Le père Ludovic Danto nous commente l'Evangile de ce 4ème dimanche de Carême, le dimanche
de Laetare En ce quatrième dimanche de carême, dimanche de joie que l’on connaît
liturgiquement sous le nom de laetare, nous lisons au cours de la messe la
guérison de l’aveugle-né, épisode évangélique qu’on trouve au chapitre 9 de Saint
Jean. Comme habituellement en saint Jean, l’évangéliste nous dévoile peu à peu
la vérité sur Jésus et sur ses actes. Pour comprendre le passage, il nous faut aller
au-delà de ce que nous entendons, au-delà de la guérison matérielle de l’aveugle-né.
En effet, les faits disent quelque chose d’autre que leur simple matérialité : ils
révèlent la nature profonde du Christ et de son message. Au début de ce passage,
le Christ déclare : « je suis la lumière du monde » et à la fin il assène aux juifs :
« Je suis venu en ce monde pour une remise en question : pour que ceux qui ne voient
pas puissent voir, et que ceux qui voient deviennent aveugle »… Tout le contexte laisse
donc apparaître que nous sommes vraisemblablement face un enseignement baptismal de
Jésus. Le Christ est venu pour que les hommes plongés dans l’eau qui régénère, soient
libérés de leur aveuglement. En écoutant cet Evangile, il ne faut pas l’oublier. Tout
au long de cet épisode, une question revient sans cesse : celle du péché. Dès les
premières lignes, les disciples demandent : « ‘Rabbi pourquoi cet homme est-il aveugle ?
est-ce lui qui a péché ou bien ses parents ?’ Jésus répondit : ‘ni lui ni ses parents.
Mais l’action de Dieu devait se manifester en lui’ ». Dans cette réponse nous pouvons
penser que Jésus renvoie à la condition humaine commune marquée par le mal… Il rompt
le lien que l’on fait trop facilement entre le péché personnel et la punition divine
immanente ; il nous appelle sans doute à ne pas se poser les mauvaises questions.
Notre esprit est prompt à chercher les culpabilités, ce qui nous dédouane ainsi facilement
de nous interroger sur les vraies questions… d’ailleurs le passage se conclura par
la dénonciation du péché de gens apparemment bien portants puisque Jésus déclare aux
juifs qui l’interrogent : « du moment que vous dites : ‘nous voyons !’ votre péché
demeure ». Ne recherchons pas chez les autres ce qui peut nous apparaître comme des
punitions divines… Nos conclusions sont fréquemment sujet à caution et elles sont
régulièrement le fruit de nos propres fermetures… En revanche, reconnaissons que l’humanité
est blessée, acceptons d’en faire partie et laissons l’œuvre de Dieu s’accomplir en
nous. Mais, même ainsi, ne crions pas victoire trop vite : l’Evangile de ce jour
nous montre combien le cœur est dur à la conversion. Le refus d’admettre que Dieu
puisse agir porte les pharisiens à trouver tous les subterfuges, toutes les arguties
possibles pour ne pas admettre que le Christ puisse être plus que ce qu’ils ont décidé
qu’il serait… Nos aveuglements sont profonds, surtout lorsqu’on croit posséder la
lumière, et l’humilité nous fait bien souvent défaut. Après toutes les pressions exercées
sur l’aveugle-né et sa famille, les pharisiens en viennent à des propos qui n’ont
d’autre légitimité que leur propre violence, leur propre autorité : « Rends gloire
à Dieu ! Nous savons nous que cet homme est un pécheur »… Aveu de faiblesse sans doute,
mais tellement habituelle chez l’homme qui n’ayant plus d’argument raisonnable pour
défendre sa position en arrive à la violence verbale qui impose à l’autre ses propres
conclusions… Enfin ultime attitude des faibles en position de domination : le dénigrement
de leur contradicteur . « ‘Tu es tout entier plongé dans le péché depuis ta naissance,
et tu nous fais la leçon ?’ Et ils le jetèrent dehors »… Ces scènes tant de fois
répétées dans la vie de l’homme doivent nous mettre en garde contre nous-mêmes. Combien
de fois avons-nous agit de la sorte ? Il n’y a pas de plus grand aveugle que celui
qui refuse de voir… et à n’en pas douter le péché qui en résulte est bien profond.
En ce dimanche demandons à Dieu la grâce d’être illuminés, de connaître nos lieux
d’obscurité pour permettre à notre baptême d’agir pleinement dans notre vie… Qui que
nous soyons, ne croyons pas posséder les choses de Dieu