Le Pape poursuit le volet spirituel et la signification profonde de son voyage apostolique
en France. Le pèlerinage à Lourdes à l'occasion du 150ème anniversaire des apparitions
de la Vierge Marie à Bernadette Soubirous. Il a célébré dimanche 14 septembre une
Messe devant 150 000 fidèles et a rendu hommage à la Sainte Vierge dans son homélie
. La correspondance
de notre envoyée spéciale Romilda Ferrauto
Homélie
du Saint-Père :
Messieurs les Cardinaux, Cher Monseigneur Perrier, Chers
Frères dans l’Épiscopat et le Sacerdoce, Chers pèlerins, frères et sœurs, «
Allez dire aux prêtres qu'on vienne ici en procession et qu'on y bâtisse une chapelle
». C'est le message qu'en ces lieux Bernadette a reçu de la « belle Dame »
qui lui apparut le 2 mars 1858. Depuis 150 ans, les pèlerins n'ont jamais cessé de
venir à la grotte de Massabielle pour entendre le message de conversion et d'espérance
qui leur est adressé. Et nous aussi, nous voici ce matin aux pieds de Marie, la Vierge
Immaculée, pour nous mettre à son école avec la petite Bernadette. Je remercie particulièrement
Mgr Jacques Perrier, Évêque de Tarbes et Lourdes, pour l'accueil chaleureux qu'il
m'a réservé et pour les paroles aimables qu’il m’a adressées. Je salue les Cardinaux,
les Évêques, les prêtres, les diacres, les religieux et les religieuses, ainsi que
vous tous, chers pèlerins de Lourdes, en particulier les malades. Vous êtes venus
en grand nombre accomplir ce pèlerinage jubilaire avec moi et confier vos familles,
vos proches et vos amis, et toutes vos intentions à Notre Dame. Ma gratitude va aussi
aux Autorités civiles et militaires qui ont voulu être présentes à cette célébration
eucharistique. « Quelle grande chose que de posséder la Croix ! Celui qui la
possède, possède un trésor » (Saint André de Crète, Homélie X pour l'Exaltation
de la Croix, PG 97, 1020). En ce jour où la liturgie de l'Église célèbre
la fête de l'Exaltation de la sainte Croix, l'Évangile nous rappelle la signification
de ce grand mystère : Dieu a tant aimé le monde qu'Il a donné son Fils unique, pour
que les hommes soient sauvés (cf. Jn 3, 16). Le Fils de Dieu s'est fait vulnérable,
prenant la condition de serviteur, obéissant jusqu'à la mort et la mort sur une croix
(cf. Ph 2, 8). C'est par sa Croix que nous sommes sauvés. L'instrument de supplice
qui manifesta, le Vendredi-Saint, le jugement de Dieu sur le monde, est devenu source
de vie, de pardon, de miséricorde, signe de réconciliation et de paix. « Pour être
guéris du péché, regardons le Christ crucifié ! » disait saint Augustin (Traités
sur St Jean, XII, 11). En levant les yeux vers le Crucifié, nous adorons Celui
qui est venu enlever le péché du monde et nous donner la vie éternelle. Et l'Église
nous invite à élever avec fierté cette Croix glorieuse pour que le monde puisse voir
jusqu'où est allé l'amour du Crucifié pour les hommes. Elle nous invite à rendre grâce
à Dieu parce que d'un arbre qui apportait la mort, a surgi à nouveau la vie. C'est
sur ce bois que Jésus nous révèle sa souveraine majesté, nous révèle qu'Il est exalté
dans la gloire. Oui, « Venez, adorons-le ! ».Au milieu de nous se trouve
Celui qui nous a aimés jusqu'à donner sa vie pour nous, Celui qui invite tout être
humain à s’approcher de lui avec confiance.
C'est ce grand mystère que Marie
nous confie aussi ce matin en nous invitant à nous tourner vers son Fils. En effet,
il est significatif que, lors de la première apparition à Bernadette, c'est par le
signe de la Croix que Marie débute sa rencontre. Plus qu'un simple signe, c'est une
initiation aux mystères de la foi que Bernadette reçoit de Marie. Le signe de la Croix
est en quelque sorte la synthèse de notre foi, car il nous dit combien Dieu nous a
aimés ; il nous dit que, dans le monde, il y a un amour plus fort que la mort, plus
fort que nos faiblesses et nos péchés. La puissance de l'amour est plus forte que
le mal qui nous menace. C'est ce mystère de l'universalité de l'amour de Dieu pour
les hommes que Marie est venue rappeler ici, à Lourdes. Elle invite tous les hommes
de bonne volonté, tous ceux qui souffrent dans leur cœur ou dans leur corps, à lever
les yeux vers la Croix de Jésus pour y trouver la source de la vie, la source du salut. L'Église
a reçu la mission de montrer à tous ce visage aimant de Dieu manifesté en Jésus-Christ.
