Document de la Congrégation pour l'éducation catholique : Eduquer ensemble dans l'école
catholique
CONGRÉGATION POUR L’ÉDUCATION CATHOLIQUE (pour les Séminaires et les Institutions
d’Enseignement)
ÉDUQUER ENSEMBLE DANS L’ÉCOLE CATHOLIQUE
MISSION PARTAGÉE
PAR LES PERSONNES CONSACRÉES ET LES FIDÈLES LAÏCS TABLE DES MATIÈRES INTRODUCTION 3 I. LA
COMMUNION DANS LA MISSION ÉDUCATIVE L’Église : mystère de communion et de mission 5 Éduquer
en communion et à la communion 5 Les personnes consacrées et les fidèles
laïcs ensemble dans l’école 6
II. UN PARCOURS DE FORMATION POUR ÉDUQUER
ENSEMBLE La formation professionnelle 7 La formation théologique
et spirituelle 9 La contribution des personnes consacrées à la formation
partagée 9 La contribution des laïcs à la formation partagée 10 La
formation à l’esprit de communion pour éduquer 10 Témoignage et culture
de la communion 11 Communauté éducative et pastorale des vocations 12
III. LA
COMMUNION POUR S’OUVRIR AUX AUTRES Fondements anthropologiques et théologiques 13 Bâtisseurs
d’une communion ouverte 14 CONCLUSION 16 Introduction
1. L’évolution
extrêmement rapide et parfois contradictoire de notre temps suscite, dans le domaine
éducatif, des défis qui interpellent le monde de l’école et l’incitent à trouver des
réponses adaptées non seulement au niveau des contenus et des méthodes didactiques,
mais aussi sur le plan de l’expérience communautaire propre à l’action éducative.
L’importance de ces défis vient du contexte de complexité sociale, culturelle et
religieuse dans lequel grandissent en fait les jeunes générations et qui influe
d’une manière significative sur ce qu’elles vivent. Il s’agit de phénomènes largement
répandus, tels le désintérêt pour les vérités fondamentales de la vie humaine, l’individualisme,
le relativisme moral et l’utilitarisme, qui imprègnent surtout les sociétés riches
et développées. À ces phénomènes s’ajoutent les mutations structurelles rapides, la
mondialisation et l’application des nouvelles technologies au domaine de l’information,
qui ont toujours davantage de répercussions dans la vie quotidienne et dans les parcours
de formation. De plus, avec le processus du développement, l’écart entre pays riches
et pays pauvres grandit, le phénomène des migrations s'accroît, accentuant la diversité
des identités culturelles sur un même territoire national avec les conséquences qui
en découlent pour l’intégration. Dans une société à la fois globale et diversifiée,
locale et planétaire, ouverte à des modes divers et conflictuels d’interprétation
du monde et de la vie, les jeunes sont confrontés à toutes sortes de propositions
de valeurs ou contre-valeurs, toujours plus mobilisatrices, mais également toujours
moins partagées. À cela s’ajoutent les difficultés venant des problèmes de stabilité
familiale, des situations de gêne et de pauvreté, qui créent un sentiment diffus de
désarroi sur le plan existentiel et affectif, à un moment délicat de leur croissance
et de leur épanouissement, les exposant au péril d’être « secoués et menés à la dérive
par tous les courants d’idées » (Ep 4, 14).
2. Dans ce contexte, il
devient particulièrement urgent d’offrir aux jeunes un parcours de formation scolaire
qui ne se réduise pas à l’utilisation individualiste et institutionnelle d’un service
qui aurait pour but la seule obtention d’un diplôme. Outre l’apprentissage des connaissances,
il est nécessaire que les étudiants fassent l’expérience d’un partage approfondi avec
leurs éducateurs. Pour l’heureuse réalisation d’une telle expérience, les éducateurs
eux-mêmes doivent être des interlocuteurs accueillants et bien préparés, capables
de susciter et d’orienter chez les étudiants le meilleur de leurs énergies, en vue
de la recherche de la vérité et du sens de l’existence, en vue d’une réelle construction
de la personne et d’une approche positive de la vie, dans l’optique d’une formation
intégrale. Du reste « une véritable éducation n’est pas possible […] sans la lumière
de la vérité »1.
3. Cette perspective interpelle toutes les institutions
scolaires, mais encore plus directement l’école catholique, qui prête constamment
attention aux instances de formation de la société, parce que « le problème de l’instruction
a toujours été étroitement lié à la mission de l’Église »2. À cette mission,
l’école catholique participe en tant qu’authentique protagoniste ecclésial d’un service
éducatif vivifié par la vérité de l’Évangile. En effet, fidèle à sa vocation, l’école
catholique se présente « comme lieu d’éducation intégrale de la personne humaine à
travers un projet éducatif clair qui a son fondement dans le Christ »3,
projet destiné à opérer une synthèse entre la foi, la culture et la vie.
4. Le
projet de l’école catholique est convaincant seulement s’il est réalisé par des personnes
profondément motivées, parce que témoins d’une rencontre vivante avec le Christ, car
« le mystère de l’homme ne s’éclaire vraiment que dans le mystère du Verbe incarné »4.
Des personnes qui, par conséquent, se reconnaissent dans l’adhésion personnelle
et communautaire au Seigneur, choisi comme fondement et référence constante de
la relation inter-personnelle et de la collaboration mutuelle entre l’éducateur et
celui qui doit être éduqué.
5. La réalisation d’une véritable communauté
éducative sur la base de valeurs et de projets partagés représente pour l’école
catholique une tâche importante à accomplir. En effet, la présence, au sein de la
communauté, d’élèves et aussi d’enseignants provenant de contextes culturels et religieux
différents, requiert un engagement de discernement et d’accompagnement accrus. L’élaboration
d’un projet partagé est comme un appel impérieux qui pousse l’école catholique à se
qualifier comme lieu d’expérience ecclésiale. Sa force de rassemblement et ses capacités
de relations découlent d’un ensemble de valeurs et d’une communion de vie enracinées
dans la même appartenance au Christ et dans la reconnaissance des valeurs évangéliques,
prises comme règles éducatives, comme motivations et, en définitive, comme buts du
parcours scolaire. Certes, le degré de participation variera en fonction de l’histoire
personnelle de chacun, mais cela exige des éducateurs une disponibilité à un engagement
de formation et d’autoformation permanentes, en considération du choix de valeurs
culturelles et du mode de vie dont la communauté éducative devra témoigner5.
