu environnant, par les intérêts et les passions.
Mais toute personne est aussi appelée à la sagesse et à l’intégrité, au choix décisif
et fondamental du bien sur le mal, de la vérité sur la malhonnêteté, et elle peut
être aidée dans cette tâche.
L’appel à l’intégrité morale est perçu par la
personne vraiment religieuse parce que le Dieu de la vérité, de l’amour et de la beauté,
ne peut pas être servi d’une autre façon. Croire en Dieu de façon mûre est grandement
utile à l’acquisition et à l’application même de la connaissance. Science et technologie
offrent d’extraordinaires bienfaits à la société et ont grandement amélioré la qualité
de vie des êtres humains. C’est là, sans aucun doute, une des espérances de ceux qui
promeuvent cette Université dont la devise est Sapientia et Scientia. En même temps,
la science a ses limites. Elle ne peut répondre à toutes les questions qui concernent
l’homme et son existence. En effet, la personne humaine, sa place et son rôle dans
l’univers, ne peuvent être circonscrits dans les limites de la science. « La nature
raisonnable de la personne humaine trouve, et doit trouver, sa perfection dans la
sagesse qui attire avec douceur l’esprit de l’homme à rechercher le vrai et le bien
» (cf. Gaudium et Spes, n. 15). L’usage des connaissances scientifiques requiert la
lumière de la sagesse éthique. Telle est la sagesse qui a inspiré le serment d’Hippocrate,
ou la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme de 1948, ou la Convention de Genève
et d’autres louables Traités internationaux. De là, le fait que la sagesse éthique
et religieuse, en répondant au questionnement du sens et des valeurs, joue un rôle
central dans la formation professionnelle. En conséquence, les universités où la quête
de la vérité est liée à la recherche de ce qui est bon et noble, offrent une contribution
indispensable à la société.
Dans le prolongement de ces réflexions, j’encourage
d’une façon particulière les étudiants chrétiens de Jordanie et des régions voisines,
à se consacrer avec sérieux à une formation morale et professionnelle appropriée.
Vous êtes appelés à être les bâtisseurs d’une société juste et pacifique composée
de personnes de religions différentes et d’origines ethniques diverses. Ces réalités
– je désire le souligner une fois de plus – doivent conduire, non à des oppositions,
mais à un enrichissement mutuel. La mission et la vocation de l’Université de Madaba
sont précisément de vous aider à participer plus pleinement à cette tâche.
Chers
amis, je souhaite renouveler mes félicitations au Patriarche latin de Jérusalem et
mes encouragements à tous ceux qui ont pris ce projet à cœur, ainsi qu’à tous ceux
qui sont déjà engagés dans l’apostolat de l’enseignement dans ce pays. Que le Seigneur
vous bénisse et vous soutienne ! Je prie pour que votre rêve puisse devenir bientôt
réalité, que vous puissiez voir des générations d’hommes et de femmes bien formés
– chrétiens, musulmans et d’autres religions – prendre leur place dans la société,
professionnellement aptes, compétents dans leur domaine et éduqués aux valeurs de
sagesse, de tolérance et de paix. Sur vous et sur l’ensemble des futurs étudiants,
professeurs et membres de l’administration de cette Université ainsi que sur leurs
familles, j’invoque l’abondance des bénédictions du Dieu Tout-Puissant.