Saurons-nous comprendre que dans le Crucifié du Golgotha c'est notre dignité d'enfants
de Dieu, ternie par le péché, qui nous est rendue ? Tournons nos regards vers le Christ.
C'est Lui qui nous rendra libres pour aimer comme il nous aime et pour construire
un monde réconcilié. Car, sur cette Croix, Jésus a pris sur lui le poids de toutes
les souffrances et des injustices de notre humanité. Il a porté les humiliations et
les discriminations, les tortures subies en de nombreuses régions du monde par tant
de nos frères et de nos sœurs par amour du Christ. Nous les confions à Marie, mère
de Jésus et notre mère, présente au pied de la Croix.
Pour accueillir dans
nos vies cette Croix glorieuse, la célébration du jubilé des apparitions de Notre-Dame
à Lourdes nous fait entrer dans une démarche de foi et de conversion. Aujourd'hui,
Marie vient à notre rencontre pour nous indiquer les voies d'un renouveau de la vie
de nos communautés et de chacun de nous. En accueillant son Fils, qu'elle nous présente,
nous sommes plongés dans une source vive où la foi peut retrouver une vigueur nouvelle,
où l'Église peut se fortifier pour proclamer avec toujours plus d'audace le mystère
du Christ. Jésus, né de Marie, est le Fils de Dieu, l'unique Sauveur de tous les hommes,
vivant et agissant dans son Église et dans le monde. L'Église est envoyée partout
dans le monde pour proclamer cet unique message et inviter les hommes à l'accueillir
par une authentique conversion du cœur. Cette mission, qui a été confiée par Jésus
à ses disciples, reçoit ici, à l'occasion de ce jubilé, un souffle nouveau. Qu'à la
suite des grands évangélisateurs de votre pays, l'esprit missionnaire qui a animé
tant d'hommes et de femmes de France, au cours des siècles, soit encore votre fierté
et votre engagement ! En suivant le parcours jubilaire sur les pas de Bernadette,
l'essentiel du message de Lourdes nous est rappelé. Bernadette est l’aînée d’une famille
très pauvre, qui ne possède ni savoir ni pouvoir, faible de santé. Marie l’a choisie
pour transmettre son message de conversion, de prière et de pénitence, conformément
à la parole de Jésus : « Ce que tu as caché aux sages et aux savants, tu l'as révélé
aux tout-petits » (Mt 11, 25).Dans leur cheminement spirituel,
les chrétiens sont appelés eux aussi à faire fructifier la grâce de leur Baptême,
à se nourrir de l'Eucharistie, à puiser dans la prière la force pour témoigner et
être solidaires avec tous leurs frères en humanité (cf. Hommage à la Vierge Marie,
Place d'Espagne, 8 décembre 2007). C'est donc une véritable catéchèse qui
nous est ainsi proposée, sous le regard de Marie. Laissons-la nous instruire et nous
guider sur le chemin qui conduit au Royaume de son Fils ! En poursuivant sa catéchèse,
la « belle Dame »révèle son nom à Bernadette : « Je suis l'Immaculée
Conception ».Marie lui dévoile ainsi la grâce extraordinaire qu'elle a
reçue de Dieu, celle d'avoir été conçue sans péché, car « il s'est penché sur son
humble servante » (cf. Lc 1, 48). Marie est cette femme de notre terre
qui s'est remise entièrement à Dieu et qui a reçu le privilège de donner la vie humaine
à son Fils éternel. « Voici la servante du Seigneur ; que tout se passe en moi
selon ta parole »(Lc 1, 38). Elle est la beauté transfigurée, l'image
de l'humanité nouvelle. En se présentant ainsi dans une totale dépendance de Dieu,
Marie exprime en réalité une attitude de pleine liberté, fondée sur l'entière reconnaissance
de sa véritable dignité. Ce privilège nous concerne nous aussi, car il nous dévoile
notre propre dignité d'hommes et de femmes, marqués certes par le péché, mais sauvés
dans l'espérance, une espérance qui nous permet d'affronter notre vie quotidienne.