6. La
Congrégation pour l’Éducation Catholique, après avoir déjà traité en deux documents
le thème de l’identité et de la mission dans l’école respectivement du laïc catholique
et des personnes consacrées, considère dans le présent document les aspects pastoraux
se rapportant à la collaboration entre fidèles laïcs et consacrés6 dans
la même mission éducative. Dans cette mission, se rencontrent le choix des fidèles
laïcs de vivre la tâche éducative « comme une vocation personnelle dans l’Église et
pas seulement comme l’exercice d’une profession »7 et le choix des personnes
consacrées, en tant qu’appelées « à vivre les conseils évangéliques et à porter l’humanisme
des béatitudes dans le champ de l’éducation et de l’école »8.
7. Ce
document se situe dans la continuité des textes précédents de la Congrégation pour
l’Éducation Catholique concernant l’éducation et l’école9. Il tient clairement
compte des diverses situations dans lesquelles se trouvent les institutions scolaires
catholiques dans les différentes régions du monde. Il entend attirer l’attention sur
trois aspects fondamentaux qui regardent la collaboration entre les fidèles laïcs
et les personnes consacrées dans l’école catholique : la communion dans la mission
éducative, le chemin nécessaire de formation à la communion pour la mission éducative
partagée et, enfin, l’ouverture aux autres comme fruit de la communion.
I.
La communion dans la mission éducative
8. Tout être humain est appelé
à la communion en vertu de sa nature créée à l’image et à la ressemblance de Dieu
(cf. Gn 1, 26-27). C’est pourquoi, dans la perspective de l’anthropologie biblique,
l’homme n’est pas un individu isolé, mais une personne : un être essentiellement
relationnel. La communion à laquelle l’homme est appelé implique toujours une double
dimension, à savoir une dimension verticale (communion avec Dieu) et une dimension
horizontale (communion entre les hommes). Il est essentiel de reconnaître la communion
comme don de Dieu, comme fruit de l’initiative divine accomplie dans le mystère pascal10.
L'Église
: mystère de communion et de mission
9. Le projet initial de Dieu a
été compromis par le péché qui a blessé toute relation : entre l’homme et Dieu, entre
l’homme et l’homme. Pourtant, Dieu n’a pas abandonné l’homme dans sa solitude et,
à la plénitude des temps, il a envoyé son Fils, Jésus-Christ, comme Sauveur11,
afin que l’homme puisse retrouver, dans l’Esprit, la pleine communion avec le Père.
À son tour, la communion avec la Trinité, rendue possible par la rencontre avec le
Christ, unit les hommes entre eux.
10. Quand les chrétiens parlent de communion,
ils se réfèrent au mystère éternel, révélé dans le Christ, de la communion d’amour
qui est la vie même du Dieu-Trinité. Dans le même temps, on dit aussi que le chrétien
est coparticipant de cette communion dans le corps du Christ qui est l’Église (cf.
Ph 1, 7 ; Ap 1, 9). La communion est, par conséquent, « essence » de
l’Église, fondement et source de sa mission d’être dans le monde « la maison et l’école
de la communion »12, pour conduire tous les hommes et toutes les femmes
à entrer toujours plus profondément dans le mystère de la communion trinitaire et,
tous ensemble, à étendre et renforcer les relations à l’intérieur de la communauté
humaine. En ce sens, « l’Église est comme une famille humaine, mais elle est aussi,
en même temps, la grande famille de Dieu, par laquelle Il forme un espace de communion
et d’unité dans tous les continents, dans toutes les cultures et dans toutes les nations »13.
11. Il
en résulte donc que dans l’Église, sous son aspect d’icône de l’amour incarné de
Dieu, « la communion et la mission sont profondément unies entre elles, elles
se compénètrent et s’impliquent mutuellement, au point que la communion représente
la source et tout à la fois le fruit de la mission : la communion est missionnaire
et la mission est pour la communion »14.
Éduquer en communion
et à la communion 12. L’éducation, précisément parce qu’elle
tend à rendre l’homme plus homme, ne peut se réaliser authentiquement que dans un
contexte relationnel et communautaire. Ce n’est pas un hasard si, à l’origine, le
premier milieu éducatif est constitué par cette communauté naturelle qu’est la famille15.
L’école, à son tour, se situe aux côtés de la famille comme lieu éducatif communautaire,
voulu et organisé. Elle en soutient la tâche éducative dans une logique de subsidiarité.
13. L’école
catholique, qui se caractérise principalement comme communauté éducative, se présente
comme école de la personne et des personnes. En effet, elle vise à former
la personne dans l’unité intégrale de son être, intervenant avec les moyens
de l’enseignement et de l’apprentissage là où se forment « les critères de jugement,
les valeurs déterminantes, les points d’intérêt, les lignes de pensée, les sources
inspiratrices et les modèles de vie »16. Mais surtout en l’impliquant dans
la dynamique des relations interpersonnelles qui constituent la communauté scolaire
et en sont la sève vivifiante.
14. D’autre part, cette communauté, en raison
de son identité et de sa base ecclésiale, doit aspirer à se constituer en communauté
chrétienne, c’est-à-dire en communauté de foi, capable de créer des rapports de communion,
éducatifs en eux-mêmes et toujours plus profonds. Et c’est justement la présence et
la vie d’une communauté éducative, dans laquelle tous les membres participent à une
communion fraternelle, nourrie de la relation vivante avec le Christ et l’Église,
qui fait de l’école catholique le cadre d’une expérience authentiquement ecclésiale.
