le Père Ludovic Danto commente l'Evangile de la Sainte Famille, selon st Matthieu
2.13-15-19-23 : Histoire humaine et histoire sainte -
Texte
du commentaire:En ce temps de Noël, en ce dimanche de la Sainte-Famille, il nous est
donné d’accompagner Jésus dans ses premières tribulations : nous nous souvenons de
la fuite en Egypte. Notre imaginaire est rempli par les nombreuses représentations
picturales de cet épisode important des Evangiles de l’enfance. Nous y voyons Marie
et l’enfant Jésus accompagnés de Joseph qui fuient la colère d’Hérode : « Lève-toi,
prends l’enfant et sa mère et fuit en Egypte »… et nous y devinons une vie marquée
par la discrétion : « Il se leva, pris avec lui l’enfant et sa mère, de nuit et
se retira en Egypte »… Nous y découvrons aussi le long cheminement nécessaire
à l’accomplissement de la parole de Dieu : Joseph rentre en Terre Sainte, mais « averti
en songe, il se retira dans la région de Galilée »… Entre cet aller et ce retour
existe un épisode que nous n’entendrons pas en ce dimanche : le massacre des Saints
Innocents. La fureur d’Hérode s’est abattue sur la région : les enfants sont massacrés.
Il faut coûte que coûte qu’il élimine le Messie qui menace son pouvoir. De ces
quelques lignes de la fuite en Egypte, ce qui nous saisit d’abord c’est que le temps
de Dieu n’est pas le nôtre : deux fois nous est évoquée la mort d’Hérode. Au début :
« et il resta là jusqu’à la mort d’Hérode », comme à la fin : « Quand Hérode
eut cessé de vivre […] il se leva… ». Hérode voulait maîtriser sa destinée, mais
nous savons que c’est Dieu qui a finalement vaincu. Dieu a dû faire avec Hérode, mais
Dieu a poursuivi son œuvre malgré tout. Nous ne saurons jamais si Hérode est mort
assuré de la disparition du Messie, mais nous savons que la patience Dieu a déjoué
ses plans. N’oublions pas, frères et sœurs, que Dieu est plus grand que nos pensées.
Nous aurons beau tout faire pour contrecarrer ses projets, nous mourrons néanmoins
vaincus. Le temps nous est compté. Ce qui nous saisit ensuite, c’est de constater
que derrière des évènements somme toute très anodins aux yeux de l’histoire, se joue
la destinée de l’humanité… Qui a pu imaginer en croisant cette famille juive qui parcouraient
les chemins de l’exil qu’il venait de rencontrer le Fils de Dieu ? Qui a pu penser
en voyant ce nouveau né, installé en terre étrangère, qu’il contemplait le Dieu Emmanuel ?
Qui a pu croire que cet enfant de Nazareth était le Fils du Très-Haut ? Derrière
la vie de cette Famille juive, c’était l’histoire divine qui s’accomplissait. Au-delà
du voile des apparences humaines – une famille brouettée par l’histoire des hommes
– c’était l’histoire sainte qui se déroulait devant les yeux des contemporains de
Jésus sans que ceux-ci ne puissent s’en douter. N’oublions pas frères et sœurs que
les évènements de ce monde n’ont pas la même portée et la même signification aux yeux
de Dieu. Nous serons certainement surpris lorsque nous lirons l’histoire de l’humanité
non plus avec les lunettes de notre seule intelligence mais que nous la verrons et
la comprendrons avec le regard et les projets de Dieu. Enfin nous sommes saisis
de voir que les promesses de Dieu s’accomplissent toujours. L’enfant de Bethléem revit
par ces chemins égyptiens de la souffrance ce que vécut le peuple hébreu : « D’Egypte
j’ai appelé mon Fils ». Le Christ par sa vie assume toute l’histoire d’Israël
comme il assume les tribulations de la vie de chaque homme, car par où nous passons,
il est passé : « Lui qui était de condition divine, il ne retint pas jalousement
le rang qui l’égalait à Dieu mais il s’est anéanti prenant la condition de serviteur »
nous dit saint Paul. En effet le mystère de l’Incarnation c’est le mystère
d’un Dieu qui ne refuse pas notre condition humaine afin de nous faire partager à
son tour sa propre condition divine. Chers frères et sœurs, laissons-nous saisir
par le mystère de l’Incarnation qui à n’en pas douter écrit des pages bien différentes
de l’histoire officielle de nos manuels scolaires.