C'est la route que Marie ouvre aussi à l'homme. S'en remettre pleinement
à Dieu, c'est trouver le chemin de la liberté véritable. Car, en se tournant vers
Dieu, l'homme devient lui-même. Il retrouve sa vocation originelle de personne créée
à son image et à sa ressemblance. Chers Frères et Sœurs, la vocation première du sanctuaire
de Lourdes est d'être un lieu de rencontre avec Dieu dans la prière, et un lieu de
service des frères, notamment par l'accueil des malades, des pauvres et de toutes
les personnes qui souffrent. En ce lieu, Marie vient à nous comme la mère, toujours
disponible aux besoins de ses enfants. À travers la lumière qui émane de son visage,
c'est la miséricorde de Dieu qui transparaît. Laissons-nous toucher par son regard
qui nous dit que nous sommes tous aimés de Dieu et jamais abandonnés par Lui ! Marie
vient nous rappeler ici que la prière, intense et humble, confiante et persévérante,
doit avoir une place centrale dans notre vie chrétienne. La prière est indispensable
pour accueillir la force du Christ. « Celui qui prie ne perd pas son temps, même
si la situation apparaît réellement urgente et semble pousser uniquement à l'action
»(Deus caritas est, n. 36). Se laisser absorber par les
activités risque de faire perdre à la prière sa spécificité chrétienne et sa véritable
efficacité. La prière du Rosaire, si chère à Bernadette et aux pèlerins de Lourdes,
concentre en elle la profondeur du message évangélique. Elle nous introduit à la contemplation
du visage du Christ. Dans cette prière des humbles, nous pouvons puiser d'abondantes
grâces. La présence des jeunes à Lourdes est aussi une réalité importante. Chers amis,
ici présents ce matin, réunis autour de la croix de la Journée mondiale de la Jeunesse,
lorsque Marie a reçu la visite de l'ange, c'était une jeune fille de Nazareth qui
menait la vie simple et courageuse des femmes de son village. Et si le regard de Dieu
s'est posé de façon particulière sur elle, en lui faisant confiance, Marie peut vous
dire encore qu'aucun de vous n'est indifférent à Dieu. Il pose Son regard aimant sur
chacun de vous et vous appelle à une vie heureuse et pleine de sens. Ne vous laissez
pas rebuter par les difficultés ! Marie fut troublée à l'annonce de l'ange venu lui
dire qu'elle serait La Mère du Sauveur. Elle ressentait combien elle était faible
face à la toute-puissance de Dieu. Pourtant, elle a dit « oui » sans hésiter. Et grâce
à son oui, le salut est entré dans le monde, changeant ainsi l'histoire de l'humanité.
À votre tour, chers jeunes, n'ayez pas peur de dire oui aux appels du Seigneur, lorsqu'Il
vous invite à marcher à sa suite. Répondez généreusement au Seigneur ! Lui seul peut
combler les aspirations les plus profondes de votre cœur. Vous êtes nombreux à venir
à Lourdes pour un service attentif et généreux auprès des malades ou d'autres pèlerins,
en vous mettant ainsi à suivre le Christ serviteur. Le service des frères et des sœurs
ouvre le cœur et rend disponible. Dans le silence de la prière, que Marie soit votre
confidente, elle qui a su parler à Bernadette en la respectant et en lui faisant confiance.
Que Marie aide ceux qui sont appelés au mariage à découvrir la beauté d'un amour véritable
et profond, vécu comme don réciproque et fidèle ! À ceux, parmi vous, que le Seigneur
appelle à sa suite dans la vocation sacerdotale ou religieuse, je voudrais redire
tout le bonheur qu'il y a à donner totalement sa vie pour le service de Dieu et des
hommes. Que les familles et les communautés chrétiennes soient des lieux où puissent
naître et s'épanouir de solides vocations au service de l'Église et du monde ! Le
message de Marie est un message d'espérance pour tous les hommes et pour toutes les
femmes de notre temps, de quelque pays qu'ils soient. J'aime à invoquer Marie comme
étoile de l'espérance (Spe salvi, n.50). Sur les chemins de
nos vies, si souvent sombres, elle est une lumière d'espérance qui nous éclaire et
nous oriente dans notre marche. Par son oui, par le don généreux d'elle-même, elle
a ouvert à Dieu les portes de notre monde et de notre histoire. Et elle nous invite
à vivre comme elle dans une espérance invincible, refusant d'entendre ceux qui prétendent
que nous sommes enfermés dans la fatalité. Elle nous accompagne de sa présence maternelle
au milieu des événements de la vie des personnes, des familles et des nations. Heureux
les hommes et les femmes qui mettent leur confiance en Celui qui, au moment d'offrir
sa vie pour notre salut, nous a donné sa Mère pour qu'elle soit notre Mère ! Chers
Frères et Sœurs, sur cette terre de France, la Mère du Seigneur est vénérée en d'innombrables
sanctuaires, qui manifestent ainsi la foi transmise de générations en générations.
Célébrée en son Assomption, elle est la patronne bien-aimée de votre pays. Qu'elle
soit toujours honorée avec ferveur dans chacune de vos familles, dans vos communautés
religieuses et dans vos paroisses ! Que Marie veille sur tous les habitants de votre
beau pays et sur les pèlerins venus nombreux d'autres pays célébrer ce jubilé ! Qu'elle
soit pour tous la Mère qui entoure ses enfants dans les joies comme dans les épreuves
! Sainte Marie, Mère de Dieu, notre Mère, enseigne-nous à croire, à espérer et à aimer
avec toi. Indique-nous le chemin vers le règne de ton Fils Jésus ! Étoile de la mer,
brille sur nous et conduis-nous sur notre route ! (cf. Spe salvi, n. 50).
Amen.