Les
personnes consacrées et les fidèles laïcs ensemble dans l'école
15. « Ces
dernières années, la doctrine de l’Église comme communion a permis notamment de mieux
comprendre que ses diverses composantes peuvent et doivent unir leurs forces, dans
un esprit de collaboration et d’échange des dons, pour participer plus efficacement
à la mission ecclésiale. Cela contribue à donner une image plus juste et plus complète
de l’Église, et surtout à rendre plus vigoureuse la réponse aux grands défis de notre
temps, grâce à l’apport concerté des divers dons »17. Dans ce contexte
ecclésial, la mission de l’école catholique, accomplie par une communauté constituée
de personnes consacrées et de fidèles laïcs, prend une signification toute particulière
et manifeste une richesse qu’il convient de savoir reconnaître et mettre en valeur.
Cette mission exige, de la part de tous les membres de la communauté éducative, la
prise de conscience qu’il revient aux éducateurs, comme personnes et comme communauté,
d’assumer la responsabilité, à laquelle on ne peut renoncer, de produire la marque
originale d’un style chrétien. Cela requiert de leur part d’être des témoins de Jésus-Christ
et de manifester que la vie chrétienne est porteuse de lumière et de sens pour tous.
De même que la personne consacrée est appelée à témoigner de sa vocation particulière
à la vie de communion dans l’amour18, pour être dans la communauté scolaire
signe, mémoire et annonce prophétique des valeurs de l’Évangile19, de même
est-il demandé à l’éducateur laïc d’exercer « sa mission dans l’Église en vivant par
la foi sa vocation séculière dans la structure communautaire de l’école »20.
16. Ce
qui rend vraiment efficace ce témoignage, c’est la promotion, à l’intérieur même de
la communauté éducative de l’école catholique, de cette spiritualité de la communion
qui a été désignée comme la grande perspective largement ouverte à l’Église du
troisième millénaire. Une spiritualité de la communion, cela veut dire « la capacité
d’être attentif, dans l’unité profonde du Corps mystique, à son frère dans la foi,
le considérant donc comme "l’un des nôtres" »21 ; cela signifie aussi «
la capacité de la communauté chrétienne de donner une place à tous les dons de l’Esprit »22
dans une relation de réciprocité entre les différentes vocations ecclésiales. Dans
cette expression particulière de l’Église qu’est l’école catholique, la spiritualité
de la communion doit devenir la respiration de la communauté éducative, le critère
pour la pleine valorisation ecclésiale de ses composantes et le point de référence
essentiel pour la mise en œuvre d’une mission authentiquement partagée.
17. Ainsi,
dans les écoles catholiques nées à l’initiative des familles religieuses, des diocèses,
des paroisses ou des fidèles, et où se signale aujourd’hui la présence de mouvements
ecclésiaux, cette spiritualité de communion devra se traduire par un comportement
de grande fraternité évangélique entre les personnes qui se reconnaissent respectivement
dans les charismes des Instituts de vie consacrée, dans ceux des mouvements ou des
communautés nouvelles, et chez les autres fidèles qui travaillent dans l’école. De
cette manière, la communauté éducative fait place aux dons de l’Esprit et reconnaît
ces diversités comme une richesse. Une authentique maturité ecclésiale, alimentée
par la rencontre du Christ dans les sacrements, permettra de donner « que ce soit
par les formes plus traditionnelles ou par celles plus nouvelles des mouvements ecclésiaux
[…] une vivacité qui est un don de Dieu »23 à toute la communauté scolaire
et au parcours éducatif lui-même.
18. Les associations catholiques catégorielles
constituent une autre instance de « communion », une aide apportée à la mission éducative
et elles sont un espace de dialogue entre les familles, les institutions du territoire
et l’école. Ces associations, par leurs articulations au niveau local, national et
international, sont une richesse qui apporte une contribution particulièrement féconde
au monde éducatif sur le plan des motivations et du professionnalisme. De nombreuses
associations réunissent des enseignants et des responsables présents tant dans l’école
catholique que dans d’autres réalités scolaires. Grâce au pluralisme des appartenances,
elles peuvent remplir un rôle important dans le dialogue et la coopération entre des
institutions diverses, mais ayant en commun la même visée éducative. Ces réalités
associatives sont appelées à tenir compte du changement des situations, adaptant ainsi
leur structure et leur mode d’agir, pour continuer à être une présence efficace et
incisive dans le secteur éducatif. Elles doivent également intensifier leur collaboration
réciproque, surtout pour garantir la réalisation des objectifs communs, dans le plein
respect de la valeur et de la spécificité de chaque association.
19. Il est,
en outre, d’une importance fondamentale que le service assuré par les associations
se fasse sous l’impulsion d’une entière participation à l’activité pastorale de l’Église.
C’est aux Conférences Épiscopales et à leurs organismes continentaux qu’est confiée
la tâche de promouvoir et de valoriser les spécificités de chaque association, en
favorisant et en encourageant un travail plus coordonné dans le secteur scolaire.
II.
Un parcours de formation pour éduquer ensemble
20. Éduquer les jeunes générations
à la communion et dans la communion, dans l’école catholique, est une tâche sérieuse
qui ne s’improvise pas. Elle doit être préparée et soutenue grâce à un projet de formation
initiale et continue, capable d’accueillir les défis éducatifs du moment présent et
de fournir les instruments les plus efficaces pour pouvoir les affronter, dans la
ligne de la mission partagée. Ceci implique chez les éducateurs une disponibilité
à l’apprentissage et au développement des connaissances, au renouvellement et à la
mise à jour des méthodes d’enseignement, mais aussi à la formation spirituelle, religieuse
et au partage. Dans le contexte actuel, ceci est particulièrement requis pour répondre
aux demandes qui viennent d’un monde en évolution continuelle et rapide, dans lequel
il devient toujours plus difficile d’éduquer.
La formation professionnelle
21. Une
des conditions fondamentales requises de l’éducateur de l’école catholique est la
possession d’une solide formation professionnelle. La mauvaise qualité de l’enseignement,
due à l’insuffisante préparation professionnelle ou à l’inadaptation des méthodes
pédagogiques, se répercute inévitablement au détriment de l’efficacité de la formation
intégrale de l’élève et du témoignage culturel que doit offrir l’éducateur.
22. La
formation professionnelle de l’éducateur implique non seulement un vaste éventail
de compétences culturelles, psychologiques et pédagogiques, caractérisées par l’autonomie,
la capacité de faire des projets et de les évaluer, la créativité, l’ouverture à l’innovation,
l’aptitude à la remise à jour, à la recherche et à l’expérimentation, mais elle exige
aussi la capacité de faire la synthèse entre compétences professionnelles et motivations
éducatives, avec une attention particulière à la disposition aux relations humaines
demandée aujourd’hui par l’exercice toujours plus collégial du métier d’enseignant.
Du reste, dans les attentes des élèves et des familles, l’éducateur est perçu et désiré
comme un interlocuteur accueillant et préparé, capable de motiver les jeunes pour
une formation complète, de susciter et orienter le meilleur de leurs énergies en vue
d’une réelle construction de la personne et d’une approche positive de la vie, d’être
un témoin sérieux et crédible de la responsabilité et de l’espérance dont l’école
est débitrice envers la société.
23. La transformation continuelle et accélérée,
qui affecte l’homme et la société de notre temps dans tous les domaines, entraîne
le vieillissement rapide des connaissances acquises et exige de nouvelles aptitudes
et de nouvelles méthodes. Il est demandé à l’éducateur une constante remise à jour
par rapport aux contenus des matières qu’il enseigne et aux méthodes pédagogiques
qu’il utilise. La vocation d’éducateur exige une capacité prompte et constante de
renouvellement et d’adaptation. C’est pourquoi, il ne suffit pas seulement d’atteindre
au début un bon niveau de préparation, mais il faut le maintenir et l’élever, en un
parcours de formation permanente. De plus, la formation permanente, par la variété
des aspects qu’elle embrasse, exige une constante recherche personnelle et communautaire
de ses formes de réalisation, ainsi qu’un parcours de formation partagé et alimenté
par l’échange et le débat entre éducateurs consacrés et fidèles laïcs de l’école catholique.
24. La
seule préoccupation de la mise à jour professionnelle au sens étroit n’est pas suffisante.
La synthèse entre foi, culture et vie, que les éducateurs de l’école catholique sont
appelés à réaliser, s’opère, en effet, « par l’assimilation, à la lumière du message
évangélique, du savoir humain contenu dans les diverses disciplines, et par l’acquisition
des vertus qui caractérisent le chrétien »24. Cela exige des éducateurs
catholiques le mûrissement d’une sensibilité particulière à l’égard de la personne
à éduquer pour savoir répondre non seulement à la demande de croissance en connaissance
et en compétence, mais aussi au besoin de grandir en humanité. Ceci requiert des éducateurs
qu’ils se consacrent « à autrui avec des attentions qui leur viennent du cœur, de
manière à ce qu'autrui puisse éprouver leur richesse d’humanité »25.
25. Pour
cela, il est nécessaire pour les éducateurs catholiques « d'avoir aussi et surtout
une "formation du cœur" : il convient de les conduire à la rencontre avec Dieu dans
le Christ, qui suscite en eux l’amour et qui ouvre leur esprit à autrui », en sorte
que leur tâche éducative soit « une conséquence découlant de leur foi qui devient
agissante dans l'amour (cf. Ga 5, 6) »26. En effet, même « le soin
d’instruire est amour » (Sg 6, 17). C’est seulement ainsi qu’ils pourront faire
de leur enseignement une école de foi, autrement dit une transmission de l’Évangile,
comme cela est requis par le projet éducatif de l’école catholique.
La
formation théologique et spirituelle
26. La transmission du message
chrétien par l’enseignement implique la maîtrise des connaissances des vérités de
la foi et des principes de la vie spirituelle, qui requièrent un continuel perfectionnement.
Pour cela, il est nécessaire que les éducateurs de l’école catholique, consacrés et
laïcs, suivent un parcours approprié de formation théologique27. Ceci aide
à mieux articuler l’intelligence de la foi avec la tâche professionnelle et l’agir
chrétien. Avec la formation théologique il est nécessaire que les éducateurs cultivent
aussi leur formation spirituelle pour faire grandir la relation avec le Christ-Jésus
et se configurer à lui qui est le Maître. En ce sens, le parcours de formation, tant
pour les laïcs que pour les personnes consacrées, doit s’intégrer dans le parcours
de construction de la personne vers une conformité au Christ toujours plus grande
(cf. Rm 8, 29) et de la communauté éducative autour du Christ Maître. Du reste,
l’école catholique est consciente que la communauté qu’elle constitue doit s’alimenter
continuellement et se confronter aux sources d’où vient sa raison d’être : la parole
salvifique de Dieu dans la Sainte Écriture, dans la Tradition, surtout liturgique
et sacramentelle, éclairées par le Magistère de l’Église28.
La
contribution des personnes consacrées à la formation partagée
27. Par la
profession des conseils évangéliques, les personnes consacrées montrent qu’elles vivent
de Dieu et pour Dieu, devenant un témoignage concret de l’amour trinitaire, pour que
les hommes puissent percevoir l’attrait de la beauté divine. Ainsi la première contribution
originale à la mission partagée est la radicalité évangélique de la vie des personnes
consacrées. En raison de leur formation à la vie consacrée, elles possèdent une préparation
théologico-spirituelle qui, centrée sur le mystère du Christ vivant dans l’Église,
a besoin de progresser constamment, en union avec l’Église qui chemine, dans l’histoire,
vers « la vérité tout entière » (Jn 16, 13). Toujours dans cette dynamique
typiquement ecclésiale, les personnes consacrées sont invitées à partager les fruits
de leur formation avec les laïcs, surtout avec ceux qui se sentent appelés « à vivre
des aspects et des moments spécifiques de la spiritualité et de la mission de l’Institut »29.
De cette manière, les Instituts de vie consacrée et les Sociétés de vie apostolique
engagés dans l’éducation réussiront à assurer l’indispensable ouverture à l’Église
et à conserver vivant l’esprit des fondatrices et des fondateurs, renouvelant par-dessus
tout un aspect particulièrement précieux de la tradition de l’école catholique. Dès
l’origine, en effet, les fondatrices et les fondateurs ont donné une attention particulière
à la formation des formateurs et ils ont souvent consacré à celle-ci leurs
meilleures énergies. Cette formation, aujourd’hui comme jadis, cherche non seulement
à consolider les compétences professionnelles, mais surtout à mettre en relief la
dimension vocationnelle de la profession d’enseignant, en favorisant le mûrissement
d’un état d’esprit inspiré par les valeurs évangéliques, selon les traits spécifiques
de la mission de l’Institut. Pour cette raison « il est très profitable d’établir
des programmes de formation, comportant des cycles d’étude et de réflexion priante
sur le fondateur, le charisme et les constitutions »30.
28. En de
nombreux instituts religieux, le partage de la mission éducative avec les laïcs existe
depuis longtemps, ce partage étant né avec la communauté religieuse présente dans
l’école. Le développement des « familles spirituelles », des groupes de « laïcs associés »
ou d’autres formes qui permettent aux fidèles laïcs de puiser leur fécondité spirituelle
et apostolique au charisme d’origine, apparaît comme un élément positif et plein d’espérance
pour l’avenir de la mission éducative catholique.
29. Il est quasi superflu
d’observer que, dans la perspective de l’Église-communion, ces programmes de formation
au partage de la mission et de la vie avec les laïcs, à la lumière du charisme propre,
sont pensés et réalisés également là où les vocations à la vie consacrée sont nombreuses.
La
contribution des laïcs à la formation partagée
30. Les laïcs aussi, alors
qu’ils sont invités à approfondir leur vocation d’éducateurs dans l’école catholique,
en communion avec les consacrés, sont appelés à donner au parcours de formation commun
la contribution originale et irremplaçable de leur pleine appartenance ecclésiale.
Cela comporte, avant tout, qu’ils découvrent et vivent dans leur « vie laïque […]
leur vocation spécifique "admirable" à l’intérieur de l’Église »31 : la
vocation à « chercher le règne de Dieu à travers la gérance des choses temporelles
qu’ils ordonnent selon Dieu »32. En tant qu’éducateurs, ils sont appelés
à vivre « par la foi leur vocation séculière dans la structure communautaire de l’école,
avec la plus grande qualité professionnelle possible et avec un projet apostolique
inspiré de cette foi dans la formation intégrale de l’homme »33.
31. Il
est utile de souligner que la contribution particulière que les éducateurs laïcs peuvent
apporter au parcours de formation découle précisément de leur caractère séculier,
qui les rend particulièrement capable de percevoir « les signes des temps »34.
Vivant, en effet, leur foi dans les conditions ordinaires de la famille et de la société,
ils peuvent aider toute la communauté éducative à distinguer avec plus de précision
les valeurs évangéliques et les contre-valeurs que ces signes contiennent.
32. Par
le mûrissement progressif de leur vocation ecclésiale, les laïcs sont rendus toujours
plus conscients de participer à la mission éducatrice de l’Église. En même temps,
ils sont encouragés à jouer un rôle actif dans l’animation spirituelle de la communauté
qu’ils construisent avec les personnes consacrées. « La communion et la réciprocité
dans l’Église ne sont jamais à sens unique »35. Si, en effet, en d’autres
temps ce sont surtout les prêtres et les religieux qui ont nourri spirituellement
les laïcs et les ont dirigés, aujourd’hui, il peut arriver que ce soient « les fidèles
laïcs eux-mêmes qui peuvent et doivent aider les prêtres et les religieux dans leur
cheminement spirituel et pastoral »36.
33. Dans la perspective de
la formation, les fidèles laïcs et les personnes consacrées, partageant la vie de
prière et, selon les formes appropriées, la vie de communauté, nourriront leur réflexion,
le sens de la fraternité et du don généreux de soi. Sur ce commun cheminement de formation
catéchétique, théologique et spirituel, nous pouvons voir le visage d’une Église,
qui présente celui du Christ, priant, écoutant, apprenant, enseignant dans la communion
fraternelle.
La formation à l'esprit de communion pour éduquer
34. Par
sa nature même, l’école catholique requiert la présence et l’implication d’éducateurs
qui soient non seulement formés culturellement et spirituellement, mais animés aussi
par la volonté de faire grandir leur engagement éducatif communautaire dans un authentique
esprit de communion ecclésiale.
35. Les éducateurs sont appelés, grâce également
au parcours de formation, à construire leurs relations, tant sur le plan professionnel
que personnel et spirituel, selon l’esprit de communion. Ceci comporte, pour chacun,
l’engagement à des attitudes de disponibilité, d’accueil et d’échange profond, de
convivialité et de vie fraternelle à l’intérieur de la communauté éducative elle-même.
La parabole des talents (Mt 25, 14-30) peut aider à comprendre comment chacun
est appelé à faire fructifier ses dons personnels et à accueillir les richesses des
autres dans la mission éducative partagée.
36. Du reste, la mission partagée
est enrichie par les différences dont sont porteuses les personnes consacrées et les
laïcs, là où convergent dans l’unité les expressions de divers charismes. Ces charismes
ne sont pas autre chose que les différents dons par lesquels le même Esprit enrichit
l’Église et le monde37. Dans l’école catholique, par conséquent, « la complémentarité
des vocations, en évitant aussi bien l’opposition que l’uniformisation, est une perspective
particulièrement féconde pour enrichir la dimension ecclésiale de la communauté éducative.
Dans cette communauté, les diverses vocations […] sont des chemins différents, mais
complémentaires, qui contribuent à la pleine réalisation du charisme des charismes :
la charité »38.
37. Articulée sur la diversité des personnes et
des vocations, mais vivifiée par le même esprit de communion, la communauté éducative
de l’école catholique vise à créer des rapports de communion, par eux-mêmes éducatifs,
toujours plus profonds. Et, précisément en cela, elle « exprime la variété et la beauté
des diverses vocations, ainsi que leur fécondité, sur le plan éducatif et pédagogique,
pour la vie de l’institution scolaire »39. Témoignage et culture
de la communion
38. Cette fécondité s’exprime, avant tout, dans le témoignage
même offert par la communauté éducative. Dans l’école, assurément, l’éducation se
déploie de manière achevée par l’enseignement, qui est le véhicule grâce auquel se
communiquent idées et convictions ; en ce sens, « la parole est la voie royale de
l’éducation des esprits »40. Ceci ne supprime pas le fait, pourtant, que
l’éducation se réalise également dans d’autres situations de la vie scolaire. Ainsi,
comme toute personne qui vit et travaille dans un cadre scolaire, les enseignants
éduquent, ou peuvent aussi contre-éduquer, par leur comportement en paroles ou en
actes. « Au centre de l'oeuvre éducative, et en particulier dans l'éducation à la
foi, qui est le sommet de la formation de la personne et son horizon le plus adapté,
se trouve de manière concrète la figure du témoin »41. « Cela exige, plus
que jamais, que le témoignage, nourri par la prière, constitue le cadre de toute école
catholique. Les enseignants, en tant que témoins, répondent de l’espérance qui nourrit
leur vie (cf. 1 P 3, 15) en vivant la vérité qu’ils proposent à leurs élèves,
toujours en référence à celui qu’ils ont rencontré et dont ils ont éprouvé avec joie
la bonté certaine. C’est pourquoi, avec saint Augustin, ils disent: "Nous qui parlons
et vous qui écoutez nous nous reconnaissons comme disciples d’un même enseignant"
(Sermons, 23, 2). »42. Dans la communauté éducative, par conséquent,
le style de vie a une grande influence, surtout si les personnes consacrées et les
laïcs travaillent ensemble, partageant pleinement l’engagement à construire, dans
l’école, « une atmosphère animée d’un esprit évangélique de liberté et de charité »43.
Ceci requiert de chacun qu’il apporte le don spécifique de sa propre vocation
pour construire une famille guidée par la charité et l’esprit des béatitudes.
39. Donnant
un témoignage de communion, la communauté éducative catholique est en mesure de former
à la communion. Celle-ci, comme don qui vient d’en-haut, anime le projet de formation
à la vie en commun et à l’accueil. Non seulement elle cultive chez les élèves les
valeurs culturelles qui découlent de la vision chrétienne de la réalité, mais elle
engage chacun d’eux à la vie de la communauté, où les valeurs sont communiquées par
les rapports interpersonnels authentiques entre les divers membres qui la composent
et par l’adhésion individuelle et communautaire à ces valeurs. De cette manière, la
vie de communion de la communauté éducative prend valeur de principe éducatif, de
paradigme qui oriente son action de formation, comme service pour la réalisation d’une
culture de la communion. C’est pourquoi la communauté scolaire catholique, par les
instruments que sont l’enseignement et l’apprentissage, « ne transmet pas la culture
comme un moyen de puissance et de domination, mais comme un moyen de communion et
d’écoute de la voix des hommes, des événements, des choses »44. Ce principe
informe toute activité scolaire, la pédagogie, mais aussi toutes les activités extra-scolaires
telles que le sport, le théâtre et l’engagement dans le social, activités qui favorisent
l’apport créatif des élèves et leur socialisation.
Communauté éducative
et pastorale des vocations
40. La mission partagée vécue par une communauté
éducative de laïcs et de consacrés, où chacun a une vive conscience de sa vocation
propre, fait de l’école catholique un lieu pédagogique favorable à la pastorale
des vocations. Par sa composition même, en effet, la communauté éducative de l’école
catholique met en relief la diversité et la complémentarité des vocations dans l’Église45,
dont elle est elle-même l’expression. En ce sens, la dynamique communautaire de l’expérience
de la formation devient l’horizon dans lequel le jeune peut expérimenter ce que signifie
être membre de la plus grande communauté qu’est l’Église. Et faire l’expérience de
l’Église signifie rencontrer personnellement le Christ vivant en elle. Et « c’est
seulement dans la mesure où il fait une expérience personnelle du Christ que le jeune
peut comprendre en vérité sa volonté, et donc sa propre vocation »46. En
ce sens, l’école catholique se sent engagée à conduire les élèves dans la connaissance
d’eux-mêmes, de leurs aptitudes et de leurs ressources intérieures, pour les éduquer
à vivre leur vie avec le sens de la responsabilité, comme une réponse quotidienne
à l’appel de Dieu. Ce faisant, l’école catholique accompagne les élèves à faire des
choix de vie conscients : répondre à la vocation au sacerdoce ou à une consécration
particulière, réaliser sa vocation chrétienne dans la vie familiale, professionnelle
et sociale.
41. En effet, le dialogue quotidien comme l’échange avec les éducateurs,
laïcs et personnes consacrées, qui offrent un témoignage joyeux de leur propre appel,
orientera avec plus de facilité le jeune en formation à considérer sa vie comme une
vocation, comme un chemin à vivre ensemble, accueillant les signes par lesquels Dieu
conduit à la plénitude de l’existence. D’une manière semblable, il leur fera comprendre
la nécessité de savoir écouter, intérioriser les valeurs, apprendre à assumer les
tâches et à faire des choix de vie.
42. De cette manière, l’expérience de formation
de l’école catholique constitue un frein puissant à l’influence d’une mentalité diffuse
qui conduit, surtout les plus jeunes, « à considérer sa propre vie comme un ensemble
de sensations à expérimenter et non comme une œuvre à accomplir »47. Et,
en même temps, elle contribue à « former des personnalités suffisamment autonomes
et responsables pour résister au relativisme débilitant et pour mettre leur vie en
accord avec les exigences du baptême »48.
III. La communion pour
s’ouvrir aux autres
43. La communion vécue par les éducateurs de l’école
catholique contribue à faire en sorte que l’ensemble du cadre éducatif soit le lieu
d’une communion ouverte à la réalité extérieure et non repliée sur elle-même. Éduquer
en communion et à la communion signifie orienter les élèves à grandir authentiquement
comme personnes, « capables de s’ouvrir progressivement à la réalité et de se faire
une conception de vie déterminée »49, qui les aide à élargir leur regard
et leur cœur au monde qui les entoure, par une capacité de lecture critique, un sens
de la co-responsabilité et la volonté d’un engagement constructif. Deux ordres de
motivations, anthropologiques et théologiques, fondent cette ouverture sur le monde.
Fondements
anthropologiques et théologiques
44. L’être humain, en tant que personne,
est une unité de l’âme et du corps qui se réalise dynamiquement grâce à l’ouverture
à l’autre. L’être-avec etl’être-pour les autres, qui se réalise
dans l’amour, est constitutif de la personne humaine. C’est précisément l’amour qui
pousse la personne à développer progressivement le réseau de ses relations au-delà
de la sphère de la vie privée et des affections familiales, jusqu’à s’ouvrir à l’universel
et à embrasser – au moins comme désir - l’humanité tout entière. Et, dans ce même
élan, il y a une forte exigence de formation : l’exigence d’apprendre à lire l’inter-dépendance
d’un monde qui est toujours plus assailli par les mêmes problèmes de caractère global,
comme un signal éthique fort pour l’homme de notre temps, comme un appel à sortir
de cette vision de l’homme qui tend à concevoir chacun comme un individu isolé. Il
s’agit de l’exigence de former l’homme comme personne : un sujet qui, dans l’amour,
construit sa propre identité historique, culturelle, spirituelle, religieuse, la mettant
en dialogue avec d’autres personnes, dans une dynamique de dons réciproquement offerts
et reçus. Dans le contexte de la mondialisation, il convient de former des sujets
capables de respecter l’identité, la culture, l’histoire, la religion et surtout les
souffrances et les besoins des autres, dans la conscience que « tous, nous sommes
vraiment responsables de tous »50.
45. Cette exigence revêt une
autre importance et une autre urgence, dans la perspective de la foi catholique,
vécue dans la charité de la communion ecclésiale. Dans l’Église, en
effet, lieu de communion à l’image de l’amour trinitaire, « vit la dynamique de l’amour
suscité par l’Esprit du Christ »51. L’Esprit agit comme « puissance intérieure »
qui harmonise le cœur des croyants avec le cœur du Christ et « transforme le cœur
de la Communauté ecclésiale, afin qu’elle soit, dans le monde, témoin de l’amour du
Père »52. C’est pourquoi, « à partir de la communion intra-ecclésiale,
la charité s’ouvre par nature au service universel, nous lançant dans l’engagement
d’un amouractif et concret envers tout être humain »53. En
ce sens, l’Église n’est pas sa propre fin, elle existe pour montrer Dieu au monde ;
elle existe pour les autres.
46. De la même manière, en tant que sujet ecclésial,
l’école catholique se présente comme un levain chrétien dans le monde : l’élève y
apprend à dépasser l’individualisme et à découvrir, à la lumière de la foi, qu’il
est appelé à vivre de manière responsable une vocation particulière à l’amitié avec
le Christ et en solidarité avec les autres hommes. En définitive, l’école est appelée
à être témoignage vivant de l’amour de Dieu parmi les hommes. Par ailleurs, elle peut
devenir un moyen grâce auquel il est possible de discerner, à la lumière de l’Évangile,
ce qu’il y a de positif dans le monde, ce qu’il convient de transformer, mais aussi
les injustices qu’il faut vaincre. De même, l’accueil vigilant des contributions du
monde dans la vie de l’école nourrit et favorise une communion ouverte, en particulier
dans certains domaines éducatifs, comme l’éducation à la paix, au vivre ensemble,
à la justice et à la fraternité.
Bâtisseurs d'une communion ouverte
47. Le
partage de la même mission éducative dans la diversité des personnes, des vocations
et des états de vie est certainement un point fort de l’école catholique dans sa participation
à la dynamique missionnaire de l’Église, à l’ouverture au monde de la communion ecclésiale.
Dans cette optique, un premier apport appréciable vient de la communion entre laïcs
et personnes consacrées dans l’école. Les laïcs qui, en raison de leurs relations
familiales et sociales, vivent immergés dans le monde, peuvent favoriser l’ouverture
de la communauté éducative à un rapport constructif avec les institutions culturelles,
civiles et politiques, avec les diverses associations sociales – des plus informelles
aux plus organisées – présentes sur le terrain. L’école catholique assure aussi sa
présence sur le terrain par la collaboration active avec les autres institutions éducatives,
en premier lieu avec les centres catholiques d’études supérieures, avec lesquels elle
partage un lien ecclésial spécial, avec les organismes locaux et les diverses structures
sociales. Dans ce cadre, fidèle à sa propre inspiration, elle contribue à construire
un réseau de relations qui aide les élèves à mûrir un sentiment d’appartenance et
qui aide la société elle-même à grandir et à se développer de manière solidaire. De
même, les personnes consacrées participent, comme « signe authentique du Christ dans
le monde »54, à cette ouverture vers l’extérieur pour partager les biens
dont elles sont porteuses. Il leur revient, en particulier, de montrer que la consécration
religieuse peut dire beaucoup à chaque culture, en tant qu’elle aide à révéler la
vérité de l’être humain. Leur témoignage de vie évangélique doit faire apparaître
que « la sainteté est la proposition de l’humanisation la plus haute de l’homme et
de l’histoire : c’est un projet que chacun sur cette terre peut faire sien »55.
48. Un
autre pilier de la communion ouverte est constitué par la relation entre l’école
catholique et les familles qui l’ont choisie pour l’éducation de leurs enfants. Cette
relation se veut pleine participation des parents à la vie de la communauté éducative,
non seulement en raison de leur responsabilité première dans l’éducation de leurs
enfants, mais aussi en vertu du partage de l’identité et du projet qui caractérisent
l’école catholique et qu’ils doivent connaître et partager, avec une disponibilité
intérieure. Dans ce but, la communauté éducative trouve un lieu décisif de collaboration
entre école et famille dans le projet éducatif, qu’il conviendra de faire connaître
et de mettre en œuvre dans un esprit de communion, avec la contribution de tous, en
distinguant les responsabilités, les rôles et les compétences. Aux parents, d’une
manière particulière, il revient d’enrichir la communion autour de ce projet, en rendant
vivant et explicite le climat familial qui doit caractériser la communauté éducative.
Pour cette raison, l’école catholique, accueillant volontiers la collaboration des
parents, considère aussi comme un élément essentiel de sa mission un service structuré
de formation permanente offert aux familles, pour les soutenir dans leur tâche
éducative et pour promouvoir une cohérence toujours plus étroite entre les valeurs
proposées par l’école et celles proposées en famille.
49. Les associations
et les groupes d’inspiration chrétienne qui réunissent les parents des écoles catholiques
forment un autre pont entre la communauté éducative et la réalité environnante. Ces
associations et ces groupes peuvent renforcer le lien de réciprocité entre école et
société, en maintenant la communauté éducative ouverte à la communauté sociale la
plus large et, en même temps, en développant une action de sensibilisation de la société
et de ses institutions par rapport à la présence et à l’action de l’école catholique
sur le terrain.
50. De même, sur le plan ecclésial, la communion vécue à l’intérieur
de l’école catholique peut et doit s’ouvrir à un échange enrichissant dans une communion
plus large avec la paroisse, le diocèse, les mouvements ecclésiaux et l’Église universelle.
Ceci implique que les laïcs (éducateurs et parents) et les personnes consacrées appartenant
à la communauté éducative prennent part d’une manière significative, même en dehors
des murs de l’école catholique, à la vie de l’Église locale. Les membres du clergé
diocésain et les laïcs de la communauté chrétienne locale, qui n’ont pas toujours
une juste connaissance de l’école catholique, doivent la redécouvrir comme école
de la communauté chrétienne, une vivante expression de la même Église du Christ
à laquelle ils appartiennent.
51. La dimension ecclésiale de la communauté
éducative de l’école catholique, si elle est vécue authentiquement et profondément,
ne peut se limiter au rapport avec la communauté chrétienne locale. Presque par extension
naturelle, elle tend à s’ouvrir aux horizons de l’Église universelle. Dans cette perspective,
la dimension internationale de nombreuses familles religieuses offre aux personnes
consacrées la richesse de la communion avec ceux qui partagent la même mission dans
les régions du monde les plus diverses. En même temps, elle offre le témoignage de
la force vive d’un charisme qui unit au-delà des différences. Les laïcs aussi (éducateurs
et parents) qui, dans le respect de leur état de vie, partagent la mission éducative
de ces charismes, peuvent et doivent eux-aussi prendre part à la richesse de cette
communion dans l’Église universelle, par exemple à l’occasion de formations et de
rencontres de niveau régional ou mondial.
52. L’école catholique se présente
ainsi comme une communauté éducative dans laquelle la communion ecclésiale et missionnaire
mûrit en profondeur et grandit en extension. Elle peut être le lieu où se vit une
communion qui devient un témoignage efficace de la présence du Christ, vivant dans
la communauté éducative réunie en son nom (cf. Mt 18, 20) et qui, précisément
pour cela, ouvre à une compréhension plus profonde de la réalité et à un engagement
plus convaincu au renouvellement du monde. En effet, « si nous pensons et si nous
vivons dans la communion avec le Christ, alors nos yeux s’ouvriront »56,
et nous comprendrons que « c’est seulement de Dieu que vient la véritable révolution,
le changement décisif du monde »57.
53. La communion vécue dans
la communauté éducative, animée et soutenue par les laïcs et les personnes consacrées
pleinement unis dans la même mission, fait de l’école catholique un milieu communautaire
imprégné par l’esprit de l’Évangile. Ce milieu communautaire se veut un lieu privilégié
pour la formation des jeunes générations à la construction d’un monde fondé sur le
dialogue et la recherche de la communion, plus que sur la confrontation ; sur la mise
en commun des différences, plus que sur leur opposition. De cette manière, l’école
catholique, en s’inspirant pour son projet éducatif de la communion ecclésiale
et de la civilisation de l’amour, peut contribuer de manière notable à éclairer
les esprits de beaucoup, alors « surgiront des hommes vraiment nouveaux, artisans
de l’humanité nouvelle »58. Conclusion
54. « Dans un monde
où le premier défi, le plus provocant et le plus lourd de conséquences est le défi
culturel »59, l’école catholique est consciente des lourdes tâches qu’elle
est appelée à affronter et conserve la plus grande importance dans les circonstances
présentes.
55. Quand elle est animée par des personnes laïques et consacrées
qui vivent dans une véritable unité la même mission éducative, l’école catholique
montre le visage d’une communauté qui tend vers une communion toujours plus profonde.
Cette communion sait se faire accueillante aux personnes en croissance, leur faisant
expérimenter, par la sollicitude maternelle de l’Église, que Dieu porte dans son cœur
la vie de chacun de ses fils. Elle sait impliquer les jeunes dans une expérience de
formation globale, pour orienter et accompagner, à la lumière de la Bonne Nouvelle,
la recherche de sens qu’ils vivent, sous des formes inédites et souvent sinueuses,
mais avec une urgence inquiétante. Une communion, enfin, qui, se fondant sur le Christ,
le reconnaît et l’annonce à tous et à chacun, comme l’unique et vrai Maître (cf. Mt
23, 8).
56. En adressant ce présent document à tous ceux qui vivent la
mission éducative dans l’Église, nous confions à la Vierge Marie, mère et éducatrice
du Christ et des hommes, toutes les écoles catholiques, afin que, comme les serviteurs
aux noces de Cana, elles suivent docilement son invitation aimante : « Faites tout
ce qu’il vous dira » (Jn 2, 5) et soient ainsi, avec toute l’Église, « la maison
et l’école de la communion »60 pour les hommes de notre temps.
Au
cours de l’audience accordée au Préfet soussigné, le Saint-Père a approuvé le présent
document et il en a autorisé la publication.
Rome, le 8 septembre 2007,
fête de la Nativité de la Bienheureuse Vierge Marie.